dimanche 6 juillet 2025

Notre inconscient est-il un obstacle au bien ? - Corrigé partiel

 

Notre inconscient est-il un obstacle au bien ?

Introduction

[Accroche :] Nous faisons des promesses. Mais souvent survient un désir que nous n’avions pas envisagé alors que nous donnions notre parole. La promesse que nous pensions tenable devient alors difficile à respecter. Parfois, nous pensons même réussir à cacher un écart à l’autre à qui nous avions fait cette promesse. Nous commençons à trouver des justifications, nous estimons conserver l’essentiel de la promesse même si nous ne nous y tenons que partiellement. Le désir a des origines qui nous échappent. Nous l’approuvons ou le désapprouvons, mais il semble surgir parfois avec une force à laquelle nous ne savons pas résister. Le désir a bien une origine inconsciente qui semble pouvoir faire obstacle au bien.

[Présentation du sujet :] Mais faut-il affirmer que l’inconscient est un obstacle au bien ?

[Analyse problématique :] Si d’emblée l’origine inconsciente du désir semble souvent contrevenir au bien moral. Néanmoins ce qui nous retient de donner une réponse affirmative à notre sujet est que l’inconscient ne s’identifie pas forcément uniquement à l’origine imperceptible de nos désirs. Dans notre inconscient, il peut y avoir aussi des résistances à nos désirs. La honte, le dégoût, le sentiment de culpabilité semblent eux-aussi surgir de l’inconscient et barrer la route à certains désirs a priori immoraux. Par ailleurs, même si la honte, le dégoût, la culpabilité ne sont pas pertinentes parfois, de notre inconscient surgit parfois une aspiration au beau, au parfait, au juste et à l’authentique qui soudain nous éloigne de toute complicité avec une attitude collective valorisant des désirs funestes. La dissidence politique, dans certains régimes autoritaires, amène certaines personnes à tout perdre pour ne pas céder au simple désir de survivre qui rend complice d’atrocités.

Ainsi nous devons enquêter aux frontières de notre conscience ordinaire et élargir notre conscience sur notre inconscient pour davantage être assuré d’agir dans la perspective du bien. Toutefois, cette conquête de la conscience sur le terrain de l’inconscient est-elle toujours possible ? Si la conscience n’est qu’une illusion au sein d’un univers essentiellement mécanique, la notion de bien elle-même ne serait-elle pas illusoire au final ? Distinguer ce qui doit être moralement, ce qui ne doit pas être moralement de ce qui aurait nécessairement lieu quoi qu’on en pense a-t-il du sens ?

 

Partie 1 : Si on associe le bien à la conscience alors les motivations inconscientes doivent être rejetées au profit de motivations rationnelles.

 

A – Un acte libre est un acte dont les motivations sont conscientes. Si la source de notre acte est une préférence dont les tenants et les aboutissants nous échappent alors il semble que nous soyons plus dans un serf-arbitre qu’un libre-arbitre. La raison rend nos motivations conscientes et donc les désirs et les penchants sont examinés et suivis que lorsqu’ils ne contreviennent pas au libre-arbitre.

 

B – Toutefois, il n’est pas évident de surmonter l’hétéronomie qui est inscrite subconsciemment en nous sous la forme d’un surmoi. Notre moi est ainsi étroitement lié dans sa genèse au regard d’autrui. Le surmoi est une conquête sociale du domaine du ça mais elle est un résultat inconscient. Ce qui nous dégoûte comme sale ne sera pas tout à fait ce qu’un autre élevé autrement trouvera dégoutant. Pour des étrangers à la culture française les odeurs de certains fromages seront jugées dégoutantes alors que pour un français, elles seront jugées appétissantes. Mais l’hétéronomie produite par le surmoi peut aller plus loin. Aujourd’hui, peu de gens estiment qu’il est immoral de manger de la viande qui suppose la souffrance de l’animal mais demain. Par le passé, les familles esclavagistes et racistes de fait ne trouvaient pas choquant d’avoir des esclaves. Aujourd’hui cela est devenu criminel et suppose la honte ainsi que la culpabilité.

 

C – Transition critique : En désignant la source de la vie inconsciente comme un « ça », Freud le détermine comme subconscient. Pour Freud, la liberté visée par une thérapie consiste en ce que où le ça dominait, le moi advienne. L’activité rationnelle de la conscience ordinaire ne suffit pas à nous libérer des mécanismes inconscients. La morale kantienne ou utilitariste n’ont guère suffit face aux montées collectives de la violence du XXème siècle.

 

Partie 2 : Il ne faut pas seulement se tenir à distance de l’inconscient en s’accrochant à la raison, il faut rendre conscient l’inconscient pour triompher des maux enracinés dans l’inconscient.

 

A – Avec le rêve, la libre-association des pensées et des émotions nous pouvons prendre conscience de certaines fixations sur des objets de désir qui sont le fruit de réactions à des situations passées.

Descartes évoque son attirance pour les femmes avec un strabisme. Il avoue que ce penchant curieux le trouble. Mais il en a retrouvé la source : son amour d’enfance pour une petite fille avec un strabisme. C’est cette association première entre amour et strabisme qui explique son penchant mécanique qui s’avère au fond une limitation de sa liberté.

B – Le modèle freudien ne surmonte pas la pédagogie noire dénoncée par Alice Miller entre autres.

