Attention concernant cette fiche de lecture, reste des corrections restent à faire et des compléments à apporter.
Partie A – Présentation générale des Pensées de Marc Aurèle.
Ce corrigé reprend pour l’essentiel le travail de Leslie Vivier en 2009-2010.
I - Origine du stoïcisme de Marc Aurèle.
1) Faites une biographie rapide sur Marc Aurèle.
Marcus Annius Verus dit Marc Aurèle, est né en 121 de notre ère et
mort en 180. Il devient empereur lors de la disparition d’Hadrien. En
l’an 140, il se consacre à la philosophie. Admiratif d’Épictète et Élève
d’Apollonius de Chalcédoine, Marc Aurèle adopte le Stoïcisme. Assumant
son rôle d’empereur et cherchant à ne pas se retirer ailleurs qu’en soi,
Marc Aurèle rédige ses Pensées.
2) Les sources stoïciennes de la pensée de Marc Aurèle.
a) Quelles sont les trois parties traditionnelles de la pensée stoïcienne ?
Le discours philosophique stoïcien a trois parties : la logique qui
concerne le discours , la physique qui est une recherche sur le monde et
les objets qu’il contient ainsi que l’éthique, qui concerne l’action.
On peut noter que chacune de ces parties se divise à son tour en
plusieurs parties. Cette division générale, selon Diogène Laërce, fut
inventée par Zénon de Kition dans son traité Du discours et a notamment
été reprise par Cléanthe. Cependant, il semble que Cléanthe se soit
écarté de cette division en en donnant six qui sont ; la dialectique, la
rhétorique, l’éthique, la politique, la physique, la théologie. En
suivant la division tripartite, nous pouvons comparer la philosophie à
un être vivant pour souligner que les parties de la philosophie ne sont
pas séparables. Ainsi, pour le philosophe Poseidonios par exemple, la
physique est son sang et sa chair, la logique ses os et ses tendons,
l’éthique est son âme. Si nous suivons Poseidonios , alors les trois
parties sont à la fois distinctes, et solidaires, indissociables. Ainsi
Si l’on s’en tient à ce que rapporte Sénèque, de même que le cosmos est
Un la philosophie est une, et indivise en elle-même. Elle apparaît telle
au sage. Cependant selon Sénèque, l’apprentissage qu’est le philosophe,
qui ne peut pas encore en avoir une vue synoptique, il est bon de
distinguer des parties. En ce cas, ces parties (logique, physique,
éthique) seraient moins des parties de la philosophie, que des parties
de l’apprentissage philosophique.
b) Quelle est celle privilégiée par Marc Aurèle ? En quoi cependant intègre-t-elle des données des deux autres parties traditionnelles de cette philosophie ?
Marc Aurèle s’oriente davantage vers la partie éthique afin de
formuler des conseils pratiques visant à parfaire l’attitude humaine.
Même si en tant que philosophe complet Marc Aurèle a étudié la physique
et la logique, le caractère scientifique que « l’ancien stoïcisme »
prônait, est mis de côté par l’empereur pour favoriser le caractère
moral, faisant ainsi du Stoïcisme une doctrine non plus totale et
universelle mais plutôt une doctrine centrée sur un but précis ; celui
de la recherche du bonheur à travers le bien. Dans une conception
eudémoniste, Marc Aurèle définit ici le bien comme étant davantage la
recherche du bonheur par l’activité morale dans un accord de soi-même
avec l’ordre cosmique plutôt que l’accomplissement d’actes convenables.
Dans cette optique, l’auteur dirige ses Pensées à lui-même, à son
« moi » intérieur afin justement de le soumettre à un état de plénitude
lui ouvrant les portes du bonheur.
II - Dieu ou la nature chez les stoïciens.
1) Définissez les termes suivant :
• panthéisme,
• monothéisme,
• polythéisme.
