vendredi 24 octobre 2014

LE TRAVAIL. Une version abrégée ou l'essentiel de ce qu'il faut retenir.

On peut consulter en cliquant ici une leçon beaucoup plus détaillée sur la notion de travail.

Débat n°1 : En quoi le travail différencie l’homme de l’animal ? (aspect du rapport entre nature et culture)


1 - Pourquoi une abeille ne travaille pas ? Le travail est une activité culturelle.


Il est vrai qu’une abeille construit sa ruche ce qui nécessite des formes d’opération de transformations qui rappellent les techniques de constructions humaines. De même il y a une répartition des tâches au sein de la ruche qui rappelle la répartition des tâches au sein d’une entreprise. Cependant une abeille agit déterminée par un instinct qui est le fruit d’un processus évolutif biologique. Quand un ouvrier humain agit pour produire une maison ou des objets manufacturés comme Marx le remarque il utilise des plans qui peuvent varier. L’homme travaille et use de techniques car il est capable de penser virtuellement ses actions avant de les mettre en œuvre. Le travail qui suppose des techniques est donc une activité caractérisant un être de culture.


2 - Y a-t-il des sociétés humaines sans travail ?


Cependant si on peut dire qu’un être qui travaille est un être de culture et non plus seulement un être de nature, peut-on affirmer que là où il y a de la culture, il y a systématiquement du travail ? Ne parle-t-on pas parfois de société sans travail ? Certaines tribus d’Amazonie avant qu’elles ne rencontrent des cultures occidentalisées ne vivaient-elles pas sans travail ? Certes pendant 2 ou 3 heures chacun assure la subsistance du groupe mais cela représente-il un travail ? D’un point de vue on pourrait répondre non car si on suit les marxistes le travail vise entre autre à faire évoluer la technique et à devenir le maître et possesseur de la nature. A vrai dire ces tribus qui n’ont pas fait le saut propre à l’âge néolithique n’ont pas de velléités à transformer la nature. Leurs techniques sont liées à une vie en osmose avec la nature telle qu’elle se donne et non à un désir de l’aménager, de la cultiver. Si le plan est le critère déterminant pour définir une activité comme un travail alors on travaille dans ces tribus mais si on insiste sur la transformation de la nature et sur le progrès alors on ne travaille pas vraiment dans ces tribus.
L’interprétation de la Bible pose un dilemme du même ordre. Adam et Eve travaillaient-ils au paradis oui ou non ? Le travail est-il simplement le châtiment de devoir transformer la nature pour gagner sa vie ? Si on pense que Adam et Eve réfléchissaient au paradis pour se nourrir eux et leur famille même si tout était à leur disposition alors déjà ils travaillaient. La malédiction divine concerne alors seulement la pénibilité du travail et la nécessité de transformer une nature devenue ingrate. Ce mythe rend compte des changements de nature du travail entre un groupe humain vivant dans une jungle équatoriale ou tropicale luxuriante et un groupe humain confronté à des saisons plus ou moins difficiles.


3 - L’homme dépassera son animalité quand il ne devra plus travailler pour vivre.



Nos progrès technoscientifiques s’ils caractérisent au plus haut point le travail humain peuvent nous libérer de la malédiction de la pénibilité du travail.
L’homme contrairement à l’animal ressent la pénibilité d’une tâche qui doit toujours être recommencée dès lors qu’on en connaît toutes les exigences et qu’on a les techniques pour l’accomplir. A vrai dire l’intelligence humaine est frustrée par la répétition d’une tâche où elle ne peut guère progresser mais seulement s’appliquer.
Nous pourrions maintenant nous libérer de toutes ces tâches répétitives car nous sommes capables de construire des machines motorisées avec des circuits intégrés les rendant capables d’une intelligence condamnée à la répétition. Nous pouvons maintenant dépasser l’animalité en formant des sociétés où enfin personne n’aurait plus à travailler pour gagner sa vie. Cette révolution sociale et technoscientifique est aujourd’hui possible, nous pouvons établir l’idée d’un Revenu Minimum d’Existence pour tous et réduire le travail nécessaire et obligatoire à notre survie à un minimum.


