lundi 29 juillet 2024

VERITE. Une version abrégée pour retenir l'essentiel.

 Une vidéo sur la notion de vérité au programme par la chaîne antisèche avec Cyrus North :

La Vérité - Philosophie - Terminale - YouTube

Elle propose une autre approche que ce qui suit.

 

DEBAT N°1 : PEUT-ON DOUTER DE TOUT ?

 

INTRODUCTION

 

 

Si je démontre que je peux douter de tout, je n’aurai pas douté du raisonnement qui m’amène au doute. Y a-t-il une contradiction indépassable de toute tentative d’établir la possibilité d’une démarche sceptique ? Par ailleurs, peut-on se permettre de douter de certaines de nos obligations morales en ne les accomplissant pas ?

 

A – SUSPENDRE NOS JUGEMENTS PAR LE DOUTE AVEC LES SCEPTIQUES.

 

Une vidéo sur le scepticisme : micro-philo : le scepticisme - YouTube

 

On doit douter pour être vraiment heureux, d’après les sceptiques.

1 - les objections faites aux sceptiques.

Il y a trois objections classiques faites aux sceptiques. Premièrement, douter de tout confine à la folie puisqu’il n’y a plus moyen de se fonder sur rien dans les relations sociales pour échanger. Deuxièmement, douter de tout menace notre sécurité (insécurité) puisque doutant du danger on ira vers lui sans précaution. Troisièmement, douter de tout conduit à douter de la morale et donc justifie la pire immoralité.

2 - Réponses aux objections faites au scepticisme.

a - A propos de la folie.

Un fou doute rarement de sa folie. Si on suit Freud et la psychanalyse, la plupart des gens sont des névrosés mais, faute de se mettre en doute, il n’examine pas leur folie. Le sceptique authentique ne se contente pas de douter de tout. Il faut aussi qu’il sache douter de ses doutes. Au final il ne sait pas si ce qu’il voit, ce qui apparaît dans sa conscience est une illusion ou une réalité.

b - A propos de l’irresponsabilité face au danger.

La peur sert, il est vrai, à réagir face au danger. Douter du danger et donc de sa peur pourrait être dommageable. Mais le sceptique ne nie pas qu’il y ait des apparences de danger et des apparences de peur dans sa conscience. Son doute n’est pas un doute qui consisterait à tenir simplement ces impressions pour des illusions : il ne sait pas si elles sont illusoires ou réelles mais de fait en se positionnant ainsi il est sûr de ne jamais paniquer, il apprend de façon certaine à maîtriser sa peur qui se transforme alors en dynamisme pour l’action. Un sceptique authentique serait un guerrier redoutable puisqu’il ne craint pas la mort.

c - A propos de l’amoralité sceptique.

Quand le sceptique doute de la morale, il n’est guère authentique car au fond il est très aisé de douter de la morale. En vérité il est bien plus difficile de douter de ses doutes à propos de la morale car un sceptique authentique doit parvenir à douter de son ego jusqu’à le percevoir comme une apparence comme les autres. Bien plus il doit réaliser qu’il n’y a pas un théâtre de la conscience dirigé par un ego mais que le théâtre de la conscience est indissociable des apparences qui le composent et qu’il y a une illusion à le croire centré sur un ego. L’égocentrisme naturel de la conscience est l’obstacle le plus difficile sur le chemin du doute sceptique authentique.

3 - L’intérêt d’être sceptique.



 Libre de nos traumatismes du passé, libre de la crainte de la mort et de la douleur et enfin libre de notre désir égocentrique, ne serons-nous pas heureux ? L’ataraxie décrite comme un état de tranquillité et de sérénité quelles que soient les circonstances n’apparaîtra-t-il pas spontanément lors d’une démarche sceptique authentique qui ne se contentera pas d’être intellectuelle, mais qui sera aussi émotionnelle et physique ?

 

B – RENONCER A AVOIR TOUTE LA VERITE N’EST PAS RENONCER A ETRE EN VERITE.

