Une rédaction partielle de la dissertation
Introduction.
Il ne saurait être moral de rendre tout un ensemble de gens plus
malheureux qu’ils ne l’étaient au bénéfice de quelques uns. Par ailleurs
l’action morale nécessite un minimum de bien-être.
Ces quelques arguments rendent légitime de se demande si on doit être heureux.
agir en faveur du bonheur du plus nombre à première vue semble
défendable dès lors qu’on l’envisage comme lutte contre les conditions
matérielles et culturelles qui causent le malheur du plus grand nombre.
Mais peut-on contraindre et imposer au nom de la morale une quelconque
forme de bon,heur individuel et collectif ? Toute contrainte extérieure
obligeant au bonheur semble en quelque sorte contraire aux libertés
élémentaires et donc immoral. Si on envisage la morale comme un
commandement intérieur, il paraît peu raisonnable de croire qu’il est
possible et légitime de se contraindre intérieurement par un acte de
volonté au bonheur.
On peut se contraindre à accepter une situation au sens de se résigner à
quelque chose dans la mesure où son refus ne serait pas rationnel et
nous conduirait à un mal-être plus grand nous rendant moins capable
d’action morale. Mais ce type d’acceptation en vue de conserver son
potentiel d’action morale ne nous conduit pas à un contentement
intérieur qu’on peut appeler bonheur. Par ailleurs le bonheur personnel
paraît bien égocentrique tandis que la morale se fonde sur une réflexion
rationnelle désintéressée.
Tout au plus, la morale rend-elle digne d’un bonheur ou en tant qu’idéal
la morale fait naître l’espérance de la disparition du malheur
c’est-à-dire l’émergence du bonheur qui s’ensuivrait.
Le bien absolu comprend le bonheur dès lors que la cohérence morale en
forme l’espérance. Mais admettant ceci, n’y aurait-il pas contradiction à
vouloir le bien et à en refuser dès maintenant le bonheur lié à sa
participation ? Soit le bien comprenant le bonheur est une illusion soit
il est légitime du point de vue moral de chercher le bonheur à la
condition qu’il serve un dépassement de nos positions égocentriques.
Ainsi dans un premier temps nous envisagerons s’il nous est possible
de concevoir une société où le malheur diminue. Le devoir moral serait
au moins de diminuer le malheur.
Dans un deuxième temps nous confronterons la question du bonheur à
l’exigence morale proprement dite. La diminution du malheur collectif a
un sens politique et elle vient donner un contenu au droit à la
recherche du bonheur mais l’exigence morale de chercher un bonheur non
égocentrique se pose à nous seuls et ne s’impose à nulle autre.
Enfin dans un troisième temps nous verrons en quoi le bonheur est oui ou
non inhérent à un couronnement des vertus comme réalisation du bien en
soi.
I - Le bonheur de notre personne n’est pas un devoir moral mais le devoir moral rend digne de ne plus être malheureux.
A - Être heureux met en jeu l’intérêt, la morale le désintéressement.
Le désintéressement moral se conçoit comme universalisation possible
de notre maxime d’action. Le bonheur personnel met en jeu des
préférences irrationnelles. Bonheur et morale ne sont pas du même ordre.
Le bonheur personnel est un idéal de l’imagination alors que la morale
est un idéal rationnel qui doit prévaloir sur nos idéaux de
l’imagination. Être moral peut conduire à sacrifier son bonheur
personnel.
Pour la morale, le libre-arbitre est supérieur au serf-arbitre : le
choix moral conduit toujours à augmenter notre capacité à décider
rationnellement. Certains choix nous conduisent à diminuer notre
indépendance de choix. Nous avons ici un critère pour jauger nos
conceptions du bonheur personnel du point de vue moral.
B - Le devoir moral rend notre personne digne d’être heureux et fait de l’espérance une vertu.
Agir moralement n’aurait pas de sens si le bien ne pouvait pas
triompher du mal. agir moralement implique de postuler une espérance en
faveur de l’accomplissement du bien. Agir moralement suppose
l’accomplissement du bien et donc la disparition du mal qui fait
obstacle à notre bonheur, cette disparition impliquant une harmonie
entre nos désirs de bonheur et notre victoire morale sur le mal. En ce
sens la morale rend digne d’être heureux.
