I- Introduction problématique.
[accroche] « La liberté ou la mort » est peut-être le nerf vital de
toute conscience révolutionnaire. A l’évidence un tel principe exclut
viscéralement toute forme de résignation.
Faut-il alors préférer la révolte à la résignation ?
[analyse problématique] Parfois se révolter de manière irréfléchie
est inopportun, il peut être sage de se résigner en attendant qu’une
situation favorable se présente. D’ailleurs la sagesse invite à agir à
partir d’une acceptation intégrale de ce qui est, agir en refusant une
situation risque de nous faire passer à côté des ressorts universels de
ce qui se passe. Le temps de la connaissance induit un temps de la
résignation. Descartes rappelle l’idée stoïcienne que vaut mieux changer
soi plutôt que l’ordre du monde mais non pas pour simplement se
résigner mais pour mieux fonder les principes sur lesquels un progrès
serait possible. Si la résignation est comprise comme le premier pas
vers l’acceptation de ce qui est et sa connaissance afin de le
maîtriser, ne faut-il pas la préférer à une révolte aveugle la plupart
du temps impuissante ? Mais la résignation extérieure à une situation ne
garantit guère intérieurement un vrai travail contre l’injustice.
Souvent elle est un compromis en faveur de l’injustice. On explique
aujourd’hui très souvent qu’il faut bien accepter la société telle
qu’elle est car au fond on ne change pas une société sans changer les
hommes. La résignation n’induit-elle pas une forme de cynisme où puisque
tout est perdu autant profiter autant que possible avant la
catastrophe ?
[annonce du plan]
II - Le travail subversif sous des apparences de résignation.
1 - La dialectique du maître et de l’esclave. (Hegel)
Avec la dialectique du maître et de l’esclave, Hegel renverse sans
aucun doute notre façon habituelle d’opposer la résignation à la
révolte. Hegel estime que le conflit primordial entre consciences
individuelles humaines tient à la volonté de chacune d’être reconnue par
l’autre. Chacune espère que l’autre désirera ce qu’elle désire qu’il
désir. Chacune envisage donc la reconnaissance comme une soumission du
désir de l’autre à son propre désir. C’est une situation de guerre qui
s’engage alors. Cet autre est aussi en moi-même une autre partie de
moi-même : cette lutte peut donc être comprise comme une lutte en divers
aspect de notre personnalité. Des personnages en nous entrent dans une
lutte à mort avec d’autres pour dominer notre personnalité. Dans une
lutte à mort réelle, l’enjeu est la victoire mais aussi la mort. A vrai
dire dans une lutte intérieure la partie de nous qui l’emportera et
soumettra l’autre sera celle qui n’a pas peur d’une lutte à mort. Celui
qui a peur et préfère la vie se soumettra à celui qui ne craignant pas
la mort est prêt à la mort de l’un et de l’autre plutôt que de s’avouer
vaincu.
Ainsi l’un devient le maître de l’autre qui sera son esclave. La
résignation apparente de l’un part d’une préférence pour la vie face à
la folie de l’autre qui est prêt à mourir en entrainant éventuellement
celle de l’autre plutôt que de céder sur son désir. La révolte est une
lutte pour la reconnaissance elle-aussi mais dans un contexte où elle
est perdue au dépend d’un autre. C’est une reprise de la lutte à mort
initiale où personne encore ne dominait. En cas de victoire du dominé
celui deviendra le maître et l’autre l’esclave : on a vu bien des
révoltes n’aboutir qu’à un changement de visage de la tyrannie. Mais
faut-il attendre quelque chose de la résignation ? Hegel affirme que
l’esclave va travailler au service du désir de son maître. Sous le
couvert de sa résignation, il va se rendre indispensable matériellement à
son maître. Et dès lors, la révolte de l’esclave devient la hantise du
maître qui prend conscience de sa dépendance au travail de l’esclave.