Le Panthéisme est un système religieux et philosophique qui identifie
Dieu et le monde, Dieu est tout. Cette approche souligne l’immanence de
l’absolu et de l’univers. Le Monothéisme est une religion qui n’admet
qu’un seul Dieu. Cette approche souligne la transcendance divine par
rapport à l’univers : le Dieu transcendant est au-delà de l’au-delà de
tout. Le Polythéisme caractérise des Religions qui admettent
l’existence de plusieurs dieux.
2) repérez dans les livre II-IV les noms qui désignent le divin chez Marc Aurèle à l’aide de la question précédente puis montrer quelle est la cohérence entre ces différents noms.
La pluralité des noms désignant Dieu n’est en rien une pluralité des
êtres dans les Pensées de Marc Aurèle. En effet, un nom correspond à un
aspect de l’être suprême que le philosophe désir mettre en valeur. Ainsi
nous pouvons comprendre que la pluralité des noms démontre la
complexité de Dieu.
- Les noms « Des dieux » (livre XI, paragraphe 13) prouvent un certain penchant polythéiste dans l’œuvre de l’empereur. « Dieu » (livre XI, paragraphe 12). L’unité du divin n’empêche pas de penser la pluralité des individualisations.
- Le nom « Cosmos » désigne une totalité vivante en tant qu’aspect de Dieu. Ici, l’idée de panthéisme est dominante. « Un Dieu » (livre IV, paragraphe 47) sous-entend le principe d’articulation de l’organisme animal qu’est l’univers selon le Stoïcien. Avec le nom « Nature » (livre IV, paragraphe 23) Dieu est ici fondement de tout Marc Aurèle le nomme ainsi « nature » pour exprimer l’idée qu’il est avant tout l’essence du monde. Avec le terme « principe » pour Marc Aurèle Dieu est un principe matériel qui informe la réalité. Une matière qui est cause génératrice pénètre toute forme et le divin n’est donc étranger à rien. Il s’agit donc ici de noms et de termes s’inscrivant dans une logique panthéiste.
- Quand c’est l’omnipotence de l’être suprême qui est mise en valeur, on peut parle de l’aspect monothéiste présente dans la conception de l’empereur. La vision de Marc Aurèle s’apparente ici à une logique Monothéiste. « La divinité » (livre XI, paragraphe 1) ce qui désigne celui qui provient du divin mais qui établit également une communication avec l’Homme. Il y a donc une singularité de Dieu car l’homme n’échange qu’avec un être, l’être suprême, marquant ainsi une orientation monothéiste chez Marc Aurèle. « Zeus » ici l’auteur met en avant le thème du cosmopolitisme qui fait du monde la cité de Dieu (Zeus) où le Stoïcien est partout chez lui. Ceci désigne donc aussi un aspect Monothéiste. « la raison universelle » car Dieu pénètre en tout homme afin que ce dernier suive le chemin de la Raison et de la Justice.
La cohérence de ces différents noms réside dans le fait que tous
désignent un absolu qui transcende l’homme, émane de lui et
s’individualise en lui. Aussi, cet absolu lui est indispensable dans la
recherche de la sagesse car il est avant tout un guide.
3) Chez Marc Aurèle le divin est-il personnel ou impersonnel ? Appuyez-vous sur les textes des livres II-IV.
Le divin pour Marc Aurèle est un principe matériel qui pénètre toute
forme de réalité. Il s’agit d’une matière qui n’est étrangère à rien
puisqu’elle est la cause génératrice de tout ; c’est le facteur
d’articulation de l’ensemble des phénomènes réels. Or s’il s’agit d’une
matière, le Dieu évoqué ici est radicalement impersonnel. En outre, il
est un principe d’unification et d’identification qui rassemble les
différences en un même sein ; il est la raison universelle, c’est-à-dire
qu’il est l’ordre du monde, et est donc clairement extériorisé et
objectivé. Aussi, le Dieu est la raison universelle qui lie l’esprit de
chaque chose à toute chose et celui de toute chose à chaque chose. De
cette manière, dans un désir d’universalité, il apparaît indifférent à
l’Homme qui est un, mais toutefois affecté à un ensemble d’êtres.