C - La compassion rend digne de ne plus être malheureux.
1 - Le bonheur comme imaginaire n’est-il pas décevant et
illusoire.
Souvent on pense le plaisir comme une satisfaction positive.
Mais le plaisir n’est-il pas le plus souvent qu’une simple diminution de
la souffrance due au manque caractéristique du désir ?
Schopenhauer a un verdict autre que Kant puisque selon lui la morale ne
nous rend pas digne d’être heureux mais nous permet de saisir que la vie
est souffrance et de nous opposer à cette poussée aveugle de la vie qui
écrase les humains de souffrances.
2 - Il faut se libérer du désir pour échapper au malheur, la morale fait partie de cette ascèse selon Schopenhauer.
Par la compassion (Mitleid en allemand veut dire souffrir avec), je
perçois que la vie est souffrance. Celui qui ne développe pas sa
compassion rajoutera à la vie sociale des souffrances en faisant le mal
aux autres ou à soi. Développer sa compassion signifie ne plus désirer
participer à la vie qui implique la souffrance (à commencer par celle de
la mort qu’elle inflige aux individus). Vivre heureux est impossible du
point de vue pessimiste que la compassion (au sens de Schopenhauer)
implique. La compassion pour soi et les autres permet de vivre moins
malheureux en vue de se délivrer de la vie. Plus on est libre du désir
et donc de la vie, moins on sera malheureux.
3 - L’idée qu’on puisse prescrire le bonheur comme une
moralisation totale des conduites peut conduire à justifier des pouvoirs
politiques totalitaires aussi bien religieux qu’athées.
La compassion comprend que le désir égocentrique d’être heureux
conduit au malheur. Les idéalistes qui ont prétendus apporter un mieux
au vivre-ensemble en imposant aux hommes par la force une transformation
ont échoué.
Schopenhauer compare les hommes à des porcs-épics. Vouloir les
rapprocher par la force politique les conduit à se blesser voir à
s’entretuer. Pour lutter contre la froideur de la vie, ils le besoin de
se rapprocher mais parce qu’ils se blessent par leur pics, il leur faut
s’isoler les uns des autres.
Toutes les options collectivistes voulant faire le bonheur des hommes
par la force politique ignorent cette tendance légitime à s’isoler les
uns des autres pour ne pas se nuire réciproquement.
II - Des conditions nécessaires au bonheur à la réhabilitation de l’eudémonisme.
A - Transition critique :
Pour être moral, il ne faut pas être dépressif donc il faut par
devoir garantir un certain seuil de bien-être intérieur et donc un droit
à la recherche du bonheur. Le pessimisme schopenhauerien voire l’ascèse
qu’il propose sont paradoxaux voire contradictoires puisqu’ils
impliquent un art de ne plus être malheureux en rejetant l’idée qu’on
puisse être heureux. certes on peut distinguer un bonheur personnel
illusoire d’un bonheur impersonnel ou non égocentrique. Quoi qu’il en
soit, il faut créer des conditions collectives permettant du bien-être
et donc des conditions non contraires à une recherche du bonheur.
B - Libéralisme-social ou social-libéralisme et bonheur.
La constitution US nous propose dans cette ligne un droit de
rechercher le bonheur. On notera qu’il ne s’agit pas d’imposer une
conception du bonheur. Imposer un bien par la force collective induit
une forme de collectivisme qui nie la liberté individuelle. Les divers
totalitarismes ont ainsi conçu un bonheur collectiviste au mépris du
respect des libertés individuelles. Au final ces régimes ne produisent
d’ailleurs ni le bonheur collectif, ni le bonheur individuel. On peut
politiquement créer des conditions matérielles et culturelles pour
faciliter une libre recherche du bonheur.
