dimanche 6 juillet 2025

Une croyance en une réalité divine est-elle forcément contraire à la raison ? - Corrigé partiel

 

Une croyance en une réalité divine est-elle forcément contraire à la raison ?

 

Introduction

[Accroche :] On peut distinguer le théisme et le déisme. Du point de vue de cette opposition, être théiste, c’est adhérer à une révélation religieuse qui affirme la fausseté des autres et s’opposent à toutes les croyances qui vont à son encontre. Ainsi il arrive fréquemment que la démarche scientifique rationnelle entre en opposition avec les croyances théistes. au contraire, le déisme est une croyance au divin qui ne présuppose pas des dogmes, c’est une croyance qui se veut rationnelle. Par contre, il se peut que si le matérialisme scientifique est vrai, le déisme soit aussi une illusion au final irrationnelle.

[Présentation du sujet :] On peut donc se demander si une croyance en une réalité divine est forcément contraire à la raison.

[Analyse problématique :] On peut partir des critiques rationnelles athées de la religion. Dans quelle mesure certaines formes de théismes y échappent-elles ? Mais si on part des croyances religieuses ou spirituelles elles-mêmes, dans quelle mesure se veulent-elles rationnelles ? Le déisme des Lumières se veut éminemment rationnel et il affirme l’irrationalité du matérialisme athée. Les arguments rationnels cherchant à prouver l’existence de la réalité divine sont-ils solides ? Par ailleurs, une autre stratégie est de montrer que la raison ne peut pas tout et que cela laisse de la place à un fidéisme, c’est-à-dire une croyance qui assume son irrationalité en affirmant que la raison est victime de son rationalisme démesurée. Un courant religieux affirmera que la foi n’est pas tant une adhésion à une représentation mentale qu’une confiance.

 [Annonce du plan à faire]


 

Partie 1 : Les critiques athées de la religion montrent l’irrationalité de certaines croyances religieuses.

 

A – La critique politique marxiste et anarchiste des religions.

La critique marxiste et anarchiste des religions montre qu’elles sont souvent des idéologies qui justifient une hiérarchie sociale même aux yeux de ceux qui en sont les victimes. La religion est alors de façon ambiguë une consolation et une pression morale pour que les chaînes d’un ordre social soient sacralisées. La divin est une valorisation d’une réalité invisible qui justifie de sacraliser la réalité sociale visible.

Toutefois, les théismes bibliques sont porteurs de mouvements sociaux contre l’injustice. Par exemple, les droits de l’homme prennent source dans des courants de la spiritualité chrétienne comme les quakers ou les unitariens ou même la franc-maçonnerie. Les mouvements sociaux ont un rapport avec le millénarisme inhérent aux fois bibliques et coraniques.

 

B – La critique psychologique de la religion.

La critique psychologique de la religion a commencé avec la psychanalyse freudienne. La religion renforce le surmoi, l’intériorisation des interdits et des idéaux parentaux et sociaux. Dieu est un œil moral, un juge qui nous observe même quand la société ne le fait pas. Si la justice humaine ne nous prend en faute alors que nous sommes coupable, Dieu n’y manquera pas. Mais, à ce stade, la morale est de l’hétéronomie, on a peur du juge, du gendarme divin, on ne fait pas le bien parce que c’est le bien en toute autonomie et fidèlement à ce qui est rationnel, universalisable.

D’ailleurs, les religions condamnent souvent des mœurs qui, du point de vue rationnel, ne le semblent pas. Ainsi les religions du livre condamnent l’homosexualité, or la raison démontre que si un acte sexuel est consenti entre des adultes mûrs, il ne saurait y avoir de mal.

Pire, on peut soupçonner la religion de naître à causes de peurs enfantines irrationnelles. Le doudou, le rituel enfantin, l’ami imaginaire ne sont-ils pas à la source des éléments constitutifs de la religion ?

Plus profondément, la pratique religieuse offre des régressions car, comme fœtus dans le ventre de notre mère, nous étions à l’abri du monde et de toutes ses divisions, de son aveugle puissance destructrice, etc. Nous avons la nostalgie d’un monde fusionnel, chaud, avec ses rythmes cardiaques, etc. Freud parle de la nostalgie su sentiment océanique fœtal que les spiritualités religieuses proposent de combler. Mais cet état d’indistinction fusionnel est par excellence une régression irrationnelle.

 

C – Transition critique : Ce que manquent ces critiques athées de la religion est le mystère de l’intuition créatrice.

Ce sont des intuitions créatrices, non pas irrationnelles, mais au-delà du cours ordinaire de la réflexion, qui ont généré des forces sociales réformatrices. Les aventuriers spirituels déistes comme les philosophes évoquent des dépassements de la vie égocentrique dans une harmonie cosmique. Les platoniciens appellent à s’unir dans l’esprit à la source de ce qui existe, la source de toute beauté. Les stoïciens évoquent une participation du sage à l’intelligence de l’univers, l’intelligence divine. Ainsi les platoniciens et les stoïciens sont des déistes. Certains théistes chrétiens, juifs ou musulmans n’hésiteront pas à faire des emprunts à leurs spiritualités pour approfondir la leur. Ils accepteront alors l’idée que leur religion n’est pas vraie sur un plan littéral, mais qu’elle doit être réinterprétée rationnellement et spirituellement. C'est ainsi le déisme philosophique qui inspire un redressement herméneutique moral et spirituel des théismes.

 

Partie 2 : Certains arguments rationnels ou des expériences de conscience pourraient-ils justifier un engagement religieux ou spirituel ?