Effectivement, il ne se destine à personne mais à tous comme le souligne
cette citation : « Penser sans cesse que le monde est un vivant unique,
ayant une seule substance et une seule âme, une conscience unique qui
est la sienne, comment il agit en tout par une impulsion unique » (livre
IV, paragraphe 40). Par conséquent nous pouvons le définir comme étant
un être suprême ayant une nature impersonnelle. Néanmoins, et comme nous
l’avons dit, le Dieu évoqué dans cette œuvre est d’une grande-
ambivalence. Par conséquent, face à cet aspect impersonnel un autre se
révèle ; celui du personnel. Premièrement, en tant que principe
pénétrant toute réalité, l’absolu qu’est Dieu est présent en tout homme.
Il est en fait, l’âme universelle, l’esprit singularisé de l’esprit de
la totalité. Il est, par conséquent, un principe spirituel qui guide et
anime chaque homme afin de le transporter vers le chemin la sagesse. Il
est maître de chaque individu comme le démontre cette citation : « Ce
qui vient des dieux doit être vénéré en raison de leur vertu ».
Parallèlement Dieu est la providence ce qui signifie qu’il veille au
destin des hommes. Epictète, lui aussi, prête à Dieu ce rôle de
prévoyance, cette capacité de savoir à l’avance ce qui va se produire ce
qui échappe totalement à tout mortel. Il décide donc de l’expérience
réelle, effectuée par l’homme en dominant les passions, représentations
et volontés de chacun et demeure ainsi toujours la source de nos
jugements corrects. Il s’agit donc ici d’un être qui offre aux hommes la
possibilité de se parfaire qui montre bien l’aspect personnel d’une
force qui dépasse l’homme mais ne le néglige pas. Le Dieu de Marc Aurèle
est donc bien personnel mais le définir comme personnel ou bien
impersonnel serait le définir que partiellement et donc
superficiellement. Toutefois, nous pouvons d’après cette description
souligner une certaine domination du caractère impersonnel du Dieu des
Pensées qui s’affirme avant tout comme un principe matériel.
4) Quelle est la conception de Dieu et de la nature pour Marc Aurèle ? Quel est le rapport entre Dieu et la nature pour lui ?
Pour Marc Aurèle, Dieu est le principe de l’harmonie de l’univers,
tant extérieur qu’intérieur à l’homme puisqu’il définit objectivement
l’ordre du monde mais veille à conduire l’homme vers le droit chemin
comme nous venons de le voir. En outre, considérant l’univers comme un
organisme animal et l’homme comme un animal lui-même, le philosophe
désigne Dieu comme l’âme propre de chaque individu qui possède, de
manière indubitable et comme tout animal, une âme. Nous pouvons voir
cette idée grâce à la citation suivante « Lambeau arraché à la cité
universelle celui qui sépare sa propre âme de l’âme de tous les êtres
raisonnable alors qu’il n’y a qu’une seule âme » (livre IV, paragraphe
29). Ainsi, ce Dieu est un principe de mouvement mais aussi
d’identification ; il est partout présent, partout prévoyant et partout
dirigeant. Aussi, Dieu est un démon car il est un principe pénétrant
toute réalité et donc l’homme ; il est d’ailleurs leur providence. En un
mot le Dieu de Marc Aurèle est une raison universelle.
III - L’âme.
1) Quel est le rapport entre Dieu, l’âme et le corps pour Marc Aurèle ?
