vendredi 24 octobre 2014

Cours sur l’Etat - L’Etat implique-t-il des formes de dominations ? Version 2014

Introduction.


Analyse Problématique :


1 - L’État est une institution régalienne que se donne un peuple ou qui s’impose à un peuple.

On appelle droits régaliens les droits qui appartiennent exclusivement au roi (en latin rex), au souverain ou à l’État et qui ne peuvent faire l’objet de délégation. Régalien se dit des fonctions politiques et administratives (police, défense, etc.) qui dépendent directement de l’État ou de son représentant suprême.
Ce terme dérivé du latin regalia, « droits du souverain » semble purement français. Il apparaît au XVIIe siècle et n’a pas d’équivalent dans les autres langues. En anglais « regalian right » désigne le très spécifique « droit de régale » médiéval, droit du souverain de percevoir les revenus des évêchés en leur vacance. Dans les pays latins, on parle en revanche, à partir du Moyen-Age, de « régalisme » (en espagne et en Italie, en portugais on utilise « regalismo ») pour définir les droits propres au souverain, notamment par opposition à ceux du pape (le « gallicanisme » étant l’application en France de ce « régalisme ». 
On parle donc de régalien quand on a une fonction non productive économiquement mais productive symboliquement. L’État ne produit rien économiquement de manière directe : ses richesses sont issues principalement de prélèvements de richesse sur la production. Globalement, dans le discours politique, il y a quatre fonctions régaliennes, la sécurité extérieure (ministères des Affaires Étrangères et de la Défense), la sécurité intérieure (ministère de l’Intérieur) à laquelle s’associe la justice (ministère de la Justice) et la maîtrise de l’économie (ministère des Finances). Ce sont les fonctions que l’État ne peut normalement pas déléguer à des personnes ou sociétés privées sans perdre sa puissance d’exercice de la souveraineté.
Remarque : Définition Régaler
Nature : v. a.
Prononciation : ré-ga-lé
Etymologie : Espagn. et port. regalar ; ital. regalare. Origine incertaine. On l’a fait venir du lat. regalis, royal ; mais la forme ne convient pas ; regalis, dans le langage populaire, n’aurait pas donné régaler On peut conjecturer re, et l’ancien verbe galer (voy. et ), qui signifie s’amuser, se réjouir, étaler de la magnificence : Cette dérivation paraît la plus probable [...].


2 - Ambiguïté originelle de l’État vis-à-vis de la sécurité et de la violence.

Le néolithique a d’abord connu une phase horticole et de domestication de petits animaux. Dans un deuxième temps en Chine et dans le croissant fertile comprenant le Nil, le Jourdain, le Tigre et l’Euphrate mais aussi l’Indus et un fleuve qui a aujourd’hui disparu, une agriculture céréalière s’est développée ainsi que la domestication de gros bétail. L’agriculture horticole donnait certainement un rôle important aux femmes qui de cueilleuses devenaient jardinières. L’allaitement leur donnait sans doute un rôle primordial dans cette première phase de domestication. L’agriculture céréalière et la domestication du gros bétail nécessite une force musculaire qui va mettre socialement en avant les hommes sur les femmes.
Ce développement a donc conduit à un bouleversement social et politique. Les céréales se conservent sur plusieurs années : on peut donc faire face à des années où les récoltes sont mauvaises. Ensuite la production par sélection naturelle peut être largement améliorée. Ceci permet une explosion démographique. Les stocks sont à gérer collectivement et à protéger, ils constituent une valeur d’échange : d’où une nouvelle organisation sociale émergente. L’excédent de production permet des fonctions non productives au niveau agricole et artisanal. Une caste spécifique de marchands artisans peut apparaître ainsi que de guerriers professionnels. Des cités se forment rassemblant ce qui avant constituait plusieurs villages, plusieurs clans.
L’État a été établi historiquement pour protéger un peuple des pillages de ses réserves alimentaires, assurer une redistribution des stocks en cas de mauvaise récolte et pour entreprendre de grands travaux à commencer par ceux d’irrigation. Mais il implique la guerre de conquête d’un autre territoire agricole, d’une autre cité. Il intègre de nouveaux sujets qui auront moins de droits. L’État contraint souvent ses sujets à sacrifier leurs intérêts à son profit. La naissance de l’État ne tarde pas à entraîner des émeutes et leur répression.


3 - On peut se demander si l’institution de l’État n’implique pas une logique de domination ?

La question problématique posée par le sujet n’est pas est-ce que l’État peut être utilisé à de mauvaises fins parce que historiquement l’État a été utilisé à des fins très mauvaises. Il s’agit de se demander si de manière inhérente l’État ne tend pas à l’exploitation du peuple qui lui donne corps,




Son organisation pyramidale repose certes sur la base du peuple mais il peut aisément agir contre sa base grâce à son monopole de la violence armée. Cette organisation pyramidale ne pousse-t-elle pas l’État à se retourner contre le peuple ? Quand un État veut gagner en puissance contre des peuples sans État ou des États voisins, il demandera davantage à sa base en terme de participation indirecte sous forme de prélèvements ou de participation directe en recrutant pour l’armée. La vie de l’État semble dès lors indépendante des intérêts du peuple qui lui donne corps. La raison d’État semble l’emporter par définition sur les droits des individus.


I- L’État émancipe l’homme des aléas de la nature.


A- L’État permet d’échapper au « struggle for life ».

Le terme « struggle for life » vient de Darwin. A l’état de nature, les animaux ne se préoccupent pas de leurs congénères en difficultés. L’être humain en sortant peu à peu de la nature, en entrant dans la culture va dépasser la lutte pour la vie. Il va développer des représentations morales justifiant l’assistance aux personnes inadaptées.
Quand un peuple est constitué de plusieurs clans (familles..) il va se donner une instance qui va imposer des lois plus ou moins par la force alors l’État apporte une paix civile une sécurité. Ici l’approche de Hobbes vient donner une idée d’un dépassement du « struggle for life ».
Un effet Möbius est ici à l’œuvre.




La fourmi sur un ruban de Möbius passe de l’intérieur à l’extérieur par un effet inversif.
Le Léviathan de Hobbes montre comment les individus en concurrence y compris violente peuvent constituer un être supérieur et puissant apportant la paix pour répondre plus intelligemment à leur désir de persévérer dans leur être. On a bien affaire ici à un effet inversif où la lutte pour la vie se présente comme guerre de tous contre tous avant de devenir une forme de coopération.