Il faut en revenir en amont de la concurrence mimétique et des régulations sociales intériorisées de cette dernière. La violence éducative participe à produire le sentiment de culpabilité, la peur excessive de mal faire, etc. L’absence de tout surmoi pourrait être problématique : intérioriser les idéaux exogamiques et les interdits de l’inceste est une base d’une vie sociale saine et morale. Mais intérioriser une certaine légitimité de la cruauté éducative est très troublant. Le complexe d’Œdipe paraît un enfant d’une violence déjà intériorisée qu’il ne faudrait pas retourner contre des parents violents… A bien y regarder, il y a peu d’enfants qui s’en prennent violemment à leurs parents. Dans les faits, ce sont les enfants qui subissent la violence éducative ; elle prend parfois un tour cruel et elle aboutit même à ce que des parents blessent irréversiblement l’intégrité psychique et physique de leurs enfants. Et si on prend au sérieux le mimétisme, une intégration de ces défaillances par imprégnation mimétique pourrait alors s’étendre sur des générations. Le mal commis et subi d’une génération sera donc un héritage de la suivante…

 

C – Transition critique : Cependant connaître l’enracinement d’un processus subconscient ne revient pas forcément à s’en libérer. Comment s’assurer de se détacher de ce processus même si on en connaît la cause. Et d’ailleurs, être informé ne signifie pas forcément comprendre assez en profondeur pour s’en libérer. Savoir que fumer tue sur le plan des informations scientifiques ne conduit pas le fumeur à s’arrêter de fumer dans la mesure où cela ne lui permet pas de comprendre directement par lui-même les nuisances du tabagisme sur son corps. L’information sur le bien et le mal n’est malheureusement pas une expérience directe et profonde du bien et du mal.

 

Partie 3 : Dans sa dimension surconsciente, l’inconscient est loin d’être un obstacle au bien puisqu’il offre la possibilité de réaliser l’ouverture de notre cœur.

 

A – Parfois avant de s’enfoncer dans les poubelles du subconscient, il vaudrait mieux d’abord en apercevoir les beautés et les bontés surconscientes avant de s’y affronter.

Freud identifie inconscient et subconscient. Mais une tradition qui va de Socrate et Platon à Bergson en passant par Rousseau et Pascal défend l’idée que le bien est au-delà de la conscience ordinaire. Il faut se connaître intérieurement pour libérer son âme ou entendre mieux son cœur et ainsi participer plus consciemment à une évolution créatrice de la vie.

 

B – Le rêve n’est pas seulement un conflit entre un ça et un surmoi au milieu duquel un moi cherche à grandir. Carl Gustav Jung a une autre thèse que Freud, qui là encore met en avant un inconscient surconscient au lieu d’un inconscient seulement subconscient. Pour Jung, le rêve lucide est possible. La totalité du rêve est l’expression d’un Soi dans lequel s’individue notre moi. Le bien n’est pas ici réductible à un moralisme. Le bien est associé à un devenir authentique de notre personne en harmonie avec une conscience plus vaste qui semble mieux nous connaître nous-mêmes que nous le pouvons. Devenir ce que nous sommes au-delà de l’individualisation que la société a produit par le jeu des mimétismes, des idéaux et des interdits met en jeu la vertu d’authenticité et de sincérité. Déjà Rousseau avait vu ce lien avec l’écoute de la voix du cœur.

 

C – Tant que nous vivons au niveau des jugements et des représentations, nous ne pouvons pas avoir une connaissance directe de notre âme, de nos émotions ou de nos désirs. D’ailleurs ce sont bien des jugements et des représentations qui ont commandé notre individualisation qui à la fois est le lieu de notre individuation et lui fait obstacle. Car en fait notre individualisation a fait de nous un ego séparé d’autrui. Pour faire le bien, certains pensent que la seule voie est de haïr notre ego. Mais c’est une voie qui nie en nous l’individuation d’un Soi absolu en lequel ma personne en évolution et l’autre sommes un.

L’approche phénoménologique d’un Douglas Harding paraît ici essentielle pour surmonter une surimposition inconsciente qui fait un obstacle majeur au bien. Nous croyons rencontrer autrui en un face à face, le visage de l’autre est là-bas et ici en face, il y aurait mon visage que l’autre rencontre et à travers je rencontre l’autre. Mais déjà ceci est le fruit du surmoi et de l’individualisation de notre ego par le regard de l’autre lors su stade du miroir. Je me suis identifié avec l’image que voyait l’autre pour dire que ce reflet qui se trouvait sur le miroir c’était moi. J’ai accepté que l’arrière-plan de conscience sur fond duquel tout apparaît devienne inconscient. A vrai dire, la donnée immédiate de la conscience, du Soi est que l’autre est accueilli tel quel dans une transparence qui se tient au-dessus de nos épaules. La notion de face à face est une représentation que nous avons intériorisée et non une donnée phénoménologique. Je ne vois pas mon visage à moins de disposer d’un reflet. L’ouverture de conscience qui englobe mon ego et autrui n’est pas à confondre avec une représentation de moi-même habitée inconsciemment par les représentations de ceux qui m’ont éduqué. Cette ouverture est un chemin vers le cœur. Elle est un accueil inconditionnel de l’autre comme de soi-même, elle ne juge pas, elle est la lumière dans laquelle nous surgissons moi et l’autre. Ce n’est ni une lumière intellectuelle ni une lumière sensible. Cela veut autrui comme moi-même tel quel, tels que nous sommes. Mais sans exclure une prise de conscience transformatrice de cette unité où nous pouvons nous rencontrer sans séparation. Si le bien est une réalité essentielle du réel alors c’est en approfondissant nos relations et notre individuation en ce Soi, cet arrière-plan de conscience qu’elle se révèlera à nous. Cette révélation sera davantage de l’ordre de l’intuition que de l’ordre des représentations mentales, des émotions ou des sentiments à travers laquelle elle s’exprimera.

Cultivant cette lumière, peut-être reviendrons-nous vers le subconscient pour mieux y conquérir l’animal redoutable que nous demeurons au niveau de nos pulsions.

 

Conclusion

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