Notre liberté augmente-elle avec le savoir ?
ANALYSE PROBLÉMATIQUE :
Si nous avons la possibilité d’effectuer des libres choix entre diverses
options, un savoir ne pourra éclairer que le contenu des options mais
en soi notre liberté demeurera la même. A un certain niveau si une
option se révèle par le savoir qu’on en a plus profitable qu’une autre,
la question du choix ne se posera pas puisqu’il s’agira de suivre ce qui
est préférable. En fait la question du libre choix se pose quand
précisément le savoir ne nous permet pas de juger une option préférable à
une autre. Dans la perspective du libre-arbitre, plus il y a de savoir
moins on sera confronté à la nécessité de choisir arbitrairement et donc
plus le savoir augmente concernant nos options moins notre
libre-arbitre s’exercera.
Toutefois de nombreuses réflexions philosophiques et scientifiques
mettent en cause l’idée d’un libre choix. Nos choix seraient toujours
secrètement déterminés par des forces inconscientes. Dès lors nos
préférences en apparences les plus arbitraires sont les plus
inconscientes tandis que les préférences éclairées par un savoir
réfléchi sont les plus conscientes donc les plus libres. En effet être
déterminé consciemment revient à s’auto-déterminer tandis qu’être
déterminé inconsciemment revient à être le jouet de forces occultes que
nous ne percevons pas. Dans la perspective déterministe, le savoir
augmente notre liberté, l’entendement accroît la puissance de notre
volonté contrairement semble-t-il à la perspective du libre choix où
finalement le savoir nous amène à soumettre notre volonté à notre
entendement.
(Problématisation approfondie :)
Cette première approche du débat suscité par la question de
l’augmentation de la liberté avec le savoir peut être approfondie en
s’intéressant de plus près à la notion de savoir. Le savoir quand il
concerne nos options consiste en une prise de conscience approfondie de
ces options et de leurs implications. Dans le cas du déterminisme, la
prise de conscience nous amène à souscrire consciemment à ce que de
toute façon nous allions faire. N’y a-t-il pas une subordination à une
fatalité ? La connaissance du fait d’être déterminé au lieu de conduire à
une réelle autodétermination par une prise de conscience ne
conduirait-elle pas à juste devoir accepter la fatalité ? Savoir que
fatalement je tombe ne revient pas à vouloir consciemment tomber mais à
se plier à la chute fatale. Le libre-arbitre induit que je peux refuser
le cours des événements, le savoir peut me donner les moyens d’augmenter
ma puissance d’action sur le cours des événements. Descartes voyait
dans la vérité et le progrès du savoir le moyen d’augmenter notre
puissance d’action. Connaître les lois revient souvent à inventer les
moyens de les contourner. Ainsi connaître les lois de la pesanteur
permet de mieux construire les avions pour voler. De ce point de vue, le
savoir quand il augmente permet de développer notre liberté créatrice.
La liberté de créer des options qu’augmente le savoir élargit notre
choix. Innover, inventer, introduire du neuf et de l’imprévisible nous
place vraiment en dehors du cours déterminé des événements. Finalement
savoir n’est-ce pas lié à la liberté de créer un nouveau regard sur ce
qui apparaît ? Ne serait-ce pas plutôt la dimension créatrice de notre
liberté qui augmente notre savoir ?
PLAN DETAILLE :
I – Le libre-arbitre, le savoir et le non savoir.
A – Libérer le libre-arbitre des attachements à des identifications
limitantes exige l’usage du doute et l’acceptation du non savoir.
B – La puissance d’action du libre-arbitre est lié à des savoirs techno-scientifiques.
C – Transition critique : Cette conception présuppose que l’âme se
sert du corps comme d’un instrument mais si nous acceptons que notre
esprit et surtout nos pensées sont intimement liés à notre corps ne
faut-il pas admettre que ce qui nous semble une décision arbitraire
spontanée est presque toujours le fruit d’un processus matériel et
psychique inconscient.
II – Le déterminisme philosophique par l’effort de connaissance
n’est pas un fatalisme mais une individualisation de
l’auto-détermination de l’univers.
A – Le savoir nous oblige à reconnaître que nous sommes déterminés et donc que le libre-arbitre est illusoire.
a) statistiques sociales.
b) psychanalyse.
c) déterminisme génétique et neuronal.
B – Le déterminisme nous conduit-il au fatalisme ? Si nous n’avons
plus qu’à accepter ce qui s’accomplira de toute façon, à quoi bon
vouloir changer quoi que ce soit ? L’argument paresseux et sa critique.
L’effort individuel pour exister est aussi bien une force universelle
qu’une force individuelle. Il y a là une prise de conscience au-delà de
la simple connaissance informative qui est contraire à toute tendance
fataliste.
C – Transition critique : dans la perspective déterministe, l’effort
me fait réaliser que je suis à tout instant l’individualisation
autodéterminé de toute éternité du tout de l’univers. Mais qu’est-ce qui
impose à ce qui produit dans l’instant d’être l’unique lecture possible
du tout éternel de l’univers ? Même si tout instant est inscrit de
toute éternité dans l’absolu, pourquoi le temps n’aurait-il pas à chaque
instant une multitude de chemin de lectures possibles de ce qui est
inscrit dans l’éternité ?