Le roi du Léviathan dispose du pouvoir du peuple qui compose le corps de l’État. Cependant ce corps donne force aux fonctions régaliennes liées au monopole de la violence légitime (le glaive du Léviathan) et de la justice (le sceptre du léviathan).
L’État apporte la paix civile. Si le roi exerce son pouvoir de manière à ne pas de nouveau provoquer une guerre civile c’est-à-dire en ne s’en prenant pas arbitrairement au peuple qui compose le corps de l’État alors une relative paix civile l’emportera. La loi est ici un garant de la conduite du pouvoir. Le roi est au-dessus des lois pour en être garant.


B- L’État bien qu’il nous sorte de la condition animale n’empêche pas toutes les formes de dominations.

Avec le néolithique puis l’État, l’homme sort de l’état de nature dans le sens où il n’a plus à s’adapter à son environnement au niveau biologique. Il peut désormais envisager de transformer son milieu à grande échelle.
Cependant la vision de Hobbes n’empêche pas de justifier que les États soient les uns à l’égard des autres comme les hommes à l’état de nature c’est-à-dire en guerre chacun contre tous. Ainsi loin d’apporter la paix la guerre des États semble amplifier la guerre car le bras armé d’un État n’a pas la force de la somme des individus qui composent son corps. L’alliance des individus démultiplie en fait la force et l’intelligence du Léviathan qu’ils composent.
Le « struggle for life » demeure donc à une échelle plus large.
Par ailleurs une analyse marxiste de base montre que l’État a toujours impliqué des classes sociales et même si l’État favorise la paix civile, la diminution de la violence, il y a une lutte implicite entre les classes sociales qui demeurent. Les intérêts économiques des uns sont bien en conflit avec ceux des autres au sein de la structure pyramidale dont l’État n’est qu’une superstructure. Selon Marx, pour que l’État masque ses injustices, il va y avoir une idéologie. L’idéologie est une croyance adoptée par toutes les classes sociales qui masque les intérêts économiques tout en justifiant la hiérarchie des classes sociales. Dans notre société, on fait croire à une égalité des chances qui du point de vue statistique s’avère être une idéologie. On assiste plutôt à une reproduction sociale due au capital culturel familial.




Pour Marx l’infrastructure de la pyramide de la société industrielle montre les ouvriers exploités et les bourgeois capitalistes exploiteurs. La superstructure étatique garantit sa position idyllique à la classe bourgeoise capitaliste.


C - Transition critique : la domination de l’État tient-elle à son système pyramidale ou au système de classes sociales ?

Dans De la servitude volontaire, Étienne de la Boétie essaie de rendre compte de la tyrannie. 
Avant de considérer les rapports de force économique, il faut peut-être considérer les rapports de force culturel et symbolique.
D’ailleurs historiquement, contrairement à ce que le marxisme affirme les changements de production économique ne sont-ils pas précédés par des changements culturels ? Certes le changement économique induira des effets de rapport de force économique que se traduiront idéologiquement mais pour que les acteurs soient convaincus par exemple de passer d’une société de chasseurs-cueilleurs à une société d’horticulteurs ou d’agriculteurs ne faut-il pas aussi des motivations culturelles ? Les historiens ont observé des cas d’abandon des changements socio-économiques pour un retour aux anciennes formes qui montrent la prééminence des valeurs culturelles sur les forces économiques.
Pierre Clastres écrit en ce sens dans un entretien de la Revue L’anti-mythe :
« Une fois qu’il y a ça, c’est à dire la relation commandement/obéissance, c’est à dire un type ou un groupe de types qui commandent aux autres qui obéissent, tout est possible à ce moment là ; perce que celui qui commande, qui a le pouvoir, il a le pouvoir de faire faire ce qu’il veut aux autres, puisqu’il devient le pouvoir précisément, il peut leur dire travaillez pour moi, et à ce moment là l’homme do pouvoir peut se transformer très facilement en exploiteur, c’est à dire en celui qui fait travailler les autres. Mais la question est, que quand on réfléchit sérieusement à la manière dont fonctionnent ces machines sociales que sont les sociétés primitives, on ne voit pas comment ces sociétés là peuvent se diviser, je veux dire, peuvent se diviser on riches et pauvres. On ne voit pas parce que tout fonctionne pour empêcher cela précisément. Par contre on voit beaucoup mieux, on comprend beaucoup mieux, enfin plusieurs questions obscures se clarifient, à mon avis, Si on pose d’abord l’antériorité de la relation de pouvoir.
C’est pourquoi il me semble que pour y voir plus clair dans ces questions il faut carrément renverser la théorie marxiste de l’origine de l’état - c’est un point énorme et précis on même temps - et il me semble que loin que l’État soit l’instrument de domination d’une classe, donc ce qui vient après une division antérieure de la société, c’est au contraire l’état qui engendre les classes. Cela peut se démontrer à partir d’exemples de sociétés à État non-occidentales, je pense particulièrement à l’État Inca dans les Andes. Mais on pourrait prendre aussi bien d’autres exemples parfaitement occidentaux, et puis même un exemple très contemporain c’est l’URSS. Naturellement je simplifie, je ne suis pas russologue ni kremlinologue... mais enfin si on regarde massivement, vu d’un peu loin, mais pas de très loin la révolution de 17, qu’est-ce qu’elle a fait ?
Elle a supprimé les relations de classe, tout simplement en supprimant une classe les exploiteurs, les bourgeois, les grands propriétaires, l’aristocratie et l’appareil d’état qui marchait avec tout ce qui était la monarchie, ce qui fait qu’il n’est resté qu’une société dont on pourrait dire qu’elle n’était plus divisée puisque l’un des termes de la division avait été éliminé, il est resté une société non divisée et par là-dessus une machine étatique (le parti aidant) détenant le pouvoir au bénéfice du peuple travailleur, des ouvriers et des paysans. Bon. Qu’est-ce que c’est que l’URSS actuelle ? Sauf si on est militant du parti communiste, auquel cas l’URSS c’est le socialisme, c’est l’état des travailleurs : etc.,’ si on n’est pas dans la théologie et le catéchisme, si on n’est pas dans l’aveuglement et tout ce qu’on veut, l’URSS qu’est-ce que c’est ? C’est une société de classes, je ne vois pas pourquoi hésiter à utiliser ce vocabulaire, c’est une société de classes et une société de classes qui s’est constituée purement à partir de l’appareil d’État. Il me semble qu’on voit bien là la généalogie des classes, c’est à dire des riches et des pauvres, des exploiteurs et des exploités, c’est-à-dire cette division là, cette division économique de la société à partir de l’existence de l’appareil d’État. »


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II- Il y a une domination propre à une organisation hiérarchique de l’État.