1 – TRANSITION CRITIQUE - Les paradoxes du scepticisme.

a- Le paradoxe de l’enseignement du scepticisme.

Toutefois, dans l’optique d’une doctrine sceptique, comment justifier un enseignement ? Si on doute de tout et si on doute même de nos doutes, comment enseigner ? Si le sceptique s’identifie à une école de sagesse, il semble ne pas douter de tout. S’il doute de ses doutes à propos d’une telle école, elle ne pourra être considérée, ainsi que son enseignement, que comme des apparences. Comment exercer une pratique du doute fidèle à un enseignement considérée comme une apparence ?

Il y a là de nombreux paradoxes en perspective. Wittgenstein a bien montré dans De la certitude que le doute systématique interdisait de construire un enseignement. Il faut bien ne pas tout questionner systématiquement pour avancer au niveau des contenus d’un enseignement.

 

b - Le paradoxe d’une authenticité du scepticisme.

On peut répondre à ce premier paradoxe que le scepticisme est précisément un enseignement qui libère de l’idée d’enseignement, de maître à penser et d’école qui sont caractéristiques du dogmatisme, du sectarisme dans la façon de penser. L’enseignement sceptique serait comme un virus qui déconstruirait tout enseignement, y compris lui-même, dans ses tendances dogmatiques.

Mais alors il faudrait tout de même admettre qu’il y a des critères d’authenticité du scepticisme. Un scepticisme qui n’irait pas jusqu’à la déconstruction de sa doctrine ne serait pas authentique. L’authenticité demeure une forme de vérité.

2 - la vérité d’un Soi.

Une vidéo sur l’expérience de pensée du cerveau dans une cuve de Hilary Putnam (US, 20ème s.) et la réponse de Descartes :

#filosofix: «LE CERVEAU DANS UNE CUVE» (Français) - YouTube



Descartes montre qu’il faut bien un auteur du doute, que le doute sceptique, s’il élimine tout facteur d’égocentrisme intellectuel, passionnel ou physique ne peut pas nier qu’il y a quelqu’un capable d’exercer une liberté d’indifférence. Le quelqu’un en question n’a rien d’un quoi, d’une chose contenue dans la conscience dont on pourrait aisément douter. Ce quelqu’un n’a donc rien de commun avec notre personnalité, son caractère, son identité sexuelle, pulsionnelle, émotionnelle, mentale : c’est une dimension de notre conscience qui permet paradoxalement de nous identifier à notre personnalité et de nous en détacher.




Douglas Edison Harding et d’autres proposent de distinguer l’unique première personne qui surgit pure conscience et notre troisième personne, notre personnalité physique, pulsionnelle, émotionnelle et mentale. En cette première personne je suis aussi capable de m’identifier à une autre identité que celle de ma troisième personne. 



Cette première personne est la capacité d’être conscient de façon aussi égale de sa personnalité que d’une autre qui y apparaît. L’analyse de Douglas Edison Harding se relie aux traditions mystiques chrétiennes ou hindoues où la dimension divine de la conscience est seule authentique car source de liberté et créatrice d’identités diverses parmi lesquelles notre personne.

 

 

 

C – VIVRE EN VERITE AVEC UNE LIBERTE CREATRICE.


Le scepticisme s’il se contente d’atteindre l’ataraxie ne remarquera pas la liberté créatrice que sa démarche peut permettre de révéler au cœur de la conscience. Certes nous avons vu que Descartes insistait sur la liberté d’indifférence produit par la démarche sceptique pour la dépasser, mais sa vision de la conscience restait malgré tout celle d’un individu, d’une âme individuelle. Douglas Edison Harding permet d’envisager comme les platoniciens que notre âme soit intimement unie à toutes les âmes dans la conscience par essence divine. Reprenant Maître Eckhart, on peut dire que, selon Harding, l’œil par lequel je vois est l’œil par lequel Dieu me voit. 