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On peut consulter en cliquant ici une leçon beaucoup plus détaillée sur la notion de travail.


Débat n°2 : Le travail nous libère-t-il ou faut-il s’en libérer ?


1 - La dialectique du maître et de l’esclave.



a - l’argumentation de Hegel.


Pour Hegel, il y a des conflits entre esprits humains et au sein de l’esprit humain pour la reconnaissance. Tel homme veut être reconnu plus que tel autre : car être reconnu revient à vouloir que l’autre désire ce que nous désirons qu’il désire. Il y a alors des luttes à mort pour la reconnaissance. Celui qui est prêt à donner sa vie dans ce but l’emporte souvent et l’autre n’a plus qu’à se soumettre à devenir l’esclave. Évidemment le désir de se libérer du travail de subsistance induit que l’autre fasse le travail afin se subvenir à nos besoins et de nous assurer le confort. Le travail dans cette optique de la dialectique du maître et de l’esclave est donc toujours une aliénation négative où l’un se donne à l’autre car il a préférer survivre qu’obtenir la reconnaissance par la lutte à mort.
Mais le travail de l’esclave peu à peu rend le maître dépendant. Le maître pourrait se débarrasser de son esclave mais le travail de son esclave ne disparaîtrait pas. L’esclave a trouvé un moyen de reconnaissance qui transcende sa disparition en tant qu’individu : l’œuvre. Le maître est encore plus dépendant de l’œuvre de son esclave que de son esclave lui-même.
Le maître est donc gagner par le processus de reconnaissance par le travail et l’œuvre qu’a développé l’esclave. Ils entrent alors dans une relation d’égalité.


b - débat sur son interprétation historique.


Le propos de Hegel a une valeur historique. Dans l’antiquité gréco-romaine se sont développées des sociétés esclavagistes et à vrai dire, sous des modes plus ou moins variés, elles se sont perpétuées en occident jusqu’à la fin du 19e siècle.
Ainsi le travail a longtemps été une activité d’esclave. La guerre, la politique, le sport, la pensée ou la recherche spirituelle étaient des activités nobles. Certains pensent que le mot travail vient du mot latin tripalium qui désigne un instrument de torture ou un joug, un système qui s’adapte autour du cou, des épaules voir sur la tête pour qu’un homme porte des charges très lourdes. On voit que Hegel dans sa dialectique du maître et de l’esclave ne procède pas tout à fait à une distinction semblable en terme d’activités. L’œuvre est ainsi rapproché du travail selon Hegel alors que l’antiquité les a opposés comme Hannah Arendt le montre dans La condition de l’homme moderne.
Cependant Hegel rend compte du fait que historiquement le travail est devenu une valeur de l’élite sociale et que précisément au moment où les élites ont valorisé le travail, la valeur de l’égale dignité de tout homme a eu de plus en plus d’écho. Il suffirait de réaménager la dialectique du maître et de l’esclave en incluant un conflit sur la valeur de certaines activités par rapport à d’autres pour vraiment donner raison à Hegel.


c - sa valeur psychologique.


Toutefois il serait réducteur d’interpréter la dialectique du maître et de l’esclave d’un seul point de vue historique, elle a du point de vue même de Hegel une valeur psychologique prise dans le sens d’une phénoménologie (l’étude des processus des phénomènes) de l’esprit humain. Nous sommes chaque individu le maître et l’esclave.
Nous pensons que la partie la plus noble de nous-même est celle qui est capable de vaincre la peur de la mort. Ce sont des valeurs guerrières qui en nous figurent à nos propres yeux ce qui doit mener notre esprit pour être satisfait de soi. L’enfant comme Henri Wallon l’a montré passe par une période où il dit « Non ! » pour se sentir reconnu même si en lui d’autres éléments lui feront dire « Oui. » peu après. Mais à long terme, c’est par le travail et nos œuvres que nous assurons à notre propres yeux une auto-satisfaction. La dialectique de la reconnaissance est donc un conflit interne entre notre dimension guerrière paresseuse et notre dimension travailleuse plus humble. Mais au final nous avons besoin de ces deux pôles pour vraiment unir travail et reconnaissance devenue légitime.
L’œuvre pour vraiment se constituer doit faire appel à des valeurs guerrières.


