Introduction
[Accroche] Le désir nous confronte à de la souffrance. Nous avons
tous connu par exemple de la frustration.
[Citation du sujet] Mais désirer, est-ce nécessairement souffrir ?
[Analyse problématique] Si désirer implique par essence un
manque alors la souffrance est inhérente au désir. Cependant on peut désirer se
libérer du désir et peut-être devenir libre de tout désir. Ainsi le désir ne
nous conduirait pas nécessairement à souffrir dès lors qu’on y renoncerait. Une
autre solution consisterait si cela est possible à satisfaire le manque. La
satisfaction du manque pourrait conduire à un plaisir.
On peut développer une autre approche en soulignant
que le désir est d’abord une énergie qui pousse à l’action. Dès lors il nous
faut comprendre comment une force positive peut donner en nous l’impression
d’un manque. Faut-il affirmer l’ambiguïté du désir à la fois plénitude de vie
et insatisfaction ? Faut-il démasquer les perversions et les pathologies
qui amènent à l’impression illusoire d’une souffrance impliquée nécessairement
par le désir ?
[Annonce du plan] Dans un premier temps nous verrons la nécessité
d’apprendre à nous détacher de nos désirs pour ne plus être atteints par la
souffrance due au manque. Dans un deuxième temps nous verrons la positivité du
désir qui doit se libérer de toutes les formes d’égocentrisme de la conscience
pour vraiment s’éprouver comme plaisir, contentement et pur amour. Enfin nous
essaierons de nous demander s’il vaut mieux désirer être un Socrate insatisfait
qu’un porc satisfait.
Première partie - Si désirer revient
à nécessairement souffrir, il faut s’en libérer.
A- La souffrance inhérente au désir est due à la
poussée aveugle et conflictuelle de la vie. Le désir est tension, séparation et
donc souffrance.
B - On peut se détacher du désir. La souffrance n’est
donc pas indépassable.
- L’expérience de la beauté le suggère [Schopenhauer] ;
- On peut avoir une démarche ascétique [Schopenhauer] ;
- Si on fusionne avec la source de l’être, on se tient dans une paix immuable. Le désir de beauté conduit donc à la fin du désir. Le désir de beauté est un désir de ne plus désirer qui peut être satisfait. [Une relecture schopenhauerienne de l’ascension érotique platonicienne]
C - Transition critique : Le plaisir n’est pas
une simple diminution de la souffrance, un simple soulagement. Il peut mener au
contentement d’être en vie.
- Le plaisir en mouvement peut être insatisfaisant mais il peut y avoir un plaisir en repos qui le suit et qui signifie son entière satisfaction et non son simple soulagement temporaire ;
- La forme vient de la vacuité et la vacuité embrasse la forme selon le bouddhisme zen. Être libre du désir ne signifie donc pas être sans désir contrairement à ce que pense Schopenhauer. Le détachement s’oppose au renoncement. Et en fin de compte Schopenhauer est plus proche du jaïnisme que du bouddhisme mahayana ou vajrayana. Par sa faute le bouddhisme a été assimilé à un nihilisme. Mais ne rien vouloir c’est encore vouloir rien comme Nietzsche le souligne.
Deuxième partie - Le désir est une force vitale avec laquelle nous pouvons apprendre à être en harmonie au lieu d’en souffrir.
A - L’art de trouver le plaisir d’exister, d’être
content d’être en vie.
- Ce sont les désirs vains qui conduisent à l’impression de manque selon les épicuriens.
- La peur est inhérente au désir tant que celui-ci demeure celui d’une conscience égo-centrique. Par définition le désir de l’ego égo-centrique n’est pas en harmonie avec le devenir de l’univers et donc avec la vie. Par ses représentations mentales, cet ego veut s’approprier un monde en ignorant le tout de l’univers ; il veut se faire reconnaître en ignorant le point de vue des autres ou de certains autres et enfin il exige que le désir sexuel et sentimental de l’autre désire ce qu’il désire. Cette manière de désirer mène forcément à la peur et donc à la souffrance.
B - Le désir ne nous fait pas souffrir viscéralement
si nous cherchons en nous la liberté stoïcienne et l’amour charité.
- Cependant certaines souffrances ne doivent pas être évitées car elles sont souvent un chemin de maturation et de fortitude puisque ce qui ne tue pas rend plus fort ;
- Notre volonté et nos désirs peuvent s’aligner avec la volonté universelle (ou la volonté divine) ; le contentement est indépendant des circonstances car la volonté est toujours en harmonie avec elles d’un point de vue de l’intelligence du tout qu’elle incarne ;
C - Transition critique :
- Certes le désir infantile et égocentrique d’être aimé est forcément frustré et malheureux ; l’amour de l’amour permet la réciprocité mais demeure idolâtrique au risque de souffrances aigues ;
- Il peut y avoir un orgueil dans la quête de liberté intérieure qui forcément vacillera ; il peut y avoir du mépris pour le détail quand on se tient à un point de vue d’en haut où tout est harmonie ce qui dénote un manque de charité dans le désir de se ressentir la conscience individualisée de l’univers ;
- Seul l’amour pur transcende tout orgueil dans le désir et assume l’aspiration à vaincre l’imperfection ; il est don qui ne peut jamais être déçu car provenant de la source de la vie ; le don n’est pas la pitié (Mitleid) devant la douleur de la vie, c’est la volonté de participer à la création en œuvrant à sa perfection ; la souffrance et la douleur sont des marques d’imperfection à surmonter.