Par ailleurs par son œuvre l’esclave obtient une reconnaissance qui ne
se limite plus au cadre d’une lutte à mort pour la reconnaissance. Sa
reconnaissance s’est matérialisée dans une œuvre qui persistera malgré
sa mort. L’apparente résignation de l’esclave au travail lui a permis de
gagner une reconnaissance par une œuvre. La révolution s’opère alors
dans l’esprit même du maître : il adhère aux valeurs de celui qui fût
son esclave c’est-à-dire qu’il se met lui-même au travail pour faire
œuvre. Ainsi il paraît sage parfois de se résigner en apparence afin que
par un travail souterrain une nouvelle mentalité se répande dont la
révolution n’est au final que la cristallisation sociale
superstructurelle. Au sein même d’un individu, la personnalité dominante
peut ainsi se trouver renverser par une cristallisation qui l’intègre à
une autre personnalité jusque là secondaire. Un conflit quel qu’il soit
sera obligatoirement dépassé dès lors que la vision du monde des
belligérants aura été intégré et englobé dans une vision plus large par
l’un des deux au moins. Au final la révolte a des chances de succès dès
lors que la vision qui la porte renouvelle et intègre ce contre quoi
elle porte. La résignation peut être une stratégie en vue de lui donner
un contenu positif. Etre simplement contre revient toujours à se définir
par rapport et cela aboutira en cas de succès à changer de domination
mais pas à susciter une nouvelle forme de communauté d’égaux.
2 - Tout changement de paradigme économique n’induit-il pas
automatiquement un changement social ? Ne faut-il pas cependant
précipiter ce changement social vers le progrès à l’aide d’une élite
révolutionnaire ? (autour de Marx)
Marx hérite de cette idée que le conflit est un moteur de l’histoire.
Cependant Hegel insiste sur des visions du monde qui se dépassent les
unes les autres par le biais de leurs conflits. Il en conclut que
l’Esprit, une conscience absolue se cherche à travers ces conflits et se
révèle ainsi peu à peu par ce procédé. Pour, Marx aucune conscience
n’existe en dehors de la matière. Un travail, une œuvre reste d’abord
une nouvelle façon pour la matière de se considérer elle-même. Ce ne
sont pas des visions du monde éthérées qui sont en jeu mais de façon de
vivre la matérialité du monde. L’esclave est souvent condamné à la
pénibilité du travail et le maître se réserve les tâches nobles des
arts, des lettres, de la discussion politique. De même le capitaliste
s’il travaille comme son employé n’a pas les tâches ingrates de ce
dernier souvent répétitives et sans déshumanisantes. De plus, il dispose
du droit de licencier cet employé ou de l’en menacer afin d’appauvrir
encore plus le gain qu’il pouvait en tirer. Le contrat de travail qui
lie le capitaliste à ses employés n’est pas un contrat social entre
égaux. La lutte que la dialectique du maître et de l’esclave décrit ne
peut pas décrire cette situation sociale d’exploitation et d’aliénation
du travail des employés par les entrepreneurs capitalistes. Pour Marx,
la logique capitaliste de concentration des capitaux conduira à une
situation explosive due à l’exploitation et à l’appauvrissement des
masses qu’elle entraîne et aboutira à une révolte des prolétaires qui
s’empareront des moyens de production. Mais à quoi bon se résigner
jusqu’à attendre ce moment inéluctable ? Pour Marx, il est possible
d’accélérer le cours de l’histoire en s’emparant de l’Etat afin de mener
le capitalisme plus vite à son terme et d’aboutir à une société
véritablement sans classes sociales en lutte entre elle pour dominer et
mettre à son service l’économie.
Un parti communiste rassemblera les prolétaires qui ont pris conscience
de ce mouvement de l’histoire où l’évolution de la matière peut devenir
consciente d’elle-même sans plus passer inconsciemment par la lutte des
uns contre les autres. Ce parti mettra en œuvre tout ce qui est possible
y compris la révolution pour faire avancer l’histoire plus vite.
3 - Transition critique : un changement de mentalité peut-il être le fruit d’une dictature révolutionnaire ?
Cependant n’y a-t-il pas dans cette prétention de maîtriser la
transformation des mentalités en vue de les « prolétariser » un risque
totalitaire ? Peut-on obliger quelqu’un à faire le bien malgré lui ? Les
marxistes affirment que le changement de situation sociale induira par
l’évidence de son progrès une mentalité meilleure. On peut en douter.