Par la notion de divin ici sécularisée, nous pouvons, en nous détachant de toute religion constituée, évoquer la source des phénomènes de la conscience, la source de ce qui est. En tant qu’individu nous avons non seulement une liberté d’indifférence qui nous détache des phénomènes mais nous avons en nous une liberté d’intervenir parmi eux pour participer à leur évolution créatrice.

Le scepticisme comme de nombreuses conceptions de la vérité s’avèrent au final une forme de conformisme. Le scepticisme permet d’échapper au dogmatisme, mais il n’offre guère de moyen d’échapper au conformisme vu qu’il ne s’intéresse pas à faire évoluer le monde des phénomènes.



Le doute peut servir à regarder les phénomènes comme des apparences au lieu de s’y soumettre. Mais au-delà, le doute est nécessaire aussi pour se libérer de l’idée d’un impossible. Le doute devrait libérer du conformisme. Les génies créateurs sont ceux qui reculent les frontières de l’impossible.

Que signifie l’amplitude du doute sceptique sinon que notre conscience mentale n’est pas une connaissance intégrale de la vérité dans la mesure où elle n’a affaire qu’à des apparences. Contrairement à ce que pensait Descartes, la raison ne nous permet pas de tout connaître des apparences, jusqu’au point où derrière elles, la réalité apparaîtrait. Notre approche de la vérité est donc enfermée dans les limites d’une conscience humaine mentale. Serait-il possible que notre conscience dépasse cette limite-ci aussi en découvrant davantage en soi cette dimension de liberté créatrice ? Bergson parle d’intuition créatrice.




 

DEBAT N°2 : RENONCER A LA VERITE N’EVITERAIT-IL PAS DE L’IMPOSER AUX AUTRES ?

 

 

 

INTRODUCTION

 

Le perspectivisme affirme que chacun a un point de vue unique sur le réel. Cette singularité de point de vue n’est pas à déplorer car au fond si on l’accepte c’est un gage de tolérance. Affirmer une vérité, c’est affirmer la vérité de sa seule perspective et vouloir l’imposer aux autres. Il y aurait alors un dogmatisme inhérent au fait d’affirmer une croyance en la vérité universelle de sa perspective. Elle va à l’envers d’une vertu de tolérance.

Cependant si ma perspective est la tyrannie arbitraire sur les autres, si ma perspective est de leur imposer de servir mes désirs sans leur demander d’adhérer à ma vérité, le relativisme des perspectives ne se heurte-t-il pas dès lors à une limite morale ?

 

 

 

A - LA TOLERANCE RELATIVISTE ET SES LIMITES.

 

L’intolérance a toujours pour origine le fait que quelqu’un croit avoir la vérité et qu’il est prêt à l’imposer par la force aux autres. Si personne ne pensait avoir la vérité de façon absolue, il n’y aurait plus d’intolérance. La tolérance n’est-elle pas immédiate dès lors qu’on renonce à l’idée de vérité absolue ?


Du point de vue relativiste pluraliste et démocrate, toute croyance peut être tolérée hormis celles qui menacent les autres personnes.


 

Le relativisme affirme qu’il n’y a que des perspectives individuelles sur la vie. Le scepticisme affirme que la conscience mentale ne permet pas de trouver la vérité même si elle existe, mais malgré cela, il entend affirmer l’authenticité de son point de vue. Le relativiste affirme, lui, qu’il y a une authenticité individuelle, c’est-à-dire une forme de vérité vivante inhérente à toute perspective individuelle sur la vie.



Dans les dialogues interculturels, les difficultés viennent souvent du fait de perspectives bien plus hétérogènes que peuvent l’être des perspectives individuelles au sein d’une même culture. Au sein d’une culture, quand quelqu’un a une perspective hétérogène, on peut le soupçonner de folie.



 

Mais face à une autre culture, cette attitude est impensable. Cependant dialoguer ne nécessite-il pas de comprendre la perspective de l’autre ? Au fond, devant une perspective hétérogène parce que géniale, au bout d’un certain temps, une compréhension émerge. Si la tolérance relativiste consiste en ce que des perspectives individuelles ou culturelles se côtoient sans essayer de se comprendre, ne risque-t-on pas de peu à peu glisser vers le conflit pour obtenir une reconnaissance de l’autre ? La tolérance est une vertu insuffisante pour fonder la paix sociale et, plus encore, la solidarité. Le relativisme permet de développer une perspective individuelle, mais cette perspective ne risque-t-elle pas d’être égocentrique si elle n’est pas animée du désir de compréhension ?