L’univers de Marc Aurèle est, comme nous l’avons dit, un organisme
animal dont l’âme n’est autre que Dieu. En ce sens, c’est l’être suprême
qui met l’animal, et donc l’Homme, en mouvement, le fait agir et lui
donne des impulsions, car l’âme se situe dans toutes les parties du
corps. En effet, elle est omniprésente en nous tant dans la tête, dans
le cœur, dans les mains, que dans nos jambes : « Aveugle celui qui ferme
les yeux de son intelligence » (livre V, paragraphe 29). Si l’empereur
blâme un tel comportement insouciant et c’est parce que tout homme qui a
une intuition telle que « deux plus deux font quatre » est doué de
l’intelligence divine ; or, fermer les yeux sur son intelligence serait
nier la capacité intellectuelle divine qui pourtant nourrit chaque homme
et lui est indispensable car nulles pensées n’émanent de ma propre
conscience ; elles ne sont que l’écho d’une voix transcendante qui forge
mes pensées et mes réponses. Omniprésent, le Dieu dont il est question
ici semble être également omnipotent. Effectivement, il prévoit et
dirige chaque action de l’homme en veillant à ce que celui-ci ne puisse
se révolter des décisions divines. Ainsi, l’Homme qui trouve le destin
injuste est un homme qui ne reconnaît pas la suprématie de Dieu et qui,
étant ignorant, ne peut agir qu’inconsidérément, ce qui fait de lui une
erreur de l’humanité comme le montre la citation suivante : « Abcès du
monde, celui qui s’écarte et se sépare de la loi de la nature
universelle, en étant mécontent des évènements » (1ivre IV, paragraphe
29). En conclusion, Dieu est l’âme de l’Homme et agit sur son corps en
dirigeant chaque action et chaque pensée dans le bu noble d’atteindre la
sagesse.
2) Qu’en est-il de la mortalité et de l’immortalité de l’âme pour Marc Aurèle ?
L’âme de l’homme dans l’organisme animal où il se déploie est Dieu.
Or, Dieu est un être suprême et invulnérable. Par déduction, l’âme qui
est Dieu est donc intemporelle, immortelle, car Dieu est omnipotent et
omniprésent et ne peut en aucun cas disparaître du Cosmos puisque c’est
lui qui en maintient l’équilibre.
Pour Marc Aurèle, Dieu est donc un Absolu que rien ne peut vaincre et
qui, ayant créé le monde, le verra disparaître mais ne disparaîtra pas
avec lui. Si l’auteur évoque une telle possibilité c’est bien entendu
parce que selon lui, l’homme tout comme - me - son âme est mortel. en
effet, le philosophe malgré quelques doutes émet l’idée que dès
l’instant où le corps meurt, l’âme elle aussi se dissout. Cependant,
nous pouvons nuancer cette idée car l’âme de l’homme participe à l’âme
de Dieu, ce qui lui offre une part d’immortalité car, en tant que
conscience de tout, la mort ne peut nous anéantir : « Tu existes comme
partie : tu disparaîtras dans le tout qui t’a produit, ou plutôt par
transformation, tu seras recueilli dans sa raison séminale » (livre IV,
paragraphe 14 ). Par ailleurs, le philosophe met en avant l’idée que
l’Homme est soumis à un éternel retour : « Il faut se souvenir [ ... ]
que toutes les choses sont éternellement semblables et recommençantes ».
En effet, selon la pensée du philosophe, chaque individu lorsqu’il
meurt revient quelque temps après son décès dans le monde des vivants
dans le même corps et dans la même condition que lors de sa première
figuration sur terre. Ainsi, craindre la mort n’a aucun intérêt puisque
nous retrouvons inlassablement la vie. Il s’agit donc d’un retour
cyclique qui offre à l’homme un certain pouvoir d’immortalité car sa
mort annonce une renaissance imminente. Toutefois, pour Marc Aurèle,
cette idée d’immortalité humaine est à nuancer, car avant toute chose
l’homme est similaire à un animal vulnérable.
3) En quoi l’âme est-elle source de liberté ?
Pour le philosophe, il faut se soumettre à l’idée que Dieu, être tout
puissant, est en chacun de nous puisqu’il est notre âme et nous guide.