Certes on voit que, dans une situation économique favorable, il y a
moins de crimes et que lorsqu’elle se dégrade, il y en a davantage. Mais
à vrai dire qui sera assez exempt de tout appétit d’appropriation, de
volonté de reconnaissance pour mener à bien cette transformation ? Il y a
dans notre mécanique matérielle des tendances pulsionnelles enracinées
que notre intellect focalisé sur l’organisation sociale ne verra pas à
l’œuvre. Une révolte contre notre bestialité humaine ne pourra pas être
obtenue par une dictature du prolétariat.
III - Peut-on apprendre à se contenter de peu au lieu de se résigner si bien qu’on ne craindra plus de donner sa vie pour la révolte contre l’injustice ?
1 - « Changer soi plutôt que l’ordre du monde » induit-il forcément une résignation ? (Entre les stoïciens et Descartes)
Il convient d’entendre les traditions spirituelles qui ont estimé que
la transformation du monde à laquelle aspire Marx n’est pas
envisageable et que ce qu’il convient légitimement de transformer est
plutôt notre rapport au monde. Ainsi les stoïciens puis Descartes diront
qu’il vaut mieux changer soi plutôt que l’ordre du monde.
2 - L’ataraxie ou la liberté d’indifférence si ce sont des états
de conscience possible ne pourraient-elles pas vaincre toutes peurs de
s’opposer à l’injustice ?
3 - N’est-ce pas la force et l’authenticité de la dissidence que de donner sa vie pour réveiller les consciences ?
IV - Des dangers d’une révolte fondée sur la frustration du mimétisme du désir à une ré-évolution authentique.
1 - Révolution et respect des libertés formelles.
a - Réussite des révolutions en faveur des libertés formelles et du respect de la dignité humaine.
On doit constater que les dissidents n’ont pas directement triomphé
du système soviétique dans les pays de l’est mais ils ont clairement mis
en valeur ses contradictions. Gorbatchev le dirigeant de l’union
soviétique dans les années 1980 a perçu grâce à eux entre autres la
vanité du système communiste. Dès que les instances suprêmes du pouvoir
furent détenues par des hommes estimant que les libertés d’expression,
d’opinion que Marx appelaient libertés formelles sont le seul fondement
possible d’une aventure politique collective, l’effondrement du système
communiste eût une rapidité qui surprît tout le monde à commencer par
ses plus farouches ennemis occidentaux. Gorbatchev quand il a dû faire
face à la catastrophe nucléaire de Tchernobyl a constaté que la crainte
d’exprimer ce qui dysfonctionnait exacerbait le dysfonctionnement
lui-même de l’organisation étatique face à une telle catastrophe.
L’idéalisme communiste interdisait non seulement la liberté d’expression
contraire à sa perspective mais il générait les conditions d’une
catastrophe humanitaire sans précédent. La dictature du prolétariat
censée créer l’homme de mentalité socialiste avait échoué : le peuple et
les élites désiraient désormais les libertés individuelles des pays
occidentaux.
b - La nécessité d’une révolution fondée sur la conquête des libertés
réelles peut-elle éviter le mépris des libertés formelles ?
Cependant comme nous le constatons dans nos pays libéraux ou depuis
dans les ex-pays soviétiques, mêmes si les libertés formelles sont
garanties, les réalités économiques induisent pour beaucoup l’absence de
libertés réelles. Celui qui a un pouvoir économique peut facilement
grâce à des médias à son service diluer le message de celui qui n’a pas
ce pouvoir. Au lieu de censurer une information, on l’efface grâce à de
la contre-information ou de la désinformation, etc. Sur le plan
écologique, cette faiblesse du système libérale prépare sans aucun doute
une catastrophe écologique à côté de laquelle celle de Tchernobyl
passera pour un incident. Par ailleurs l’égalité de droits dont se
prévalent les démocraties libérales quand il y a des affaires de justice
est-elle réelle dès lors que le riche peut s’offrir une pléiade
d’avocats tandis que le pauvre se voit pourvu d’un seul avocat commis
d’office ou que les victimes d’une catastrophe environnementale due à la
rapacité ne peuvent pas encore en France avoir une démarche juridique
collective ?