A- L’organisation hiérarchique par rapport à l’État.

  • 1 - Hiérarchies mafieuses.
Cependant, il nous faut nuance les propos de Pierre Clastres, Il existe des organisations hiérarchiques non étatiques voire anti-étatiques. La plus connue de ces organisations hiérarchique anti-étatique est celle de la mafia .





« La mafia repose sur une hiérarchie très importante :
  • Au plus bas de l’échelle mafieuse, il y a les exécutants. Ce sont souvent des personnes voulant intégrer la famille et qui doivent faire leurs preuves et jurer fidélité à la famille. C’est à eux que l’on confie le « sale boulot ».
  • Au deuxième degré, il y a les soldats. Ils font offices d’instructeurs et de superviseurs pour les exécutants. Ils jouent un rôle important car ce sont eux qui se battent lors des représailles.
  • Au dessus, on trouve les Chefs de régime. Ils font office de capitaine dans la famille. Ils sont responsables d’une poignée de soldats qui sont sous leur commandement et qui obéissent à leurs ordres. Du fait de leur place importante, ils sont choisis parmi les plus fidèles collaborateurs du Parrain ou parmi ses amis très proches.
  • Au quatrième degré, il y a les bras droits. Ce sont les exécutants principaux, ceux a qui le Parrain confie les missions principales. Ils sont pour la plupart choisis dans la famille personnelle du Don : des frères, des fils, des neveux... ils peuvent devenir Bras-droits, s’ils prouvent qu’ils en sont capables.
  • Au cinquième degré, il n’y a qu’une seule personne : le consigliere. C’est le conseiller juridique de la famille. Il entretient une relation privilégiée avec le Patron car c’est à lui qu’il s’adresse pour lui demander son avis sur une offre. Le Consigliere a donc une tâche importante car cela ne dépend que de lui que la Famille s’enrichisse ou décline. Cependant, il ne peut pas donner d’ordres aux Chefs de régime.
  • À leur tête et au plus haut niveau de l’échelle mafieuse, se trouve le Parrain. C’est lui qui traite les affaires les plus importantes et c’est lui qui donne son accord ou son refus final à une offre, en se concertant avec son Conseiller. Si quelques Parrains ont « hérité » d’une Famille, la plupart d’entre eux ont dû se battre pour pouvoir en former une, n’hésitant pas à faire des bains de sang et à faire parler la poudre. Quoi qu’il en soit, le Parrain reste et restera la figure légendaire de la Mafia.
En observant ce système, on constate que le Parrain ne traite jamais directement avec les exécutants car ces derniers reçoivent leurs ordres des Soldats qui les reçoivent eux-mêmes des Chefs de régime. Aucun lien ne peut alors se faire entre le Parrain et les exécutants. Le Parrain reste alors intouchable. »

  • 2 - hiérarchies tyranniques.
Ce ne sont ni l’armée ni la police qui font la puissance du tyran car les révoltes victorieuses passent toujours ou presque par le ralliement d’une partie de l’armée et de la police aux insurgés.
Ce qui fait la force du tyran : c’est une hiérarchie de complicités à l’image de celle qui existe dans la mafia à la différence qu’elle s’étend elle au cœur de l’appareil d’État.
Il y a des complices qui sont subordonnés. Ils subissent la tyrannie mais tirent profit de cette tyrannie. De plus ils ont eux-mêmes des subordonnés. 
Le secret de la force d’une tyrannie est dans l’organisation hiérarchique. Or l’État est organisé pyramidalement et parfois hiérarchiquement au niveau militaire et policier par exemple. Un tyran peut donc noyauter l’État par sa hiérarchie.
Les dictatures disposent dans l’appareil de l’État des agents d’une police secrète, personne ne sait qui est qui. Les dictatures ne sont pas de simples tyrannies ; comme leur dénomination l’indique elles ne visent pas seulement à ce que le peuple se soumette aux intérêts d’un tyran, elle cherche à dicter des comportements au peuple. Une dictature tend à vouloir faire disparaître tout espace de vie privée pour le soumettre à des diktats politiques.
Dans une hiérarchie, les branches peuvent être secrètes, ignorées des autres. Le dictateur totalitaire va créer sans cesse des nouvelles branches hiérarchiques pour éviter que les anciennes se retournent contre lui. Un État totalitaire doit isoler chaque membre du peuple, l’État totalitaire a affaire aux masses atome par atome.
L’État dont l’organisation est rationalisée a d’autant plus d’organisations hiérarchiques au sein de sa structure pyramidale. Une organisation hiérarchique valorise des relations de supérieur à inférieur, de dominant à dominé. Elle dévalorise une relation horizontale car il n’y a plus d’égalité, et valorise une relation verticale de domination.
Dans une hiérarchie, les membres occupent une fonction, chaque membre est substituable par un autre. Ce qui compte, c’est que quelqu’un remplisse la fonction. Un système hiérarchique transforme les êtres humains en moyen alors on peut se demander si les excès du totalitarisme ne sont pas en germe dans l’organisation hiérarchique de l’État.





B- La position anarchiste.

  • 1 - Les anarchistes sont des penseurs qui rejettent toute forme de hiérarchie.