En effet, Dieu va nous conduire sur le chemin de la vertu humanisante
qu’est l’acquiescement au destin ce qui est finalement une promesse de
bonheur. Nous pouvons établir un parallèle avec la tripartition de l’âme
chez Epictète. En effet, le philosophe distingue dans ce qui dépend de
nous les pensées, la tendance, le désir et l’aversion. Chez Epictète, il
n’existe pas une hiérarchie des facultés de l’âme car pour lui notre
liberté a un pouvoir direct sur les pensées, la volonté d’agir, le désir
et l’aversion. En outre, c’est la raison qui éclaire cette liberté
permettant à l’homme de définir ce qui dépend de lui ou non. Il s’agit
en un mot de permettre à l’individu de se réfugier dans sa sphère de
liberté qui ne peut être investit par la sphère des choses déterminées.
Effectivement, si l’homme reconnaît cette distinction entre ce qui
dépend ou non de lui et qu’il accepte son destin, c’est-à-dire qu’il
accepte de n’être qu’un rôle emprunté d’une pièce déjà écrite, il se
dirige vers la liberté car il prend conscience de son statut, et donc,
que ce qui lui est assigné l’est dans un but noble : celui du maintien
de l’ordre du monde. Ainsi, il doit prendre l’évènement comme il est et
désirer ce qui arrive à lui comme ceci arrive et non attendre que la
chose qu’il désire vienne à lui, car l’ordre ne peut tenir compte des
désirs de chacun s’il veut remplir sa fonction d’équilibre. De cette
manière, si l’homme agit en accord avec la nature il va progressivement
se détacher des événements qui lui sont extérieur et ainsi les
interpréter comme étant des choses neutres. Toutefois, cette démarche se
destine davantage à un débutant Stoïque plutôt qu’à un Stoïcien
confirmé, car les Stoïciens pensent que la liberté de celui-ci s’arrête à
l’âme contrairement à un Stoïcien plus expérimenté. En effet, lorsqu’un
individu prend conscience du cosmos il est le Cosmos et développe ainsi
une certaine harmonie, que les Stoïciens appellent « le principe de
sympathie ». Il s’agit d’une correspondance entre une partie et un tout,
entre l’infime et l’infini, entre le moi individuel et la raison
universelle. Cette idée de sympathie, de correspondance entre la
personne et son destin, est un thème prépondérant dans les philosophies
du monde entier et est principalement mise en valeur par la pensée
Stoïque, qui de part ce principe, définit l’harmonie entre la race
humaine et la race divine. Dans ses Pensées, Marc Aurèle tâche donc
d’effectuer un travail sur l’homme et sa tendance à représenter
subjectivement les choses afin justement de passer du non-compréhensif
au compréhensif et ainsi de rendre libre l’âme de tout trouble. En
effet, celui qui reconnaît qu’il est lui-même son propre facteur de
trouble, et qui de ce fait permet à sa raison de coïncider avec la
raison universelle, ne demeure plus dans l’ignorance mais pénètre dans
le savoir ce qui est fondamental car c’est bien sûr de la connaissance
que provient la liberté d’être. En un mot, la coopération et donc la
concordance de notre propre volonté avec les choix du destin nous donne
la liberté de ne pas dépendre des choses qui ne dépendent pas de nous et
de tendre ainsi au bonheur.
4) Quel est le rapport entre le démon du Socrate de Platon et le démon de l’âme dont parle Marc Aurèle ?
Le démon de Socrate est celui qui construit et détermine le destin de
l’homme, il est une divinité qui guide l’âme. Ainsi, dans L’apologie de
Socrate selon Platon nous pouvons relever cette citation : « comme vous
me l’avez maintes fois et en maints endroits entendu dire, se manifeste
à moi quelque chose de divin, de démonique [ ... ]. Les débuts en
remontent à mon enfance. C’est une voix qui, lorsqu’elle se fait
entendre, me détourne toujours de ce que je vais faire, mais qui jamais
ne me pousse à l’action. Voilà ce qui s’oppose à ce que je me mêle des
affaires de la cité [ ... ] ». Ainsi le « daimon » de Socrate est une
voix intérieure qui l’empêche d’entreprendre des mauvaises actions mais
qui toutefois ne le conduit pas à agir de telle ou telle sorte.