Evidemment certains finissent par gagner leur cause. Le droit au
logement qui représente la conquête d’une liberté réelle semble de plus
en plus s’imposer en France comme la nécessité d’un revenu minimum en
cas de handicap ou d’exclusion du monde du travail. On a ainsi développé
une couverture maladie universelle pour les plus démunis. Ce sont bien
le fruit de combats politiques qui ont conduit à la conquête de ces
libertés réelles dans le cadre d’un respect des libertés formelles y
compris de ceux qui s’opposaient à ces nouveaux droits.
2 - Fantasmes du pouvoir souverain et perversions politique de la concurrence mimétique.
D’où vient alors l’aspiration de tant de gens à abattre le
libéralisme économique et à lutter violemment contre tous ses symboles ?
A vrai dire la conquête de ces droits à de nouvelles libertés réelles
reste pour beaucoup insatisfaisante.
a) Premièrement, ces libertés réelles n’empêchent pas des situations
de misère qui se caractérisent par la faim, l’absence de logements
décents, l’absence de soins médicaux psychologiques et physiques et
surtout une situation écologique désastreuse due à la rapacité
économique. Autrement dit, l’Etat ne semble pas vraiment à la hauteur de
sa tâche dans ces domaines alors que quand il s’agit de soutenir les
gros industriels, ses plus hauts dirigeants déploient une énergie
considérable pour arranger les lois à leur convenance ou obtenir de
l’étranger des contrats mettant en jeu des sommes économiques
considérables.
b) Deuxièmement, aujourd’hui une partie de la population n’est pas
assez pauvre pour disposer de ces droits tels que la Couverture Maladie
Universelle, le RMI, etc. mais elle semble corvéable et exploitable à
merci, elle ne peut espérer aucune progression au niveau de ses
richesses économiques alors qu’elle fournit le travail le plus ingrat,
elle se fait outrageusement exploiter par un système économique qui est
prêt à l’exclure et à l’appauvrir encore davantage dès que la situation
et le profit l’exigent.
Les dirigeants révolutionnaires « communistes » qui espèrent
convaincre cette population de se révolter afin d’abolir le capitalisme
sont-ils exempts face au danger d’un pouvoir souverain étouffant toute
créativité dans une bureaucratie étatique délirante ? Ces leader de
l’extrême gauche sont-ils indemnes des perversions de la concurrence
mimétique ? Les militants de ces partis sont loin d’incarner ici et
maintenant entre aux l’idéal communiste : partagent-ils leur bien d’ors
et déjà entre eux ? Sont-ils capables au sein de leurs partis d’une
démocratie radicale excluant toute dérive tyrannique ? Le libéralisme
doit être distingué du capitalisme : aucun pouvoir souverain capable de
tout maîtriser n’est possible, affirme le libéralisme à moins de
persécuter les individus au niveau de leur liberté élémentaire. La vraie
quadrature du politique si on renonce à une souveraineté fantasmatique
d’une direction avisée consiste alors à se demander : comment respecter à
la fois les individus et nourrir une solidarité collective en prenant
le risque de s’en remettre à tous les individus même s’ils ont en eux
des visées égocentriques contraires à la solidarité collective ?
L’utopie anarchiste conciliant individualisme et solidarité collective
peut-elle être obtenue sans un pouvoir souverain qui l’impose en
modifiant d’abord les réalités économiques ? De nombreux héritiers de
l’anarchisme comme Raoul Vaneigem estiment qu’on doit aussi et d’abord
créer le monde utopique en marge du système présent afin qu’il
s’abolisse face à l’émergence de ce qui se substituera à lui.
Aujourd’hui dans nos démocraties, rien n’est absolument contre une
tentative collective utopique dès lors qu’elle se met en place à côté du
système capitaliste libéral et c’est là l’erreur des communistes
contemporains. Ils sont victimes de la frustration économique. Au fond
eux qui s’opposent à la libre concurrence économique sont malgré eux en
concurrence mimétique avec les plus ignobles des capitalistes. En effet
ce sont des pulsions de pouvoir, d’appropriation qui dans les deux cas
dominent. Les analyses de René Girard sur l’origine de la violence
humaine liée à l’imitation du désir d’autrui et à la concurrence
qu’induit cette imitation sont ici valides. Entre le truand capitalistes
de grande envergure et le pseudo révolutionnaires qui brûle des écoles,
des bibliothèques ou brise et pille des vitrines, il n’y a pas de
différence : ce sont les mêmes pulsions bestiales qui sont à l’œuvre. Ce
ne sont pas des solutions techniques qui nous éviteront la crise
écologique ou du moins pourront l’atténuer et résoudre au mieux les
effets sociaux désastreux qu’elle produira : il faudra trouver des
solutions psycho-spirituelles à notre bestialité.
3 - Ré - évolution par delà résignation à l’ignorance et révolte impulsive.
a - Le dépassement révolutionnaire de la nécessité de devoir gagner sa vie.
La seule révolution en faveur d’une conquête de droit réel qui vaille
une prise de risque est l’abolition du devoir de gagner sa vie. Il
faudrait que les êtres humains soient libérés du travail car le travail
tel qu’ils le comprennent pour la plupart est un moyen d’obtenir de
l’argent pour obtenir du pouvoir et de l’appropriation. Le travail tel
qu’il est conçu aujourd’hui tant par les gauchistes que par les
capitalistes reste prisonnier de pulsions animales où derrière
l’appropriation et la lutte pour la reconnaissance se terre la pulsion
de gagner définitivement sa vie afin d’en imposer la réalité à tous.
Notre civilisation ferait un pas décisif du point de vue économique si
désormais aucun d’entre nous ne devait plus se résigner à devoir gagner
sa vie. Si chacun avait un revenu de base décent, plus personne n’aurait
plus à se résigner à des injustices économiques ou à des compromis avec
sa dignité morale. On ne vivrait plus sous la menace d’une condition de
vie encore plus précaire. On ne pourrait plus se résigner à ce
leitmotiv de l’exploitation capitaliste contemporaine : « si vous n’êtes
pas content, il y en a d’autres qui seront contents de prendre votre
place ! » Désormais les contrats de travail seraient vraiment un contrat
où l’employeur et l’employé sont égaux en droits. D’ailleurs de
nombreuses personnes libérées de la pénible tâche de devoir gagner leur
vie se mettraient à créer davantage pour leur propre compte. Les mots
créer, œuvrer, coopérer, etc. ôteraient définitivement au mot travail
ses racines négatives étymologiques d’instrument de torture (tripalium en latin) ou mythologiques de châtiment divin.
On aura alors davantage d’espace politique pour vaincre le cynisme de la
croissance économique à tout prix au mépris des équilibres écologiques.
On ne subventionnera plus une économie de productions écologiquement
condamnables pour soutenir l’emploi. D’ailleurs au final nombres de ces
entreprises subventionnées s’expatrient toujours dans un pays moins
regardant socialement et écologiquement au mépris des travailleurs qui
lui ont permis de se développer et des citoyens qui politiquement lui
ont donné la puissance financière face à la concurrence. Par contre on
pourra dès lors surtaxer de telles productions pour soutenir des
productions véritablement inscrites dans l’écosystème. Libéré de la
nécessité de soutenir l’emploi, une politique économique n’aura plus de
scrupule pour accélérer le bouleversement qu’exige la crise écologique
en cours.
b - La démocratie radicale fondée sur une démocratisation de la
psychologie et de spiritualités de l’individualisation de la conscience
au-delà de l’égocentrisme.
Une telle conquête économique révolutionnaire servirait de cadre à
une ré-évolution. Une révolution est en astronomie un tour complet
autour de l’astre solaire. Une révolution n’est souvent qu’un retour à
un point de départ. A vrai dire celui qui dispose du pouvoir économique
des classes moyennes intermédiaires sait que cela suffit pour
s’aventurer en dehors du monde de l’argent et du travail. Quelles sont
ces aventures ré-évolutionnaires possibles en dehors des loisirs comme
les voyages, les sports, etc. ? La vie citoyenne et l’exploration de la
conscience par la psychologie, la créativité et la spiritualité. Car
notre monde asphyxie non pas tant d’une surexploitation des ressources
naturelles mais d’un déchaînement sans précédents de notre bestialité
pulsionnelle derrière un masque d’ego sans véritable âme individuelle.
Un engagement citoyen en faveur de la redistribution des richesses
nécessaires à la justice sociale et même la conquête concomitante d’une
liberté de ne plus devoir gagner sa vie est un leurre si on ne voit pas
que notre avidité égocentrique suscite l’horreur dont nous souffrons.
Il ne s’agit non pas de dénoncer l’ego d’autrui mais de dépasser
notre égocentrisme en découvrant une conscience individuelle plus
universelle unie à un élan évolutif transcendant toujours ce qui se
contente de se reproduire et qui a mené l’univers jusqu’à nous. Les
spiritualités religieuses dégagées de leur gangue dogmatique,
les sagesses antiques (occidentales et orientales) et les psychologies
modernes prendraient alors une place de choix dans la nature du vivre
ensemble fondement de l’espace public citoyen. Les médias contemporains
font bien leur travail en déplaçant les valeurs prémodernes
communautaristes et hiérachiques bien souvent vers les valeurs modernes
des Lumières et les valeurs postmodernes multiculturelles. Cependant ces
médias butent sur les limites d’une conscience égocentrique narcissique
visant à réaliser ses désirs quoiqu’il en coûte. La plupart de nos
médias nourrissent nos désirs et nos peurs égocentriques. Par ailleurs
nos médias s’adresse à nous individuellement, ils ne nous permettent pas
une expérience collective de trouver un consensus à plusieurs par
exemple. Nos médias nous présente toujours des débats où les intervenants
campent sur leur position nous laissant le soin de conclure par nous
même, ils rendent inconcevables l’expérience d’une conscience collective
unie malgré les différences.
L’affirmation centrale des spiritualités et des sagesses d’une unicité
de la conscience par delà les différences individuelles et au-delà des
peurs et des désirs ne pourrait-elle pas allié aux psychologies conduire
à expérimenter une conscience collective solidaire où chacun serait de
plus en plus individualisé sans être inféodé à des peurs et des désirs
qui le sépare des autres ? D’ailleurs n’est-ce pas ce point central qui
avait fasciné nombre de révolutionnaires à Paris ou en Californie en
1968 ? Soudain toutes les séparations sociales tombent, tout le monde
parle avec tout le monde, il y a la joie consensuelle de la rencontre
qui relativise les inévitables dissensus dus aux différences. Quelle
expérience collective serait possible si soudain à plusieurs notre
jugement se verrait suspendu incapable de justifier une idéologie (des
intérêts d’un ego collectif plus ou moins masqué) ou des demandes
égoïstes ?
c - De la conscience consommatrice et reproductrice à la conscience
créatrice : les prémisses d’une évolution consciente de la conscience
comme horizon du vivre ensemble.
Celui qui se résigne ignore ce qui passe et ne peut pas percevoir
quelle est l’évolution en cours, il y participe malgré lui en créant les
circonstances positives et négatives qui accélérerons sa
cristallisation. Celui qui se révolte perçoit l’horreur de la situation
plus qu’un autre mais il lui manque souvent aujourd’hui de percevoir que
l’horreur elle-même accélère l’évolution de la conscience comme hier
l’horreur d’une mare qui s’assèche a sans aucun doute accéléré
l’évolution organique du poisson vers les prémisses d’une respiration
aérobie. La crise écologique qui vient se superposer à la crise
économique et à la crise morale prend alors un autre sens. Face à
l’horreur contemporaine, il ne s’agit plus d’une simple mutation sociale
ou mentale mais d’un saut évolutif de la conscience au-delà et en deçà
de la mécanique pulsionnelle animale. Peut-être n’avons-nous jamais
encore été pleinement humain accroché que nous sommes encore à notre
animalité physique et mécanique, une ré-évolution est peut-être en
cours. Pouvons-nous contrairement au poisson envisager une participation
consciente à l’évolution ? Notre intelligence au lieu d’être au service
de notre bestialité ne pourrait-elle pas se révoltant contre ses
propres limites servir une évolution consciente de la conscience ?
Comme le grand scientifique, l’artiste génial ou le sportif d’exception
connaissent après une cessation du jugement usuel une intuition
créatrice, notre suspension collective du jugement ne pourrait-elle pas
être le prélude à une forme d’intuition créatrice collective ouvrant un
chemin inédit et imprévisible au-delà de l’impasse évolutive qui se
présente ?
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