dimanche 6 juillet 2025

Doit-on apprendre la bonté ? - Corrigé partiel

Doit-on apprendre la bonté ?

Introduction

[Accroche :] La tâche éducative des parents ne peut être niée.

[Présentation du sujet :] Apprendre à être bon paraît donc une évidence morale. Pourquoi alors poser la question « doit-on apprendre la bonté ? » ?

[Analyse problématique :] En fait, des parents attentifs à l’éducation éthique de leurs enfants affirment qu’ils peuvent s’appuyer sur des ressentis de l’enfant ou sur sa réflexion. Au fond, l’éducation parentale ne fait que peut-être protéger la voix de la bonté déjà présente en l’enfant contre les corruptions externes qui menacent de la rendre inaudible.

Toutefois, certains protesteront contre une telle vision idyllique de l’innocence enfantine. La corruption et le mal ne sont pas extérieurs, selon eux, à l’enfant. L’enfant est un pervers polymorphe, dira le psychanalyste, insistant sur la nécessité d’une éducation pour intérioriser un surmoi. D’autres insisteront sur l’égocentrisme propre à tout être humain, nos désirs sont forcément égocentriques. Être moral à l’encontre de cette tendance implique un effort réflexif et une vigilance contre des tendances immorales qui découlent de notre nature désirante. Apprendre la bonté consiste alors à apprendre à déjouer l’égocentrisme inhérent à notre nature désirante.

Ainsi deux visions s’opposent ici.

La première suggère que la bonté est déjà présente en nous. Il ne s’agit alors pas tant d’apprendre à être bon, qu’à mettre nos sentiments et notre intelligence à l’écoute de cette bonté à l’encontre de ce qui pourrait la déformer et la rendre inaudible. Une telle conception expliquerait que dans certaines circonstances aient pu surgir, il y a des centaines d’années, des génies éthiques dont le rayonnement soit encore pertinent moralement pour aujourd’hui.

La seconde affirme que par nature, notre première tendance est immorale, car elle privilégie nos intérêts sur ceux des autres. L’éducation morale est alors indispensable pour contrebalancer cette tendance immédiate au mal. Mais la bonté n’est pas seulement le fruit d’une éducation qui au fond déplace souvent l’égocentrisme individuel vers des exigences communautaristes plus ou moins étroites. Elle doit être le fruit d’une réflexion rationnelle universaliste. Ce progrès de la bonté ne pourrait alors être envisagé culturellement que sur des générations.

 

 

 

Partie 1 : Le bien est le fruit de l’autonomie rationnelle qui s’apprend.

 

A – hétéronomie vs autonomie – la nécessité éducative de passer de l’hétéronomie à l’autonomie. Les dangers d’une obéissance à l’autorité déresponsabilisante (expérience de Milgram)

 

B – Le surmoi ressemble à une conscience morale mais reste le fruit d’une intériorisation inconsciente des idéaux souvent idéologiques et d’interdits parfois discutables.

 

C – Transition critique : Toutefois l’autonomie rationnelle ne répond pas à toutes les situations. Même la casuistique rationnelle ne suffit pas face à des dilemmes insolubles. Comment choisir entre un sentiment filial et un sentiment patriotique quand ils s’opposent ?

 

Partie 2 : Pour agir avec bonté au moment opportun, il faut cultiver des vertus.

 

A – La rationalité morale nous dit quoi faire mais ce n’est pas parce qu’on sait quoi faire qu’on est en mesure de le faire. Il nous faut développer des vertus, comme un sportif qui s’entraîne et qui face à une situation inédite produira une action elle-même inédite. Mais, au fond, il y parviendra grâce à son entraînement. Ou bien comme un musicien entraîné qui grâce à sa maîtrise technique pourra improviser et créer.

 

B – Les vertus sont liées à nos énergies et capacités. La tempérance est la maîtrise de nos pulsions ; le courage ou la fortitude une maîtrise des émotions et des sentiments ; la prudence ou la sagesse pratique est un pouvoir de discernement cultivé. La foi en la vie et l’espérance dans la victoire du bien cultivent ce qui recevra la grâce de l’intuition créatrice dans le cœur. Enfin il y a le pouvoir de la bonté, désigné dans la spiritualité chrétienne comme charité ou agapè.

 

C – Transition critique : Le terme de bonté en tant que vertu s’apprend mais si c’est une réalité préexistante à laquelle on se connecte par nos efforts ? L’intuition du mathématicien est de cet ordre, elle est le produit d’un effort mais elle surgit comme une intuition qui vient et éclaire la conscience du mathématicien.

 

Partie 3 : Le cœur est une réalité à découvrir plus qu’une vertu à produire. Il faut apprendre à ne pas la dénaturer.

 

A – « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. », Pascal

Pour Blaise Pascal (F, 17ème) qui affirme que « le cœur a ses raisons que la raison ne connait point », le cœur aurait un accès privilégié à des intuitions, des principes évidents plus fins face à une morale rationnelle. Chez Pascal, le cœur s'inscrit dans la tradition chrétienne. Il est chrétien, catholique et janséniste. Selon les jansénistes, la majorité des Hommes va finir en enfer et seule la grâce de Dieu sauve. Le jansénisme estime qu’il faut souffrir pour réussir à attirer la grâce de Dieu. L'approche de Pascal est donc marquée par la religion et un mouvement religieux critiquable.

A-t-elle une portée universelle ?

Les philosophes des Lumières ont repris l'héritage de Pascal.

Deux grands philosophes pensent « tout contre » Pascal : Voltaire et Rousseau.