Néanmoins, Cette présence divine ne paraît pas vraiment en conformité
avec les croyances de la cité grecque antique ; ainsi Socrate sera
accusé d’introduire un nouveau Dieu. Or, l’idée de Socrate est une
intervention divine dans le destin de l’homme et non pas l’apparition
d’un nouveau Dieu. Parallèlement à ce litige, un autre se forme. En
effet, pour Marc Aurèle, l’idée de ce démon diffère quelque peu car il
fait partie intégrante de l’âme. Il y a en quelque sorte une équivalence
entre le démon et l’âme. Pour le Stoïcien le démon a été choisit par
Dieu afin de le seconder dans les lourdes tâche qui sont celles de
surveiller et de guider l’homme. Il est donc une petite parcelle de
Dieu ; son substitut, et est l’intellect et la raison de chacun. Ainsi
le « daimon » de Socrate est celui qui, pour l’empereur, se loge dans
l’âme de chacun et de tous. Si Marc Aurèle persiste à parler de démon
intérieur dans ses Pensées, c’est parce qu’il s’agit bel et bien de
prendre soin en soi de quelque chose d’extérieur et donc de pratiquer
l’hospitalité à l’intérieur de soi-même.
IV - La mort.
1) Quelle est la conception de la mort des stoïciens comme Epictète et Marc Aurèle ?
Pour le philosophe et tout comme le disait Epictète, chacun est « une
pauvre âme qui porte un cadavre » ; ainsi, la mort n’est autre que la
continuité de la vie. Marc Aurèle établit donc un raisonnement
hypothético-déductif où il démontre à tous que rien n’est effrayant dans
la mort si ce n’est l’idée que l’on se fait d’elle. En effet, nous ne
perdons, par elle, que ce que nous possédons. Or ce que nous possédons
n’est que l’instant présent, donc la mort ne nous ferait rien perdre
d’autre que l’instant présent. Néanmoins, tous les instants ont la même
durée et le même contenu donc tous les instants se valent. Aussi, si
tous les instants sont équivalents alors toutes les vies sont
équivalentes, et si ceci est, alors l’immortalité n’a aucun intérêt.
Tout l’instant étant bel et bien équivalent, vivre indéfiniment n’a
aucun intérêt. Il s’agit là de l’idée de l’éternel retour présente dans
la conception de Marc Aurèle et par laquelle il démontre que la mort
annonce indubitablement un retour sur terre, pourvue dans le même corps
et la même situation ; en fait la condition humaine est marquée d’un
éternel recommencement qui donne à l’espèce humaine un échantillon
d’immortalité, car même s’il revit, l’homme meurt indubitablement.
Parallèlement, et comme nous l’avons vu, l’individu est une partie du
tout immortel qu’est le divin ce qui lui offre un semblant d’éternité :
« Tu existe comme partie : tu disparaîtras dans le tout qui t’a produit,
ou plutôt par transformation, tu seras recueilli dans sa raison
séminale » (livre IV, paragraphe14). Par ailleurs, la vigilance à
l’instant présent permet elle aussi d’associer à l’homme un aspect,
quoique minime, d’immortalité. En effet, bientôt chassé par son
successeur, l’instant présent n’est pas que la fugacité d’un instant
évanouissant ; il ne comprend aucune durée, il ne passe pas et ne
devient rien. Ainsi il est le portail spirituel vers ce qui transcende
toute chronologie possible ; il est en un mot le seuil de l’éternité. Si
l’homme est conscient du tout dans l’instant où il se trouve être alors
il vit une expérience d’éternité. Néanmoins, pour Marc Aurèle,
l’immortalité n’est en rien le bonheur car l’homme se perdrait dans un
ennui profond en revivant inlassablement des instant équivalents et donc
sans grand intérêt à long terme comme le montre Marc Aurèle ici
« Dusses-tu vivre trois mille ans et autant de fois dix mille ans,
souviens-toi pourtant que personne ne perd une autre vie que celle qu’il
vit [ ... ] le plus court et le plus long revient au même ». Ainsi, la
mort ne doit pas provoquer la peur mais plutôt un apaisement car elle
délivre de l’immortalité et de la sempiternité qui au fond est un oubli
du présent éternel où on peut entrer en harmonie avec la volonté divine.