 

A – L’  argument cosmothéologique.

(Voir le cours)

Ces arguments ne sont pas absolument convaincants, ce sont des raisons de croire en un divin mais ce n’est pas une expérience du divin.

B – L’argument ontologique.

L’argument ontologique n’est pas qu’une preuve logique, c’est aussi dans sa version la plus forte, une expérience directe de méditation, une expérience d’exploration de la conscience.

On peut faire l’expérience d’une conscience infinie dans laquelle notre conscience personnelle finie se déploie.

 

C – Transition critique :

Comment interpréter l’expérience d’une conscience infinie ? S’agit-il d’une présence voilée d’un divin personnel ? S’agit-il d’une réalité divine impersonnelle ? Ou bien s’agit-il de la vacuité générée par un absolu inconscient ? Cette dernière hypothèse nous ramenant bien sûr vers des spiritualités athées.

 

Partie 3 : La foi du cœur sans être irrationnelle transcende le pluralisme spirituel et religieux.

 

A – Le cœur peut aller au-delà des limites de la raison.

Pascal propose de s’en tenir au cœur quand les limites de la raison sont atteintes. Selon lui le mathématicien pour fonder la logique fait appel à son cœur à l’encontre des déconstructions sceptiques qui voudraient montrer suspendre toute adhésion à une vérité. Mais Pascal, s’il entrevoit une puissance intuitive du cœur, n’en est pas moins pris dans les filets de son dogmatisme religieux. Il estime, par exemple, que tous ceux qui ne sont pas catholiques sont condamnés à un enfer éternel. C’est une vision à laquelle les catholiques contemporains n’adhèrent même plus pour leur majeure partie. En effet, si le divin est lié au cœur et à l’amour du prochain, comment pourrait-il condamner à un enfer éternel des hommes de bonne volonté quelles que soient par ailleurs leurs croyances.

On peut admettre que le cœur soit attiré par une forme religieuse ou l’autre, mais cette adhésion du cœur implique-t-elle que ce soit la seule vérité et qu’il faille condamner les autres ?

B – Mais un cœur ouvert n’est-il pas habité par une foi pluraliste malgré sa forme de foi privilégiée ?

Au contraire, le cœur ouvert semble assez grand pour d’une part choisir son chemin sans exclure que les autres chemins soient tout aussi bénéfique pour atteindre le sommet unique de l’amour. La rationalité peut parfois rigidifier un système, le rendre incapable dès lors de penser une autre logique possible et une autre représentation du réel tout aussi efficace et pertinente. En sciences physique, il y a ainsi aujourd’hui deux systèmes théoriques pour modéliser le réel matériel et en faire des prédictions : d’un côté la mécanique quantique et de l’autre la relativité générale initiée par Einstein.

Sans perdre son sens du discernement rationnel, une spiritualité déiste sera modeste pour accepter plusieurs chemins spirituels possibles favorisant l’ouverture du cœur. L’expérience de la conscience infinie est, par exemple, un point d’appui pour éviter de vivre centré sur son ego. Quelqu’un qui ne perd pas de vue la dimension infinie de sa conscience favorise l’ouverture de son cœur.

 

C – Ainsi la foi du cœur sans être irrationnelle transcende toujours toutes les formes, elle est une foi en la vie.

Le seul débat fondamental n’est pas tant entre spiritualités matérialistes et spiritualités déistes ou théistes. D’ailleurs, il est tout à fait possible d’envisager un matérialisme divin. Feuerbach voyait bien que le christianisme s’en rapprochait quand il affirme que Dieu s’est fait homme afin que l’homme soit fait Dieu.

Le vrai débat est entre le nihilisme et la foi en la vie. Si la vie est une poussée aveugle issue d’un absolu inconscient alors, au fond, rien n’a de sens et rien surtout ne peut prendre sens. De ce point de vue, il y a un matérialisme qui a foi en la vie et il y a des croyances religieuses qui n’ont pas du tout foi en la vie et en ce monde. Certaines critiquent le matérialisme nihiliste de l’occident mais ne prêchent que la guerre des religions et des civilisations, montrant par là leur adhésion inconsciente au nihilisme malgré leurs dires.

Le discernement de la raison n’est pas suffisant, car il y a des raisons multiples d’être nihiliste, surtout quand l’humanité menace les équilibres du vivant et quand l’humanité semble n’être qu’une forme de vie parasite.

Mais c’est là où le terme « divin » qui a l’origine signifie lumière et conscience a peut-être du sens dans une foi anti-nihiliste. Dès qu’on fige le divin dans une forme précise en rejetant toutes les autres, on perd de vue la profondeur d’une foi en la vie divine ouverte à toutes les possibilités malgré les signes contraires.

 

Conclusion de la dissertation

 

La foi n’est donc pas étrangère à la raison. Le déisme semble plus rationnel que le théisme, mais si on est ouvert au pluralisme spirituel alors il y a de la place pour des fois théistes qui pensent que le sommet du bien est accessible par diverses voies.

L’athéisme n’est pas irrationnel quand il est ciblé sur certaines formes de foi nihiliste.

Au fond, c’est le nihilisme qui est l’ennemi d’une foi authentique et des Lumières de la raison, car il est l’affirmation destructrice d’un non-sens de la vie.

Une foi authentique et une démarche rationnelle de vérité se veulent au service d’une universalisation du bien. En cela, une croyance en une réalité divine ne s’oppose pas forcément à la raison.




 

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