- L’amour authentique ne peut se contenter d’être contemplation de la source de l’existence et donc de l’amour, il doit se matérialiser dans une œuvre créatrice ; le monde gémit encore dans les douleurs de l’enfantement, dit Paul de Tarse et donc la création reste inachevée et nous pouvons en être les auxiliaires.
Remarque : on peut séculariser
cette approche spirituelle religieuse en une spiritualité philosophique laïque.
Troisième partie - Le désir créateur comme élargissement de la conscience est joie.
A- La joie créatrice a plus de portée que le simple
plaisir.
- Le plaisir indique que la vie est préservée mais si on en reste là il n’y a pas d’évolution de la conscience ; c’est souvent la souffrance qui nous force à nous dépasser et à créer mais on peut par la pensée prévenir et devancer des problèmes virtuellement avant même de les souffrir ; cette activité entraîne une recherche créatrice ;
- Le vivant pour éviter de périr a eu intérêt à ressentir la douleur ; la peur permet d’anticiper la douleur éventuelle ; la prudence anticipe et prévient la peur et enfin l’évolution créatrice consciente pourrait nous libérer de toute forme de souffrance voir même de la mort et de l’ennui puisque celle-ci renouvellerait la vie sans cesse ;
- La quête créatrice dépend plus de nous que la recherche du plaisir ; Le désir de créer est à lui-même son propre contentement alors que le désir du plaisir suscite le manque sauf si le plaisir d’exister est réalisé et l’égocentrisme est surmonté.
- Le succès du désir de créer aboutit à l’intuition créatrice qui renouvelle notre conscience dans sa vision du réel ; c’est une évolution consciente de la conscience car comme le suggère Albert Einstein un problème soulevé à un certain niveau de conscience est résolu à un niveau de conscience plus élevé.
- Le plaisir de consommer à terme menace la joie de créer qui l’a autorisé. Créer revient à introduire de nouvelles ressources contrairement à la consommation exagérée qui les épuise.
- Seule la sobriété de la consommation laisse de l’espace à la quête créatrice.
B - La recherche créatrice rend parfois insupportable
la misère du quotidien si elle n’est pas soutenue par une recherche de paix
intérieure.
- Le poème L’albatros de Baudelaire montre le déséquilibre du génie ; l’artiste maudit est une réalité questionnante ;
- Avec une intuition créatrice l’ego de la conscience encore égocentrique se retrouve fêlé mais non dépassé, d’où un risque d’une saison en enfers (cf. Arthur Rimbaud);
- La paix intérieure, le détachement au-delà de la conscience égocentrique est donc nécessaire pour aborder l’entreprise créatrice.
C - Cette expérience intérieure de l’intensification
de la joie créatrice dans l’approfondissement de la paix intérieure prouve que
le désir n’est pas essentiellement souffrance mais joie.
Conclusion
[Synthèse de la progression]
Face à la souffrance due au désir nous avons d’abord besoin de voir qu’il est
possible d’en sortir. Le détachement du désir qu’offre la vacuité de la
conscience est donc bénéfique mais pourquoi affirmer que la vie est souffrance
et que le désir est nécessairement insatisfait par nature ? Celui qui
saura surmonter son égocentrisme dans sa manière de vivre le désir pourra découvrir
le contentement d’exister. La vie surgit de la vacuité avant même que notre ego
surgisse en périphérie, le plaisir d’exister est donc sans aucun objet sans
aucune représentation d’un ego. La vacuité embrasse la vie et la vie surgit de
la vacuité. Être en harmonie avec la vie est possible malgré la douleur et les
souffrances mais souvent il faut aussi accepter d’en passer par la souffrance
pour s’en approcher. L’amour charité est une forme purifiée de désir. Le désir
avant de devenir la quête d’un ego égocentrique consommateur est et demeure
l’élan créateur d’où surgit toute chose. Participer de plus en plus
consciemment à cette évolution créatrice revient à ressentir de plus en plus
intensément l’évolution consciente de la conscience. Un plaisir extatique est
lié à l’élargissement de la vie : c’est la joie créatrice. Décidemment
l’univers n’est pas une poussée aveugle et absurde. C’est la souffrance qui est
la défiguration de la joie de l’évolution créatrice. D’ailleurs on notera que
ceux qui jugent que désirer et vivre sont souffrances n’œuvrent pas à la
solution, ils font partie du problème évolutif en cours.
[Ouverture] L’enjeu est au
final le rapport entre la matière et l’esprit. Le détachement, la paix, etc.
vont vers le seul esprit et laissent au loin la matière. La plaisir est
préservation de la vie matérielle. L’évolution créatrice permet, elle,
d’envisager une spiritualisation de la matière et une matérialisation de
l’esprit. A quoi ressemblerait le croisement de ce double mouvement ? Ne
serait-ce pas une nouvelle manière d’être vivant, autrement dit une nouvelle
espèce ?
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