2) Quel est son impact philosophique et pratique chez Marc Aurèle ?
De ce fait, l’homme doit se conformer à la nature en se soumettant à
ses lois et donc admettre que tout évènement est nécessaire et utile. La
nature est par conséquent raisonnable et ce qui induit l’homme à
percevoir sa vie en fonction des principes de celle-ci. La mort faisant
partie intégrante de la nature puisque tout change et se transforme,
l’être humain doit suspendre son jugement, qui l’éloignerait des
principes raisonnables de la nature, afin de tendre à un silence mental
pour ensuite être calme et tranquille face à n’importe quelle situation.
Il s’agit donc pour l’Homme d’entreprendre un travail sur lui-même afin
de consentir et de s’attendre à toutes sortes de choses pour
relativiser et donc se détacher de ce sur quoi il n’a pas d’incidence.
Ce travail commence par la pratique d’exercices spirituels ; parmi ces
exercices nous pouvons prendre l’exemple de celui qui préconise de se
mettre à l’esprit que l’on transporte perpétuellement un cadavre sur
nous, ce qui nous oblige à distinguer ce qui dépend de nous de ce qui
n’en dépend pas comme l’exprime Epictète dans son Manuel :
« Souviens-toi que tu es comme un acteur dans le rôle que l’auteur t’a
confié court , s’il est court ; long, s’il est long. Il dépend de toi de
bien jouer ton rôle, mai, non de le choisir ». Par ailleurs, accepter
la mort c’est aussi vivre chaque instant comme si il n’y en avait pas
d’autre, comme si c’était là le dernier comme le montre la citation
suivante : « Agir, Parler et penser comme si dès maintenant tu pouvais
cesser de vivre ».Il faut donc se soumettre à l’idée que la mort est la
suite logique de l’existence humaine mais ne surtout pas négliger la
vie ; qui, puisqu’elle est éphémère, est très précieuse.
V - En quoi la raison nous relie-t-elle à la nature ?
Il y aurait en moi un autre être que moi, une voix de la conscience
qui me permet de réfléchir et d’avoir des intuitions telles que deux et
deux font quatre. Celui qui rend possible cette réflexion est de nature
divine et c’est d’elle que me vient ma pensée rationnelle, car si
personne ne me permet de pensée, moi en tant qu’être humain et donc en
tant qu’être limité j’en serai incapable par moi-même : « De même que
l’élément terrestre, qui est en moi vient de la terre [ ... ] que mon
souffle a une certaine source [ ... ] de même la pensée, elle aussi
vient de quelque part » (livre IV, paragraphe 4 ). Si tout à une
origine, une cause, si rien n’est sans raison alors la raison elle-même a
une raison, une cause, une origine. En effet, Je n’ai à ma disposition
qu’une pensées propre si et seulement si je reconnais qu’elle provient
d’une pensée totale. La nature raisonnable de l’homme émane donc de la
raison universelle car si je pense de manière raisonnable, c’est parce
que une force suprême m’enjoint de penser ainsi ; De ce fait, ce que
j’écris au sujet du livre de Marc Aurèle n’est donc pas de moi mais
d’une force suprême qui guide ma pensée. De plus, en reconnaissant ce
fait, qui pour le philosophe est indubitable, alors cette pensée qui
vient d’au-delà de moi devient ma pensée propre. Dans cette conception
des choses, il en est de même pour Marc Aurèle qui en rédigeant ses
Pensées, rédige des pensées qui viennent d’ailleurs, d’un principe
éternel, qui permet au livre d’être toujours compréhensible par l’homme
car le livre n’est pas de Marc Aurèle mais de ce qui, en Marc Aurèle,
c’est dévoué à la rationalité universelle qui n’a jamais cessé de
concerner tout individu.