On évitera donc de confondre chaos et anarchie. Hem Day insiste sur ce point : 
« On ne le dira jamais assez, l’anarchisme, c’est l’ordre sans le gouvernement ; c’est la paix sans la violence. C’est le contraire précisément de tout ce qu’on lui reproche, soit par ignorance, soit par mauvaise foi. »
Les anarchistes voient dans l’État, la source de toutes les dominations et violences qui demeurent. Pierre Kropotkine affirme en ce sens : « Le mot État est identique au mot guerre. »
Par exemple, tous les rapports de force économique ont pour enjeu la domination de l’État. Si une classe sociale ou un mouvement social occupe la tête de l’État, alors ils dominent le reste du peuple. L’État est au service des dominants économiques selon Marx mais en réalité il est au service de ceux qui savent s’en emparer.
Les anarchistes vont critiquer l’idée que l’État apporte la sécurité ainsi que l’idée qu’à l’état de nature, « L’homme est un loup pour l’homme ». Les anarchistes vont s’appuyer sur Rousseau : l’homme n’est pas mauvais, égocentrique, c’est la société qui corrompt l’homme. 
Rousseau pointe le fait observable qu’à l’état de nature (y compris dans le monde animal) il y a le sentiment de pitié. Kropotkine (penseur de la solidarité) met en avant les relations horizontales comme coopération contre les relations verticales d’exploitation ou de domination impliquée dans la lutte pour la vie. Kropotkine a posé des questions au Darwinisme (« struggle for life »). Il a souligné dans l ‘évolution des espèces, l’importance de la symbiose. On voir par exemple le lien entre insectes pollinisateurs et fleurs.
Pour l’anarchiste, l’État est vue comme le garant de la propriété et de la Paix civile, on nous assure la tranquillité de la possession. Pour les anarchiste, l’État moderne est donc garant des inégalités économiques.

  • 2 - Limites de l’approche anarchiste de gauche. Pertinence d’un anarchisme de droite ?
Du point de vue économique si l’on proscrit la propriété privée autre que celle de la conscience et du corps, il n’est pas sûr que chacun œuvre économiquement pour tous autant que tous œuvre pour chacun. Rousseau quand il met en valeur le sentiment de pitié pour contester ceux qui voient dans la politique une gestion de la méchanceté humaine essaie de valoriser ceux qui y voient une façon d’augmenter le pouvoir de notre liberté face à la nature. Mais son anthropologie admet une corruption initiale de la conscience morale humaine à cause de l’avoir. Surmonter cette corruption nécessite des réponses autre que celles de la terreur. Ainsi l’anarchie paraît quelque peu naïve quand elle entend superposer en chaque individu le citoyen qui est du côté de la décision collective et le sujet qui est celui qui obéit aux lois collectives. Quand il y a une structure étatique, le législatif est forcément séparé de l’exécutif.
Rousseau montre que la politique doit avant tout reposer sur la souveraineté législative du peuple. Il est d’accord sur ce point avec les anarchistes. Concernant la superposition du citoyen et du sujet qui permet de se passer d’État et qui caractérise vraiment l’anarchisme, Rousseau avait aussi envisagé l’hypothèse d’un gouvernement démocratique qui ne passe pas par le biais d’une organisation gouvernementale pyramidale. Mais il remarquait assez justement que confondre le sujet qui obéit aux lois et le citoyen qui participe à les décider fragilisait l’ordre public. Rousseau écrivait à ce sujet dans Du Contrat Social, Livre III, chapitre IV :
« S’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes. »
Toutefois si certains parviennent dans leur vie communautaire à librement dépasser leur conscience égo-centrique grâce à des pratiques spirituelles, une vie communautaire anarchiste ne serait pas impossible. Si un État se veut démocratique et libéral, il doit être capable de tolérer en son sein de telles expériences communautaires.
Ici nous basculons de l’anarchisme de gauche vers certains thèmes libéraux voire libertariens.
Les libertariens sont une forme d’anarchisme de droite assez répandue aux USA. Ils considèrent l’État comme devant n’être qu’un gardien de nuit et contestent les redistributions imposées par l’État. Quand l’État nous impose ses normes soi-disant protectrices, ils nous interdit de vivre comme nous le souhaitons. Ainsi l’État parce qu’il impose ses prélèvements obligatoires interdit au fond un mode de vie économique autarcique.


C - Le droit peut-il limiter la domination permise par l’État ?

Une séparation du pouvoir législatif du reste de l’État quand elle est le fait exclusif de la souveraineté du peuple permet de ne plus seulement être un sujet de l’État soumis à ses caprices.
Mais le pouvoir législatif peut errer même s’il est l’émanation directe et unanime du peuple car il peut induire la disparition d’un espace privé en dehors du champ politique. La confusion du champ social et du champ politique pourrait conduire aussi à une forme de tyrannie du collectif sur l’individuel. Il y a là encore le danger de confondre le sujet et le citoyen. Si le citoyen est limité par le droit dans son pouvoir de régenter le sujet il évitera de sombrer dans un perfectionnisme moraliste illusoire.
On doit donc distinguer un pouvoir judiciaire d’un pouvoir législatif à côté du pouvoir exécutif. Celui-ci pourra donc rejeter des décisions législatives non conformes aux fondamentaux des droits fondateurs de la souveraineté du peuple et la vie citoyenne.
Par ailleurs le pouvoir judiciaire peut protéger le sujet des excès du pouvoir exécutif. Le sujet qui contrevient aux lois d’après l’exécutif a un recours contre des accusations infondées. Si l’exécutif est corrompu par un sujet au dépend d’une victime ou si l’exécutif est négligent au dépend d’une victime, le pouvoir judiciaire représente pour elle un recours.
L’autorité judiciaire reçoit toutefois son autorité du pouvoir législatif mais réciproquement sans une autorité judiciaire le pouvoir politique ne saurait être partagé. Dans une démocratie, il faut veiller à la circulation de la parole et à la modération de certains propos pour que le dissensus politique ne mène pas à la fin du consensus sur le mode de décision démocratique : l’autorité judiciaire a aussi ce rôle.
Les droits de l’homme sont ainsi un fondement constitutionnel de nos démocraties. Il s’agit plus précisément d’une déclaration des droits de l’homme et du citoyen.