 

 

 

 

 

B - IL NE FAUT PAS RENONCER A UNE CERTAINE VERITE DES SCIENCES POUR DEPASSER NOS ERREURS ET DECOUVRIR DE NOUVEAUX PHENOMENES.

 



La science cherche à comprendre le monde dans lequel nous vivons. Pour elle comprendre ce monde consiste à l’expliquer dans ses processus.

Les sciences mathématiques essaient de nous défaire des erreurs de raisonnement tout en explorant des mondes fictifs cohérents du point de vue d’une logique et de certains axiomes.

La science physique ou la biologie émettent des théories prédictives dont des expériences testeront les prédictions. Une théorie scientifique n’est jamais une vérité absolue, la science est en perpétuel progrès cependant car elle esquisse des théories de plus en plus prédictives et qui résistent de mieux en mieux aux tests expérimentaux. En outre elle découvre de plus en plus d’objets et de phénomènes jusque-là inconnus.

L’explication scientifique nous offre une explication de plus en plus détaillée de l’évolution de l’espace-temps énergie jusqu’à l’apparition de notre espèce humaine.

Certaines lignes de faits s’imposent de plus en plus à nous à travers la démarche scientifique. On ne peut pas renoncer à cette vérité dès lors que nous nous sommes souvent servi des théories et découvertes scientifiques pour inventer de nouvelles technologies et que les limites de ces technologies nous sont souvent révélées par la science elle-même. La toxicité de certains produits inventés par des scientifiques nous est ainsi découverte par d’autres scientifiques. A l’heure où la question d’une crise écologique majeure se pose à nous, la science et ses esquisses de vérités nous sont plus que jamais nécessaires.

 

C - AU-DELA DES VALEURS ET DES FAITS OBJECTIF, L’EXPLORATION SPIRITUELLE DE FAITS SUBJECTIFS.

 

La tolérance implique de laisser libre cours à des valeurs subjectives permettant aux personnes de vraiment s’individualiser. Cependant cette individualisation personnelle et culturelle risque d’être égocentrique si elle ne s’appuie pas sur la valeur objective de la compréhension. La science fait écho à cette valeur objective en cernant des faits objectifs. Expliquer permet souvent de mieux comprendre et réciproquement.

Mais ces approches, si elles sont complémentaires, risquent d’oublier en quelque sorte une quatrième dimension de la question de la vérité. Il y a des traits subjectifs qui ne sont ni simplement personnels ni simplement interpersonnels. Il y a comme des faits subjectifs transpersonnels.




Une expérience de beauté n’est pas une question de préférence personnelle ou culturelle même si l’œuvre d’art exprime un style personnel. En effet la beauté semble effacer la confrontation entre un sujet qui observe et un objet observé : il y a le rayonnement de l’œuvre d’art devenu conscient. La beauté ravit la conscience de l’observateur, il n’y a plus un sujet face à un objet d’art. L’art devient comme le sujet d’un rayonnement ravissant la conscience à l’observateur qui semblait la maîtriser jusque-là. A vrai dire, si l’expérience de beauté a cette profondeur, on peut ouvrir la question de la vérité d’un fait subjectif à explorer. Il y a là une façon d’être vérité qui s’impose à certains et dont la spiritualité religieuse et philosophique a tenté de témoigner en évoquant le fait intérieur de la conscience infinie.

 

Il faut cependant admettre des interprétations et des perspectives diverses sur une expérience dont le fond est le même.



 



Piste pour aller plus loin :

Cliquez sur l'image pour la voir en détail. Le schéma à droite est une synthèse des perspectives sur l'infini de la conscience en débat sur le schéma de gauche.

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