VI - Présentez et expliquez l’importance de la vigilance à l’instant pour Marc Aurèle.
Le moment présent est cette ligne imperceptible, tracée entre un
passé révolu, déjà voué au néant, et un avenir qui n’est pas près à
émerger. Il est donc vital que nous nous donnions entièrement à
l’instant présent qui est la seule réalité qui nous soit donné, la seule
éternité qui nous soit offerte et donc qui nous apporte ce tout que le
passé nous ravit et que le futur nous dissimule. Cependant, le présent
nécessite toute notre vigilance car celui-ci est en constante
transformation ; il suffit de vouloir parler du présent pour se rendre
compte que nous établissons, en fait, le bilan d’un événement déjà
révolu. Marc Aurèle évoque cette réalité inévitable à travers la
citation suivante : « et la perte apparaît ainsi comme instantanée »
(livre II, paragraphe 14). La difficulté et d’accepter que l’instant
présent est un processus de transformation et en même temps le seuil de
l’éternité puisqu’il n’occupe aucune durée ni aucun espace ; il faut
donc redoubler d’attention face à un instant atemporel et en même temps
en mouvement. Le travers de l’homme est sa manière d’être présent sans
pour autant n’être jamais conscient ; l’homme est toujours dirigé vers
le passé ou le futur c’est-à-dire qu’il songe aux regrets, à l’attente,
aux désirs, aux remords mais néglige l’instant présent, en déportant son
attention sur ce qui au moment précis n’est pas. En un mot, il désire
au passé ou au futur mais ne jouit pas de l’instant présent. C’est
pourquoi ce sont les absences de l’homme qui dominent puisque celui-ci
est obnubilé par ce qui n’est plus ou ce qui n’est pas encore et créer
ainsi de façon instantanée un obstacle, une épaisse cloison entre lui et
la sagesse qui s’acquiert grâce à la vigilance de l’instant présent. De
ce fait, il s’agit pour un individu de s’emparer de l’unique maintenant
afin de saisir l’universel qui est éternel. Effectivement, en
appréciant l’importance de l’instant présent l’homme créer une relation
entre lui et le divin ce qui lui offre un semblant d’éternité. L’idée à
concevoir est donc que l’homme qui accepte la fuite du temps comme un
fait qui ne peut être modifié qui donne une autre mesure ; celle d’un
infini. Marc Aurèle enjoint ainsi l’homme à se concentrer sur l’instant
présent, car c’est de lui que découle l’éternité. L’homme qui saisit la
pensée du philosophe stoïque sera un être en accord avec Dieu, un homme
qui, face au temps s’évanouissant, subsistera, car le sage qui saisit la
singularité du moment s’empare de la totalité du temps.
++++
Partie B - Bibliographie.
Liens internet utiles :
- Des éléments sur Marc Aurèle avec un lien vers le texte des Pensées ;
- Wikipedia sur le stoïcisme en général ;
- Wikipedia pour des données biographiques et quelques remarques sur la philosophie de Marc Aurèle ;
- Le blog de lenuki ;
- Une conférence de Jacqueline Lagrée sur le stoïcisme et entre autre sur l’âme ;
- Un parallèle différence entre bouddhisme et stoïcisme de Mauro Rosi ;
- Quelques éléments sur la pensée de la mort et la vigilance chez Marc Aurèle ;
- Sur la question de la vigilance, on peut aussi relier les propos de Marc Aurèle à ceux d’Epictète tels que commentés sur notre site ;
- On consultera aussi sur notre site ce passage sur le stoïcisme qui concerne l’harmonie et la question de l’individualisation du tout ;
- On consultera toujours sur notre site notre explication du début du Manuel d’Epictète qui influence centralement les propos de Marc Aurèle.
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