Les droits de l’Homme peuvent se ramener à 5 principes :
  • 1 - l’égalité de droit ;
  • 2 - le droit à la liberté de conscience et d’expression ;
  • 3 - le droit à la sécurité civile ;
  • 4 - le droit à la propriété ;
  • 5 - le droit à la sécurité sociale.
Les régimes autoritaires comme les régimes politiques religieux s’opposent au droit à la liberté d’expression et de conscience. Ils sont au mieux des démocraties très partielles comme en Iran.
La mise en cause de l’égalité de droit (1) induit celle de (2) et une réduction de (5) et (4) : c’est alors le fascisme, le nazisme. Ici la démocratie est éliminée.
La survalorisation de (1) par suppression de (4) est le communisme mais la suppression de (4) va entraîner l’amoindrissement de (2) et l’affirmation de (1) restera illusoire. La démocratie est ici réduite à un centralisme démocratique visant à régler l’ascension dans le parti unique en fonction du respect de la ligne politique du bureau central du parti.
La mise en cause de droit à une sécurité sociale (5) est ce que l’on nomme la tendance ultralibérale. Elle n’a rien à voir avec une véritable démocratisation des décisions et une réduction de l’État malgré certaines affirmations de ceux qui la défendent. Cette tendance politique n’a jamais été portée à son extrémité même dans les pays anglo-saxons où elle a eu ses plus vifs défenseurs. Ceci a eu lieu par le fait qu’elle n’a jamais mis fin à (2) et que (1) a perduré. Seul l’anarchisme de droite libertarien veut supprimer le droit à la sécurité sociale (5) mai il n’a jamais eu le pouvoir majoritairement. Ici la démocratie tend à devenir une ploutocratie c’est-à-dire un moyen de légitimer le réel pouvoir des riches.
L’anarchisme de gauche lui veut la suppression du droit à la propriété (4). Il n’a existé que sporadiquement et temporairement. Seules quelques utopies des années soixante ont perduré comme Auroville. Mais elle a une petite échelle, elle reste imparfaite et s’appuie sur une recherche spirituelle pour dépasser la simple conscience usuelle centrée sur l’ego. Le droit à la propriété dans la démocratie Indienne, la plus peuplée du monde n’empêche donc pas cette expérience de limitation de la propriété individuelle. Le droit indien admet par exemple qu’à Auroville, les enfants n’héritent pas de la maison des parents. Le droit à la propriété n’exclut donc pas une adhésion volontaire à une propriété collective mais l’abolition de la propriété ne peut-elle pas reconduire d’une façon ou l’autre à menacer une véritable liberté d’expression ? Pour s’exprimer librement ne faut-il pas avoir accès à certains supports privés de diffusion et d’un droit de contrôle sur la diffusion de sa pensée ? L’anarchisme de gauche risque d’entre dans une contradiction interne s’il s’empare du pouvoir mais s’il se spiritualise et se pose en accomplissement social du libéralisme politique, peut-on s’y opposer au nom de la justice ?
Bilan intermédiaire : Il est intéressant d’observer que les droits de l’homme sont un équilibre de droits qu’il est toujours délicat de mettre en cause. Ils semblent l’expression fondatrice d’un contrat social démocratique.
Mais essayons de fonder en raison (et donc démocratiquement) chacun de ces principes du droit démocratique.
  • 1 - l’égalité de droit.
Elle concrétise l’égale dignité des personnes. Elle implique que la loi est la même pour tous. Ceci est différent de la pensée de Hobbes car le monarque est exempté des lois, il est supérieur. Aujourd’hui on devrait se poser des questions au sujet de certaines immunités politiques qui s’avèrent des négations de l’égalité de droit. Il est vrai que certaines accusations visent à gêner l’action politique et que cette immunité permet en quelque sorte de protéger l’action politique mais n’en est-il pas fait certains abus ?
Aujourd’hui ce droit à l’égale dignité devant la loi nous semble incontestable. Mais y a-t-il réellement égale dignité ? Ne faudrait-il pas admettre que les êtres humains ne sont pas égaux spirituellement ?
Platon se positionne clairement contre l’égalité politique des citoyens au nom de l’inégalité spirituelle.




Pour Platon, le sage a une raison illuminée par les Idées et l’absolu avec laquelle il dirige son cœur et son courage et par l’intermédiaire duquel il peut alors maîtriser ses appétits. Dans la cité ceux qui sont dirigés par leurs appétits doivent donc être dirigés par les gardiens ces hommes de cœur capables de reconnaître les hommes illuminés de sagesses.
Des inspirateurs importants de l’idéal fasciste au XXe siècle comme René Guénon ou plus clairement Julius Evola ont repris des arguments déjà existants chez Platon pour parler de la démocratie moderne comme parachèvement de la dégénérescence spirituelle de l’Occident. On ne peut évacuer leurs critiques en arguant du fait que ce théories ont abouti à des échecs et à des politiques inhumaines. Nos démocraties ne sont-elles dominés aujourd’hui par des êtres au service de leurs seuls appétits ? Quand faire de la politique consiste à chercher de la croissance économique
S’il y a effectivement des critères de valeur spirituelle comme nous l’avons défendu par ailleurs et que l’expérience spirituelle est une science intérieure et non une simple mystique fantasmée, l’argument est à prendre au sérieux.
Une objection majeure touche au pluralisme spirituel lui-même. Platon semble réduire l’expérience spirituelle à sa seule version. Comme il a en vue une expérience spirituelle de l’éternité, il exclut qu’elle puisse être évolutive. L’illumination comme réalisation de la présence de l’absolu en soi est réalisée vraiment ou ne l’est pas encore. Chez Guénon ou Evola, on a les mêmes préjugés anti-évolutionnistes. Ces penseurs ne voient pas que l’expérience spirituelle elle-même dépend du monde mental où elle se déploie. Le concept d’idées éternelles aboutit à une spiritualité dogmatique et fixiste.
Si il y a par exemple une vérité de la spiritualité chrétienne alors pourquoi ne pas prendre au sérieux une égale dignité de tous les êtres humains ? L’inégalité spirituelle n’entraîne pas forcément une inégale dignité.
Enfin il peut y avoir une pluralité de lignes de perfection spirituelle. Dès lors il devient impossible de hiérarchiser la valeur spirituelle des expériences entre elles. L’évolutionnisme en spiritualité implique même la caractère individuel du perfectionnement spirituel. L’erreur des platoniciens et des inspirateurs platoniciens du fascisme est donc une erreur spirituelle fondamentale. Dans ses conceptions spirituelles et politiques, Platon a trahi Socrate dont on peut admirer le pluralisme spirituel de ses disciples.
  • 2 - le droit à la liberté de conscience et d’expression.
Elle implique liberté de religion ou de philosopher : on retrouve ceci dans le Traité Théologico-Politique de Spinoza ou La lettre sur la tolérance de Locke.
  • 3 - le droit à la sécurité civile.
Ce droit peut se justifier comme nous l’avons vu précédemment avec la pensée de Hobbes ;
  • 4 - le droit à la propriété.
Ce droit doit d’abord impliquer le fait que nous sommes propriétaires de notre propre corps. Quand les droits ont été énoncés en France et avant aux USA, ils n’ont pas impliqué une abolition de l’esclavage. L’accusation marxiste de droits bourgeois des possédants est alors en partie justifiée. Mais à y regarder de plus prêt, il y a aussi l’enjeu de l’égalité de droit entre hommes et femmes qui se joue à travers cette notion de propriété incessible de son corps.
Si la nation et le mâle ont des droits sur l’utérus de la femme et le fœtus qui s’y trouve, n’a-t-elle pas moins de droit ?
Un argument donne à penser. Imaginons qu’on se réveille un matin avec un autre relié à notre système sanguin. On nous explique que s’il est débranché il meurt mais dès lors nous sommes contraints de vivre perpétuellement branché à cet individu sans que jamais notre consentement de faire ce branchement n’ait été donné. Lorsqu’on prétend au nom des intérêts du peuple et de droits masculins interdire au femme tout droit à l’avortement ne les plonge-t-on pas dans cette situation ?
Bien entendu la naissance d’un fœtus a nécessité un acte sexuel consenti pour la majeure partie des cas. Dans ce cas l’exemple précédent n’est pas tout à fait convaincant. On peut même insister sur le fait qu’un fœtus prématuré peut à partir de 5-6 mois se développer en dehors du corps de la mère. Dès lors un avortement après un certain nombre de mois paraît bien similaire à un meurtre. L’abandon apparaît dans ce cas souhaitable par rapport à un meurtre.
Mais parfois la naissance du fœtus est accidentelle car des moyens contraceptifs avaient été déployés. La présence de l’œuf n’est pas ressentie par la femme dès son apparition. L’acte sexuel la plupart du temps n’a pas pour but la reproduction. Faire de la reproduction le seul but légitime de l’acte sexuel paraît très discutable spirituellement et moralement : n’est-ce pas une caractéristique de la culture humaine amplifiant déjà un mouvement biologique de dissocier sexualité et reproduction ? L’échange d’énergie vitale et sentimentale n’a-t-il pas un sens en soi ? Dès lors la fiction précédente de l’homme branché à un autre sans son consentement redevient pertinente : la sexualité proprement humaine doit pouvoir être vécue en dehors de l’injonction à la reproduction puisque la technique nous en donne les moyens et en conséquence la reproduction doit être autant que possible l’objet d’une décision consciente. Car enfin en cas de naissance accidentelle sauf exception ce sera la mère qui aura la charge psychique et matérielle de l’enfant. Dès lors dans ces cas, pour la femme enceinte de peu de temps, un avortement n’est-il pas préférable à un abandon qu’il soit relatif (psychique) ou total (psychique et matériel) ? N’est-ce pas à elle qu’appartient son corps dans cette circonstance ?
Le droit à la propriété est aussi lié au respect du travail et de la création. on retrouve aussi notre argument à l’encontre de l’anarchisme de gauche qui risquerait d’aboutir à une catastrophe social due au parasitisme finissant par décourager les créateurs exploités ainsi par les fainéants.
Sans le respect de la propriété, l’auteur d’une œuvre quelconque se verra dépossédé du droit de la défendre contre ses dénaturations éventuelles par exemple. Bien entendu à cet égard nous nous retrouvons dans une situation similaire au droit de propriété des femmes sur leur corps. il arrive bien un moment où la vie du fœtus ne doit plus dépendre seulement d’elles. Il est donc normal que certaines inventions quittent le giron de leurs auteurs pour le bien de tous.
  • 5 - le droit à la sécurité sociale.
En français le sécurité sociale désigne l’assurance maladie. Ici la sécurité sociale est aussi bien un droit à la santé impliquant l’assurance maladie, qu’un droit au travail, à l’assurance chômage, un droit de subsister, droit à l’éducation, etc.
Pour les anarchistes et les marxistes, l’État est vu comme justifiant un droit bourgeois. Marx dénonce les droits de l’homme comme des droits formels qui prennent leur sens quand on dispose de richesses. L’égalité de droit est-elle réelle quand grâce à des finances on peut avoir un meilleur avocat qu’un autre qui n’en a pas ? Dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1948, la critique marxiste a été prise au sérieux et a fait imposer ce cinquième principe.
Cependant certains libertariens estiment que, en imposant une solidarité entre tous, l’État trouve l’occasion de justifier son emprise toujours plus grande sur la société au mépris de la liberté d’entreprendre ou de la liberté de nos choix de solidarité.
Richard Nozick estime qu’un joueur célèbre de Baseball peut devenir riche grâce à ses fans à qui il donne du plaisir sans qu’on y trouve à redire. Pourquoi l’État devrait-il limiter la richesse de cet homme ? N’est-ce pas au fond décider à la place de ses fans ? N’est-ce détourner le don des fans ?
John Rawls dans sa Théorie de la justice propose une expérience de pensée qui a pour but de justifier politiquement une solidarité citoyenne à travers une instance Étatique de redistribution. Imaginons qu’un voile d’ignorance nous empêche de connaître nos ressources matérielles ou corporelles, ne défendrions-nous pas le fait que l’enrichissement des plus riches doivent induire une amélioration de la situation des plus démunis ? Une procédure fictive permet donc de déduire qu’il est plus juste de vouloir une redistribution partielle des richesses. Ce voile d’ignorance n’aboutirait d’ailleurs pas au communisme car on estimerait juste que ceux qui ont travaillé et réussi économiquement grâce à leurs efforts ne soient pas totalement dépossédés. Le voile d’ignorance rend légitime une certaine inégalité des conditions matérielles.
Au-delà de Rawls, on peut aussi interroger du point de vue l’égalité des chances sociales, le droit à l’héritage qu’on estime en partie inhérent au droit à la propriété. Le capital économique hérité ne rend-il pas illusoire l’égalité des chances ?
Le droit à la sécurité sociale implique donc une limitation du droit à la propriété comme d’ailleurs le droit à la liberté d’expression et de conscience doit être limité par le droit à la sécurité civile. La justice procédurale nous intime donc de faire passer les dons pour la solidarité nationale avant les autres dons.
La fiction de Rawls a cependant une limite : on ne peut poser un voile d’ignorance sur notre capital culturel sans perdre par là même notre capacité à argumenter. Nos convictions liées à notre capital culturel déterminent souvent nos tendances argumentatives et notre capital culturel détermine notre capacité argumentative. Ainsi en ce qui concerne les biens éducatifs, le voile d’ignorance ne fournit pas les moyens logiques de déterminer quels pourraient être les droits.
John Rawls introduit dès lors une procédure basée sur un consensus par recoupements qui permet de penser dans les droits sociaux des réponses à des revendications communautaires au sein d’une société multiculturelle. Il ne s’agit plus dès lors d’une fiction procédurale mais d’envisager une véritable reconsidération des modes de décisions démocratiques.

On peut apercevoir ici 7 à 8 principes au lieu des 5 que nous avions justifiés




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III- Vers une organisation non hiérarchique de l’État.


A- Transition critique.

Rappelons que l’histoire commence avec l’apparition de l’État. L’État permet de conserver et développer la culture. Il doit mémoriser des faits économiques et transmettre des messages de façon fiable sur un territoire d’où l’écriture. L’écriture facilite la conservation et la propagation des savoirs.
Spinoza distingue plusieurs genre de connaissance. Pour créer un contexte favorable au 2e genre de connaissance, à savoir la raison. L’histoire confirme l’importance de l’État. Les peuples qui vivent sans État vivent souvent au niveau du 1er genre de connaissance (discours mythologiques, croyances animistes irrationnelles). L’organisation sociale est liée aux représentations mentales. Dans l’État, la hiérarchie est une chaine de causes : il n’y a pas d’État sans que la classe sociale dominante ne maîtrise des formes de causalité rationnelle. C’est-à-dire que l’homme qui nait dans un État va être capable de repérer des chaine de causes puisqu’il doit s’adapter à une société où il y a des chaines de causes (= base de la raison) . Avec les anarchistes, l’État semble un malheur tomber sur l’humanité. Si on regarde globalement l’évolution des États, on voit que leur forme la plus stable est celle qui garantit la liberté. Plus un État garantit la liberté, plus il est stable : ce que montre Spinoza dans le Traité Théologico-Politique.
Du point de vue extérieur, plus un État est impérialiste et donc qu’il s’en prend à la liberté des autres États ou des peuples sans État, moins l’État sera stable. Les critiques philosophiques y compris de l’État, sont le fruit de la raison qui semble ne pas pouvoir émerger sans l’État. La raison critique l’État mais on s’aperçoit que la raison est le produit de l’État. 
La démocratie semble le régime politique le plus impliqué pour que l’État ne dérive pas vers une forme de tyrannie ou de dictature. La formation d’une opinion basée sur l’argumentation y augmente le rôle de la raison. Le bon sens doit y être la chose du monde la mieux partagée grâce à une éducation de tous les citoyens.
Les régimes politiques des démocraties représentatives sont des régimes mixtes puisqu’en partie démocratique, en partie aristocratique. Quand on dit que certaines démocraties produisent des dictatures, c’est vrai surtout pour les régimes mixtes ou les démocraties où l’éducation à la raison est trop faible encore.


B- La démocratisation de l’État.

  • 1- Une république dont la souveraineté est démocratique selon Rousseau
Pour Rousseau, il y a une différence entre le peuple souverain qui décide des lois et le gouvernement qui est choisi pour diriger l’État. Dans une république démocratique où la souveraineté appartient directement au peuple, le gouvernement n’est pas forcément démocratique. Par contre, dans une démocratie représentative, il n’y a plus de différence nette entre souverain et gouvernement. En France il n’y a pas de différence nette entre gouvernement et souverain. Pour Rousseau cette absence de distinction est une source majeure de corruption. Dans Le contrat social Rousseau explique que le peuple anglais n’est libre qu’au moment où il glisse le bulletin dans l’urne. Le peuple et ses représentants sont plus intéressés par la réussite économique que par le souci du partage du pouvoir, la représentation tend alors à faire régner les valeurs des riches. La démocratie devient apparente et il y a en fait une ploutocratie, c’est-à-dire un pouvoir des plus riches qui peut bien sûr dégénérer en démagogie ou en tyrannie.
Dans la logique de Rousseau, notre démocratie représentative est plus une aristocratie qu’une démocratie car on élit des gens à qui on donne le pouvoir pendant 5 ans.
Pour éviter que la démocratie représentative évolue vers la perte de la souveraineté par le peuple par le biais d’une tyrannie d’une majorité d’électeurs, il faut pour rousseau que les décisions du peuple émane de ses assemblées.
Si le peuple s’assemble comment pourrait-il sombrer dans une tyrannie de la majorité qui veut exclure une minorité estimée étrangère, invasive, etc. ? Car le peuple assemblé implique une reconnaissance réciproque de tous les citoyens comme citoyens. Il n’est pas certain aujourd’hui avec notre démocratie représentative gangrénée par le racisme et l’égocentrisme ethnique que persiste longtemps la citoyenneté définie par l’acceptation de tous les autres citoyens comme tels. Rousseau invite d’ailleurs le peuple assemblé à considérer le bien fondé de son assemblée même. La démocratie du peuple assemblée ne serait-elle pas la réponse la plus adéquate à la crise politique de la démocratie représentative qui se profile à travers l’abstention et le vote de rejet contre une partie de la population ?


Pour que La démocratie du peuple par le peuple assemblé fonctionne, il faut que les citoyens soient capables de rationalité dans les débats. Il est vrai qu’en 1789, ce n’était pas le cas et qu’une représentation politique pouvait se justifier. L’argument aujourd’hui est beaucoup moins fondé vu le niveau d’éducation moyen reçu par la plupart. Un être rationnel dans une discussion, peut reconnaitre qu’il se trompe, il peut intégrer de nouvelles vues et surtout considérer l’intérêt général. La raison étant liée à l’universel, raisonner revient à pouvoir penser de façon désintéressée.
En France il y a la possibilité de vote par référendum qui semble plus démocratique. Mais un référendum à la majorité de 50% plus une voie est-il plus démocratique qu’une décision de la représentation nationale au deux tiers ? Seule une unanimité est fondatrice d’un véritable contrat social démocratique. Moins souvent l’unanimité est atteinte plus la vitalité du peuple est corrompue.
Pour Rousseau, les partis politiques représentent un danger pour la démocratie puisqu’il empêchent les membres des partis d’avoir leur pleine autonomie de penser. Aujourd’hui dans la Ve république française, on parle de « parlement godillot » aux ordres du Président de la république (pourtant chef de l’exécutif), ce qui amplifie le phénomène. Il y a là une autre critique que fait Rousseau de la démocratie représentative.
Rousseau propose de renforcer les liens horizontaux du peuple. Il propose des fêtes populaires pour renforcer les liens horizontaux et il préconise des rassemblements du peuple. Il faut selon lui favoriser la communication des égaux (horizontales) et éviter le spectacle inhérent à la représentation.
Si ces relations horizontales sont privilégiés alors l’État et ses relations verticales auront un rôle relatif. L’État comme structure gouvernementale sera considérée comme un serviteur. Dans une hiérarchie au service de la démocratie, plus on est au sommet plus on devrait être un serviteur du peuple. Plus on devrait avoir des comptes à rendre directement au peuple au lieu d’être protégé par des immunités.

  • 2 - Une démocratie non hiérarchique.
On sait aujourd’hui organiser efficacement des actions avec un système non hiérarchique. 
Internet nous montre des systèmes de réseaux sociaux à l’œuvre. le Web est une toile de liens sans centre principal par lequel ils seraient contraints de passer. 
Dans un réseau, il n’y a donc pas de supérieur hiérarchique.
La notion de séparation des pouvoir législatif, exécutif et judiciaire au sein de l’État anticipe une organisation de réseaux. On peut signaler que dans l’éducation, il se développe une autonomie des universités qui correspond à une organisation non hiérarchique.
Il existe aussi des organisations sociocratiques ou holacratiques.




une organisation SOCIOCRATIQUE est une forme d’organisation démocratique existant y compris au sein d’une organisation type entreprise visant l’auto-gestion, type association. Il s’agit d’une structure à différents niveaux mais interconnectés du haut vers le bas et du bas vers le haut. 
Ce type d’organisation pourrait s’appliquer à une démocratie directe fonctionnant en mode confédératif. A la différence du consensus démocratique qui peut dégénérer en compromis frustrant à cause de résistances purement égocentrique, seuls des arguments sont validés dans la discussion. On se rapproche ici de la pensée de Habermas qui prône une éthique de la discussion effective pour faire vivre nos démocraties. Le cercle de la discussion sociocratique implique déjà une mentalité moderne dont l’éducation rationnelle a dépassé le principe d’autorité symbolique pour se fonder sur la seule autorité des faits qu’ils soient objectifs ou intérieurs. Ici on se rapproche de la pensée spinoziste avec les 3 genres de connaissances.





Une organisation HOLACRATIQUE peut prendre en compte différents degrés d’action dans une organisation pyramidale. Les cercles leaders sont basés sur des niveaux supérieurs. On pourrait se rapprocher encore de la pensée spinoziste avec les 3 genres de connaissances. Ceux qui atteindraient le troisième genre de connaissance auraient moins tendance à mettre leur raison au service de la justification de leur désir égocentrique. Ils seraient mis en leadership dans cette structure pyramidale Étatique. Par le jeu du haut vers le bas couplé à un jeu du bas vers le haut des cercles, ils pourraient être contestés à propos dans l’orientation de l’exercice de leur leadership. Leurs secrètes tendances égocentriques qui amoindrissent la qualité du service de l’ensemble de la structure pourrait donc être contenu. Ce type d’organisation n’est donc pas vraiment démocratique au sens où il n’y a pas égalité de droit à définir l’orientation ultime de la gouvernance mais ce système permet de démocratiser une structure pyramidale dont la fonction serait prédéfinie par la souveraineté du peuple.
On pourrait aussi développer dans chaque entreprise des cercles de décision. Chaque cercle de décision a des délégués dans les cercles supérieurs. Les décisions ne sont pas seulement prises du haut vers le bas, les cercles du bas peuvent refuser une décision d’en haut ou les cercles du bas peuvent inspirer une décision au cercle d’en haut à condition de la motiver. Toutes les décisions doit être argumentées, toutes objections doit être argumentées.
La sociocratie combinée à l’holacratie au sein de l’appareil d’État intègreraient donc toute structure pyramidale ou hiérarchique dans un système démocratique radicale.
Par exemple, en France le mouvement Colibris est un mouvement politique sans chef politique qui veut une démocratisation de l’État. 
Les Quakers est une église évangélique où il n’y a pas de hiérarchie ecclésiastique et pas de pasteur. Ce sont des quakers qui sont à l’origine du mouvement sociocratique.
La démocratie représentative a été instituée en 1789 suite aux arguments de Seyes, un homme politique du 18e siècle qui a écrit Qu’est-ce que le tiers états ? : 
le peuple n’étant pas éclairé, prisonnier de la superstition, il faut une élite qui le guide vers ses propres intérêts, ce seront des représentants du peuple qui formeront cette élite qui éclairera le peuple sur sa volonté et l’élèvera à la raison.




Conclusion


Dans la première partie, on défend l’État. Dans la deuxième on critique l’État comme danger pour la liberté en reprenant des arguments anarchistes contre l’Etat et enfin dans une troisième partie on a proposé une synthèse qui propose une démocratisation de la structure de l’État et met la démocratie au dessus de l’État. 
Pour vraiment tenir compte de la critique anarchiste, il faut passer d’une démocratie représentative à une démocratie directe, les instances de l’État étant ainsi elle-même démocratisée. L’utopie anarchiste aurait alors des chances de se déployer dans le cadre d’une démocratie libérale radicale où l’État lui-même au lieu d’être une structure pyramidale deviendrait un réseau holarchique ou sociocratique.

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