REDACTION DE LA TROISIEME PARTIE :
III – La liberté créatrice part des limites du savoir pour ouvrir de nouveaux domaines de conscience.
A – Le savoir nous découvre un indéterminisme fondamental qui confirme nos interrogations.
La science précisément ne postule plus un déterminisme radical où
chaque position des corps est déterminé en fonction du temps. En fait
les équations newtonniennes quand elles mettent en jeu un systèmes
planétaires à quatre planètes ont des comportements aléatoires au cours
du temps. Un même point du temps peut recevoir plusieurs solutions quant
aux positions relatives des planètes. Cette découverte de Poincaré se
trouve amplifiée avec la mécanique quantique. Celle-ci s’avère
fondamentalement indéterministe. La matière infiniment petite se
comporte aléatoirement comme un corpuscule ou comme des ondes. Deux
corpuscules se heurtant n’ont pas le même comportement que deux ondes se
croisant. Une onde peut être est alocale car elle occupe plusieurs
points dans l’espace à la fois, elle est alors non localisable même si
sa vitesse est quantifiable. Quand nous localisons la matière
microscopique, elle devient un paquet d’onde corpusculaire, mais un tel
corpuscule localisé n’a dès lors plus de vitesse quantifiable. Plus
étrange encore les deux états corpusculaires et ondulatoires sont
superposables c’est-à-dire que par exemple deux localisations peuvent
être aussi probables tant qu’elles ne sont pas encore effectuées. Le
savoir scientifique nous permet de prendre mieux conscience du rapport
entre liberté et savoir.
B – La liberté comme jeu intériorisé du hasard et de la nécessité.
L’indéterminisme scientifique trouve peut-être avec l’évolution
darwinienne ce qui concerne le plus la question de la liberté.
L’indéterminisme cependant n’est pas une condition suffisante pour
affirmer notre liberté même si c’en est une condition nécessaire. Tout
dépend en fait de la conscience intérieure que nous avons de ce jeu de
hasard et de nécessité. Si le jeu du hasard et de la nécessité est
inconscient alors le choix qui se manifeste dans la conscience est déjà
déterminé de l’extérieur. Mais si ce jeu du hasard et de la nécessité
est le fait même de la conscience alors elle est directement une
conscience créatrice. Quand je lève je choisis de lever mon bras droit
ou mon bras gauche, est-ce que je subis le jeu du hasard et de la
nécessité dont le résultat émerge ensuite dans ma conscience ou au bien
est-ce la conscience elle-même produit du choix qu’un observateur
extérieur objectivera comme hasard ? A vrai dire choisir de lever le
bras droit ou gauche enferme le hasard dans un cadre de nécessité
limité. Les choix humains peuvent certainement modifier le cadre de
nécessité où ils s’inscrivent comme le cours d’eau modifie le lit du
fleuve qui lui imposait jusque là une certaine direction. Les choix
humains s’alliant à de nouvelles perspectives de connaissance
permettraient à l’homme d’évoluer de plus en plus consciemment à la
différence des autres espèces dont l’évolution était déterminée
uniquement biologiquement et donc inconsciemment. Si avec l’homme le jeu
du hasard et de la nécessité matériel s’intériorise, ne pouvons-nous
pas parler alors de la liberté humaine comme d’une participation
individualisée à une évolution créatrice de plus en plus consciente de
la conscience elle-même ? Il y aurait ici un lien étroit entre
croissance du savoir et de la liberté au sens où le savoir et la liberté
serait à comprendre comme effort et choix individuels pour faire
accéder la conscience individuelle à des états de conscience de plus en
plus larges et profonds de la réalité et de la maîtrise de son devenir
dans la totalité.
C – La liberté créatrice créant de nouvelles perspective de l’Être sur lui-même augmente le savoir.
Mais en examinant plus avant cette idée d’une évolution créatrice de
plus en plus consciente de la conscience, on découvre que le choix et le
savoir de l’individu humain sont peut-être la traduction d’un
changement de regard de l’Être sur lui même au travers de l’évolution de
l’univers matériel et du vivant. Notre participation de plus en plus
consciente à une évolution créatrice du tout de l’Être relativise notre
liberté individuelle de choix et nos efforts de connaissance comme
l’individualisation d’une évolution créatrice universelle. Chez Spinoza,
tout ce qui a été, est et sera est immanent dans une absolue éternité :
l’essence de l’absolue est éternellement inamovible. Si le tout est
animé d’une évolution créatrice, il y aura en lui une transcendance qui
le placera toujours en dehors des limitations d’une essence éternelle.
Ce tout de l’absolu éternel suscitera une évolution créatrice s’il y a
en lui mouvement éternel de l’absolu de non identification à tout ce
qu’il est, s’il peut être sans cesse autre qu’il n’est. Cet Autrement
qu’Être n’est pas un savoir puisqu’il s’ignore en posant les conditions
de possibilité d’un nouvelle conscience d’Être mais c’est aussi
paradoxalement le propre d’une conscience créatrice et donc d’un savoir.
La liberté créatrice au cœur de l’homme serait dès lors paradoxalement
une docte ignorance.
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