C - Transition critique :
Kant et Schopenhauer ont une vision égo-centrique du bonheur comme
satisfaction de désirs. Mais n’ont-ils pas une approche de la morale qui
reste essentiellement égo-centrique au sens où un ego reste le
dépositaire de l’action morale. Tout ressort à un sujet libre chez
Kant. La morale reste centrée sur un sujet, le réaffirme en tant qu’ego
responsable. D’ailleurs, n’est-ce pas cette position philosophique qui
induit un ego soumis à la tentation, à jamais incomplètement réalisé du
point de vue moral car à jamais incapable de dépasser l’amour propre et
son narcissisme social ?
Le sujet version Schopenhauer dont la morale se fonde sur le Mitleid, le
souffrir avec, ne reste-il pas égocentrique malgré ses velléités
ascétiques de renoncement au désir ? Ce sujet semble avoir du
ressentiment contre la vie. Sa volonté de rien, d’annihiler ses désirs
pour échapper à la poussée aveugle de la vie n’est-elle pas une
contradiction existentielle. Ce sujet du ressentiment contre la vie et
le désir reste insuffisant pour vraiment échapper aux limites de
l’égo-centrisme. Ce ressentiment ne ressort-il pas d’une pathologie
psychologique s’enracinant dans un passé familial difficile ?
Dans les deux cas, l’ego restant central malgré lui, le désintéressement moral visé reste bien illusoire !
D - L’eudémonisme affirme le dépassement de l’égo-centrisme et donc la relativisation de la morale vis-à-vis d’une éthique.
Toutefois malgré leur approche discutable du bonheur et du sujet,
Schopenhauer et Kant admettent l’un et l’autre un dépassement de
l’égocentrisme au cours d’expérience de la beauté. Pour Kant la beauté
est une expérience de plaisir universel désintéressé ; pour
Schopenhauer, elle nous détache du sujet désirant nous amenant à être un
pur sujet contemplatif en dehors du tumulte de la vie désirante.
De ce point de vue en tant que plaisir désintéressé d’un pur sujet
impersonnel contemplatif, la beauté est au croisement de la morale et du
bonheur. On pourrait s’appuyer sur cette expérience de la beauté pour
réhabiliter malgré eux l’eudémonisme qui nous assure que vertu et
bonheur ont partie liées.
Le bonheur eudémoniste n’est pas une expérience de l’avoir comme peut
l’être la satisfaction d’un désir égocentrique, il s’agit à travers les
éthiques eudémonistes de faire une expérience intérieure mettant en jeu
notre être profond. Le droit à la recherche du bonheur qu’ouvre le
champ politique en incitant à ne pas faire le mal opu en diminuant les
causes du malheur ouvre alors le chemin à une recherche du souverain
bien.
III - L’Eudémonisme affirme un devoir éthique d’être heureux.
A - L’ataraxie intégrale comme devoir éthique.
Les philosophies eudémonistes prônent d’une manière ou d’une autre
une forme de sérénité intérieure fondée sur le calme et la tranquillité
de l’esprit indépendants des circonstances.
On a pu opposer ces diverses approches mais à un certain niveaux ne pourrait-on pas les concevoir de façon complémentaire ?
1 - L’ataraxie hédoniste.
l’éthique ne met pas forcément en premier la recherche de la morale.
il y a des vertus de la recherche du bonheur qui en second s’avèrent
aussi source de vertus morales. L’hédonisme philosophique partant de
notre essence désirante est peut-être plus lucide que la volonté
rationnelle de Kant opposée aux désirs dans la mesure où la volonté est
aussi une forme de désir réfléchi. Ainsi le devoir envers nous-mêmes
selon la morale est un devoir d’avoir un libre-arbitre et non un
serf-arbitre. Or hiérarchiser ses désirs dans une perspective hédoniste
produit bien le libre-arbitre et non le serf-arbitre, ce devoir envers
soi-même. Si on conçoit l’ataraxie comme pur plaisir d’exister non
troublé par la souffrance, le manque des désirs, etc., n’aura-t-on pas
surmonté l’égo-centrisme de la conscience en surmontant l’égo-centrisme
des désirs ?
Le pur plaisir d’exister marque, semble-t-il, un dépassement de l’égocentrisme dont la morale n’est pas capable.
2 - l’ataraxie stoïcienne.
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