Ils sont contre Pascal car, selon eux, la spiritualité ne doit pas dépendre d'une révélation religieuse. Ils sont philosophes défendant l'autonomie rationnelle, on ne doit pas être soumis à l'autorité d'une tradition. Pour Voltaire, il n'y a pas d'amour du prochain, s'il n'y a pas un minimum de tolérance. Tolérer, ce n'est pas aimer, mais parvenir à supporter quelqu'un qui nous est difficilement supportable. Pour Voltaire, on doit pouvoir défendre la liberté de pensée de gens avec qui nous ne sommes pas d'accord. La tolérance est une vertu préparatoire à l'amour.

Il ne faut pas confondre la vertu de tolérance et le droit à la liberté d'expression. La limite de la tolérance est l'injustice.

Chez les Lumières, on distingue le déisme où on croit en Dieu, mais auquel on accède sans texte sacré, sans autorité religieuse et le théisme, selon lequel la religion doit s'accompagner de textes sacrés, d'autorité.

Chez Pascal, le cœur est corrompu par le péché originel d’Adam et Eve. Pascal surenchérit sur la théorie d’une transmission du péché originel à partir de sa lecture d’Augustin d’Hippone.

B – La bonté du cœur est naturelle, la bonne éducation ne la dénature pas.

Rousseau critique la notion de péché originel comme tâche ou souillure héréditaire intrinsèque. Pour lui, l'homme est bon par nature, c'est la société qui le corrompt.

Rousseau dans La profession de foi du vicaire savoyard, un passage de l’Emile, livre IV décrit la conscience morale du cœur.

Dans ce passage, Rousseau présente sa théorie de la religion. Il présente une voix du cœur qui est donc sécularisée puisqu’héritée du théisme sans y souscrire. Pour lui, le sentiment moral est naturel si on ne dénature pas les enfants dans l'éducation. Entendre la voix du cœur est une question de nature humaine et non pas de religion révélée.

La chance d'avoir une autonomie est plus grande chez l'enfant quand la violence physique n'est pas utilisée.

Pour Rousseau, la morale ne nécessite pas un intellect surdéveloppé. La morale n'est pas liée à une pensée intellectuelle subtile, c'est une évidence qu'on trouve dans son cœur, si on n'a pas été dénaturé.

Rousseau nous donne une idée de conscience morale en pointant une situation où elle est repoussée. Pour lui, en effet, quand on cherche des justifications, on est en train de faire du mal. La justification de soi cache souvent le mal. Quand je fais le bien, j’ai rarement le besoin de me justifier.

Pour Rousseau, l'amour de soi nous permet d'entendre notre cœur, contrairement à l'amour propre. L’amour propre est un amour qui soit se surestime, soit se sous-estime mais qui n’est pas capable de sincérité sur nos imperfections et nos perfections. Si j'arrive à m'aimer moi-même de manière juste, j'arriverai à aimer les autres plus justement, indique Rousseau.

Les désirs sont parfois très égocentriques, et on va prétendre qu'ils sont naturels. Pour Rousseau, la conscience morale est la voix de l'âme, tandis que les passions (désirs vains) sont la voix du corps.

Chez Platon, Eros est la voix de la conscience morale, désir de la beauté en opposition au désir appétit.

Même les animaux ont une âme. La moralité n'est pas un privilège humain, ça existe déjà dans la nature. Rousseau préfigure l'éthologie, l’étude du comportement animal. On sait grâce à cette science que les animaux ont un sentiment moral. La morale est un instinct, une régulation automatique de nos pulsions. Chez les animaux, l'instinct régule les appétits.

Pour Rousseau, le désir pour ce qui est beau et les désirs appétits sont rendus confus à cause des valorisations sociales de l’avoir au détriment de l’être, de l’apparaître ou du paraître au détriment du naturel. C’est pourquoi la voix du cœur s’entendra davantage, selon Rousseau, si on se libère par la sincérité et le rapprochement avec la nature.

C – Le cœur n’est pas qu’une illusion due au surmoi.

Le stade du miroir implique la reconnaissance de soi aussi bien qu’une intériorisation du regard d’autrui avec ses idéaux et ses interdits. Le stade du miroir implique u apprentissage par mimétisme : je m’identifie au reflet auquel l’autre m’identifie sur le miroir. Le mimétisme est une opération centrale lors de tous nos apprentissages mais il amène à des illusions égocentriques et à une concurrence mimétique. Le surmoi intériorise certains interdits limitant la concurrence mimétique, mais il en valorise souvent certains aspects au détriment d’un cœur et d’une bonté authentique.

Avec le stade du miroir, nous avons intériorisé une confusion entre le point de vue en troisième personne et le point de vue en première personne. Nous avons été chosifié par le point de vue intersubjectif. Mais cette chosification qui a mis en nous un surmoi avec ses déterminations n’a rien de définitif. Nous ne sommes pas condamnés à une confrontation avec l’autre. Nous ne sommes pas condamnés à être le moi haïssable dénoncé pour son incapacité à accueillir l’altérité de l’autre et toujours vouloir chosifier l’infini du visage de l’autre. C’est parce que nous-même sommes chosifiés en tant qu’ego et que nous vivons ainsi dans une intersubjectivité chosifiante que nous trahissons l’infini que découvre le visage de l’autre.

Le surmoi est une surimposition de la conscience au même titre que l’ego égo-centrique : la réalité première de la conscience morale ou de l’ouverture du cœur est une relation entre un visage et une conscience infinie en première personne. Avoir une âme, c’est redonner la place à cette relation originaire, c’est s’écarter de la relation entre autrui et notre conscience infinie qui précède toute relation personnelle entre nous et autrui.

 

Conclusion

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire