vendredi 24 octobre 2014

Notre liberté augmente-elle avec le savoir ?

Notre liberté augmente-elle avec le savoir ?


ANALYSE PROBLÉMATIQUE :


(Problématisation minimale :)
Si nous avons la possibilité d’effectuer des libres choix entre diverses options, un savoir ne pourra éclairer que le contenu des options mais en soi notre liberté demeurera la même. A un certain niveau si une option se révèle par le savoir qu’on en a plus profitable qu’une autre, la question du choix ne se posera pas puisqu’il s’agira de suivre ce qui est préférable. En fait la question du libre choix se pose quand précisément le savoir ne nous permet pas de juger une option préférable à une autre. Dans la perspective du libre-arbitre, plus il y a de savoir moins on sera confronté à la nécessité de choisir arbitrairement et donc plus le savoir augmente concernant nos options moins notre libre-arbitre s’exercera.
Toutefois de nombreuses réflexions philosophiques et scientifiques mettent en cause l’idée d’un libre choix. Nos choix seraient toujours secrètement déterminés par des forces inconscientes. Dès lors nos préférences en apparences les plus arbitraires sont les plus inconscientes tandis que les préférences éclairées par un savoir réfléchi sont les plus conscientes donc les plus libres. En effet être déterminé consciemment revient à s’auto-déterminer tandis qu’être déterminé inconsciemment revient à être le jouet de forces occultes que nous ne percevons pas. Dans la perspective déterministe, le savoir augmente notre liberté, l’entendement accroît la puissance de notre volonté contrairement semble-t-il à la perspective du libre choix où finalement le savoir nous amène à soumettre notre volonté à notre entendement.

(Problématisation approfondie :) 
Cette première approche du débat suscité par la question de l’augmentation de la liberté avec le savoir peut être approfondie en s’intéressant de plus près à la notion de savoir. Le savoir quand il concerne nos options consiste en une prise de conscience approfondie de ces options et de leurs implications. Dans le cas du déterminisme, la prise de conscience nous amène à souscrire consciemment à ce que de toute façon nous allions faire. N’y a-t-il pas une subordination à une fatalité ? La connaissance du fait d’être déterminé au lieu de conduire à une réelle autodétermination par une prise de conscience ne conduirait-elle pas à juste devoir accepter la fatalité ? Savoir que fatalement je tombe ne revient pas à vouloir consciemment tomber mais à se plier à la chute fatale. Le libre-arbitre induit que je peux refuser le cours des événements, le savoir peut me donner les moyens d’augmenter ma puissance d’action sur le cours des événements. Descartes voyait dans la vérité et le progrès du savoir le moyen d’augmenter notre puissance d’action. Connaître les lois revient souvent à inventer les moyens de les contourner. Ainsi connaître les lois de la pesanteur permet de mieux construire les avions pour voler. De ce point de vue, le savoir quand il augmente permet de développer notre liberté créatrice. La liberté de créer des options qu’augmente le savoir élargit notre choix. Innover, inventer, introduire du neuf et de l’imprévisible nous place vraiment en dehors du cours déterminé des événements. Finalement savoir n’est-ce pas lié à la liberté de créer un nouveau regard sur ce qui apparaît ? Ne serait-ce pas plutôt la dimension créatrice de notre liberté qui augmente notre savoir ?

PLAN DETAILLE :


I – Le libre-arbitre, le savoir et le non savoir.

A – Libérer le libre-arbitre des attachements à des identifications limitantes exige l’usage du doute et l’acceptation du non savoir.

B – La puissance d’action du libre-arbitre est lié à des savoirs techno-scientifiques.

C – Transition critique : Cette conception présuppose que l’âme se sert du corps comme d’un instrument mais si nous acceptons que notre esprit et surtout nos pensées sont intimement liés à notre corps ne faut-il pas admettre que ce qui nous semble une décision arbitraire spontanée est presque toujours le fruit d’un processus matériel et psychique inconscient.


II – Le déterminisme philosophique par l’effort de connaissance n’est pas un fatalisme mais une individualisation de l’auto-détermination de l’univers.

A – Le savoir nous oblige à reconnaître que nous sommes déterminés et donc que le libre-arbitre est illusoire.

a) statistiques sociales.

b) psychanalyse.

c) déterminisme génétique et neuronal.

B – Le déterminisme nous conduit-il au fatalisme ? Si nous n’avons plus qu’à accepter ce qui s’accomplira de toute façon, à quoi bon vouloir changer quoi que ce soit ? L’argument paresseux et sa critique. L’effort individuel pour exister est aussi bien une force universelle qu’une force individuelle. Il y a là une prise de conscience au-delà de la simple connaissance informative qui est contraire à toute tendance fataliste.

C – Transition critique : dans la perspective déterministe, l’effort me fait réaliser que je suis à tout instant l’individualisation autodéterminé de toute éternité du tout de l’univers. Mais qu’est-ce qui impose à ce qui produit dans l’instant d’être l’unique lecture possible du tout éternel de l’univers ? Même si tout instant est inscrit de toute éternité dans l’absolu, pourquoi le temps n’aurait-il pas à chaque instant une multitude de chemin de lectures possibles de ce qui est inscrit dans l’éternité ?

REDACTION DE LA TROISIEME PARTIE :


III – La liberté créatrice part des limites du savoir pour ouvrir de nouveaux domaines de conscience.


A – Le savoir nous découvre un indéterminisme fondamental qui confirme nos interrogations.


La science précisément ne postule plus un déterminisme radical où chaque position des corps est déterminé en fonction du temps. En fait les équations newtonniennes quand elles mettent en jeu un systèmes planétaires à quatre planètes ont des comportements aléatoires au cours du temps. Un même point du temps peut recevoir plusieurs solutions quant aux positions relatives des planètes. Cette découverte de Poincaré se trouve amplifiée avec la mécanique quantique. Celle-ci s’avère fondamentalement indéterministe. La matière infiniment petite se comporte aléatoirement comme un corpuscule ou comme des ondes. Deux corpuscules se heurtant n’ont pas le même comportement que deux ondes se croisant. Une onde peut être est alocale car elle occupe plusieurs points dans l’espace à la fois, elle est alors non localisable même si sa vitesse est quantifiable. Quand nous localisons la matière microscopique, elle devient un paquet d’onde corpusculaire, mais un tel corpuscule localisé n’a dès lors plus de vitesse quantifiable. Plus étrange encore les deux états corpusculaires et ondulatoires sont superposables c’est-à-dire que par exemple deux localisations peuvent être aussi probables tant qu’elles ne sont pas encore effectuées. Le savoir scientifique nous permet de prendre mieux conscience du rapport entre liberté et savoir.


B – La liberté comme jeu intériorisé du hasard et de la nécessité.

L’indéterminisme scientifique trouve peut-être avec l’évolution darwinienne ce qui concerne le plus la question de la liberté. L’indéterminisme cependant n’est pas une condition suffisante pour affirmer notre liberté même si c’en est une condition nécessaire. Tout dépend en fait de la conscience intérieure que nous avons de ce jeu de hasard et de nécessité. Si le jeu du hasard et de la nécessité est inconscient alors le choix qui se manifeste dans la conscience est déjà déterminé de l’extérieur. Mais si ce jeu du hasard et de la nécessité est le fait même de la conscience alors elle est directement une conscience créatrice. Quand je lève je choisis de lever mon bras droit ou mon bras gauche, est-ce que je subis le jeu du hasard et de la nécessité dont le résultat émerge ensuite dans ma conscience ou au bien est-ce la conscience elle-même produit du choix qu’un observateur extérieur objectivera comme hasard ? A vrai dire choisir de lever le bras droit ou gauche enferme le hasard dans un cadre de nécessité limité. Les choix humains peuvent certainement modifier le cadre de nécessité où ils s’inscrivent comme le cours d’eau modifie le lit du fleuve qui lui imposait jusque là une certaine direction. Les choix humains s’alliant à de nouvelles perspectives de connaissance permettraient à l’homme d’évoluer de plus en plus consciemment à la différence des autres espèces dont l’évolution était déterminée uniquement biologiquement et donc inconsciemment. Si avec l’homme le jeu du hasard et de la nécessité matériel s’intériorise, ne pouvons-nous pas parler alors de la liberté humaine comme d’une participation individualisée à une évolution créatrice de plus en plus consciente de la conscience elle-même ? Il y aurait ici un lien étroit entre croissance du savoir et de la liberté au sens où le savoir et la liberté serait à comprendre comme effort et choix individuels pour faire accéder la conscience individuelle à des états de conscience de plus en plus larges et profonds de la réalité et de la maîtrise de son devenir dans la totalité.

C – La liberté créatrice créant de nouvelles perspective de l’Être sur lui-même augmente le savoir.

Mais en examinant plus avant cette idée d’une évolution créatrice de plus en plus consciente de la conscience, on découvre que le choix et le savoir de l’individu humain sont peut-être la traduction d’un changement de regard de l’Être sur lui même au travers de l’évolution de l’univers matériel et du vivant. Notre participation de plus en plus consciente à une évolution créatrice du tout de l’Être relativise notre liberté individuelle de choix et nos efforts de connaissance comme l’individualisation d’une évolution créatrice universelle. Chez Spinoza, tout ce qui a été, est et sera est immanent dans une absolue éternité : l’essence de l’absolue est éternellement inamovible. Si le tout est animé d’une évolution créatrice, il y aura en lui une transcendance qui le placera toujours en dehors des limitations d’une essence éternelle. Ce tout de l’absolu éternel suscitera une évolution créatrice s’il y a en lui mouvement éternel de l’absolu de non identification à tout ce qu’il est, s’il peut être sans cesse autre qu’il n’est. Cet Autrement qu’Être n’est pas un savoir puisqu’il s’ignore en posant les conditions de possibilité d’un nouvelle conscience d’Être mais c’est aussi paradoxalement le propre d’une conscience créatrice et donc d’un savoir. La liberté créatrice au cœur de l’homme serait dès lors paradoxalement une docte ignorance.

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