lundi 7 avril 2025

Corrigé partiel du sujet : Les sciences ne sont-elles qu'une interprétation du réel ?

 

Les sciences ne sont-elles qu’une interprétation du réel ?


[Analyse problématique :]

En parlant d’interprétation du réel, nous sous-entendons déjà que le réel reste inconnaissable et inaccessible. Ainsi si on réduit les sciences à n’être qu’une interprétation du réel au même titre que n’importe quelle autre croyance, l’idée d’une objectivité scientifique, l’idée qu’il y a des faits objectifs qui indéniablement condamnent telle croyance à n’être qu’une erreur, devient caduque. A première vue donc, on serait donc tenté de dire que les sciences ne peuvent se réduire à n’être que des interprétations car il y a des faits.

Toutefois, nous devons admettre que certaines sciences sont d’abord des sciences de l’interprétation. En histoire, il y a certes des faits, il y a des traces, qui corroborent ou infirment telle interprétation. Mais lorsqu’on parle d’histoire, on parle aussi de valeurs. L’histoire de France par des historiens français mettra en jeu des valeurs. Tel historien valorisera tel personnage, aura à cœur de ressusciter tel chemin culturel inemployé en fonction de ses valeurs. Ces valeurs ne sont pas d’ailleurs forcément contraires au respect des faits et à la compréhension des acteurs.

Par ailleurs, en sciences de la nature, on peut avoir des théories efficaces dans certains domaines mais inefficaces en d’autres, si bien qu’une autre théorie sera requise. Les faits peuvent donc se ranger au sein de plusieurs théories concurrentes et parfois il faudra attendre des faits inexplorés pour donner plus raison à telle interprétation des faits plus qu’à une autre. Ici nous croisons l’idée de théories comme interprétation du réel toujours en suspens, toujours éventuellement à reconsidérer en fonctions des faits.

Alors nous faut-il maintenir un horizon de réel et l’idéal de valeurs supérieures pour discerner la validité et la qualité de nos interprétations ou faut-il aller jusqu’à dire qu’il n’y a décidemment pas de faits mais que des interprétations ?


 

I – Les succès de la mathématisation du réel montrent-ils que l’interprétation déductive du réel supplantera définitivement toute croyance ?

 

A – La méthode de Descartes nous fait espérer une mathesis universalis.

Présentation de la méthode déductive de Descartes – les 4 règles de la méthode – ici on évite les paralogismes, les sophismes – par exemple, les difficultés des syllogismes en passant à l’évidence indubitable de la théorie des ensembles (cheval bon marché est cher) [A faire]

 

B - La force de la déduction de modèle mathématique est celle d’un fait intérieur rationnel sur les données immédiates des sens qui demandent souvent à être réinterroger.


Il n’y a pas de place chez les cartésiens pour une interprétation. Ici on a une explication de l’univers par la compréhension de la raison qui l’a conçue.

Les sensations sont trompeuses. Le changement de repère explique simplement que nous voyons le soleil tourner autour de la terre tandis que du soleil on verrait la terre tourner sur elle-même et révolutionner autour de l’astre sur lequel on se tiendrait.

C’est bien la force d’une déduction contre-intuitive au niveau des sens qui a expliqué au mieux les phénomènes et permis de les prévoir. Les faits sensitifs ne sont pas ici dignes de confiances à moins d’être revus à la lumière de la clarté déductive.

 

C – Transition Critique : il n’y a pas de métalogique ; il y a plusieurs logiques (tiers inclus, tiers exclu) – il faut en revenir malgré la force déductive à des faits observables.


 

II – L’induction comme degré de réfutabilité montre-t-elle qu’un progrès de nos interprétations théoriques scientifiques du réel est possible ?


A – La connaissance par induction et ses généralisations abusives.

« On fait la science avec des faits, comme on fait une maison avec des pierres : mais une accumulation de faits n'est pas plus une science qu'un tas de pierres n'est une maison. », Henri Poincaré

B – La réfutabilité croissante d’une théorie en même que sa résistance face aux faits est significative d’un pouvoir prédictif croissant [Popper]


 

C – Transition Critique : le fait observé n’échappe pas à la possibilité d’interprétations multiples (exemple : canard lapin ; illusion de Lyer Muller)


Ainsi même dans les sciences de la nature on n’échappe pas tout à fait à une question de valeurs. On peut même se demander si l’interprétation logique, déductive qui accompagne les théories scientifiques n’effacent pas à nos yeux tout un pan du réel ? Ne serait-ce pas la pluralité des interprétations qui au fond révèle la richesse de la poésie ? Une formule algorithmique n’a qu’un seul sens comme un énoncé mathématique. Mais la vie consiste aussi en ambiguïtés, en hésitation, en richesse pluraliste.

 

III – La valeur et la validité pragmatique des interprétations permet de discriminer les interprétations – Les sciences par leur efficacité expérimentale sont donc un type de croyances préférables même si d’autres croyances et interprétation présentent des avantages.


A – Du perspectivisme de Nietzsche avec ses critères de valeurs saines au relativisme vulgaire instaurant l’ère de la postvérité.

 

B – Les sciences sont un type de croyances pragmatiques. Ceci s’oppose aux croyances par ténacité, par autorité ou a priori même si elles ont des avantages. [Pierce]



Articulation vers le C : Ce n’est pas un fait observé qui est la clé des sciences mais un acte expérimental. On peut retenir de Nietzsche l’idée qu’une croyance qui a un degré adaptatif au réel et qui en outre ouvre à une vision plus large n’est pas certes forcément vraie mais elle est plus vivante, plus authentique.

 

C – Cette approche peut permettre de reconsidérer la phénoménologie comme une approche d’une évolution consciente de la conscience.


La science phénoménologique peut s'inscrire dans un paradigme épistémologique pragmatique qui pour rappel peut se présenter ainsi :




Nous le suggérons dans la réinterprétation suivante des méthodes de fixation de la croyance qu'avait énoncées Charles Sanders Peirce :





Cette réinterprétation pragmatique de la phénoménologie entend la déplacer de la phénoménologie classique par une phénoménologie herméneutique vers enfin une réelle phénoménologie pragmatique :


La question de base de la phénoménologie pragmatique est alors posée sur son paradigme évolutionniste. Si on observe le champ de conscience, et qu'on y distingue un ego, mais aussi et surtout un Soi qui se présente comme vacuité et automanifestation de ce qui apparait. On y distingue aussi un Non Soi du Soi ; le Soi s'étendant depuis des ténèbres lumineuses semblant inconscientes, nous pouvons poser que le Soi surgit de ce Non Soi. Si on admet une telle description du champ de conscience phénoménologique alors la question se pose de savoir si la manifestation relève d'une poussée aveugle comme Schopenhauer l'affirmait ou si elle relève d'un élan créateur comme en témoignaient Bergson ou Nietzsche ?