2 - Pour un travail créateur (l’œuvre) ; contre le travail au service de la consommation.



a - La malédiction du travail dans l’antiquité.


Hegel nous donne bien à voir la dévalorisation de certaines activités jugées dignes d’un esclave et Hannah Arendt nous a bien montré que certaines activités sont jugées nobles et vraiment dignes d’un homme libre. Mais la synthèse que Hegel nous propose manque peut-être la pénibilité inhérente aux tâches d’esclave. Ce que perçoit sans doute mieux Hannah Arendt. Un travail digne d’un être humain est celui qui permet de faire œuvre plutôt que celui qui permet simplement de subsister. Le travail chez Hegel libère du conflit de la reconnaissance mais il faudrait se libérer du travail pénible car indigne de notre conscience humaine et de ses possibilités.


b - La révolution technoscientifique, crise écologique et nécessité d’un travail créateur.


i - Le robot et le Revenu Minimum d’Existence.


La technoscience dessine cette solution. Nous sommes en mesure d’avoir des machines motorisées assez intelligentes pour accomplir les tâches pénibles. Mais il faudra se battre pour ce faire car le travail est encore aujourd’hui socialement le moyen de gagner le droit de consommer à travers un salaire. Les gens pour avoir ce salaire seraient prêt parfois à lutter contre robotisation : il faut donc que cette robotisation dégage une richesse partagée. Pour vraiment mettre fin à la pénibilité du travail, il nous faut donc défendre un principe de justice où l’enrichissement du plus riche doit impliquer un enrichissement du plus pauvre. Un Revenu Minimum d’Existence serait un moyen de vraiment lutter contre la pénibilité du travail : on ne travaillerait vraiment que pour des tâches digne de ce nom sans la contrainte de subsister. En Chine les ouvriers qui gagnent quelques euros par jour entraînent chez nous l’appauvrissement des ouvriers et ne font que justifier l’injustice de la répartition des richesses. Ces ouvriers chinois voyant leur salaire augmenté subissent désormais la concurrence d’autres mains d’œuvres plus corvéables. Le jour où tous les ouvriers gagneront plus, leur patron robotiseront les usines et dès lors la question que nous soulevons sera évidente pour tout le monde. Politiquement il serait temps qu’un parti politique internationaliste la prenne vraiment en charge...


ii - Crise écologique et travail créateur.


Mais n’y a-t-il pas aujourd’hui pour notre économie un problème d’énergie et de matières premières qui met en danger semble-t-il notre conception basé sur le progrès technologique ? Mais réfléchissons : face à la rareté des matières premières et aux pollutions que génère notre économie, il faudrait enfin fabriquer des autos, des frigidaires, des téléviseurs, etc. qui durent. Or cette durabilité des produits entraîne elle aussi moins de travail pénible car répétitif jusqu’à l’abrutissement et davantage de travail créatif. 


3 - Le travail comme évolution spirituelle consciente de la conscience.



Au fond dans une discussion sur la libération et le travail met en jeu l’évolution de la conscience humaine. Emmanuel Mounier disait que le travail travaille autant à faire un homme qu’une chose. Certes encore faut-il que le travail ne soit pas une aliénation de la dignité humaine. Nous avons peut-être supprimé l’esclavage mais celui dont les conditions de travail se dégrade en même temps que son pouvoir d’achat n’a-t-il pas le sentiment d’être exploité dès lors qu’il constate un enrichissement dont il ne bénéficie pas ?
Le travail n’a-t-il donc de valeur spirituelle que s’il est vraiment libérateur de conscience créatrice. Le travail lié à un service a une valeur spirituelle même s’il s’agit d’une tâche moins créatrice qu’une autre en apparence. Mais un travail de service qui sert de valet à l’injustice est tout sauf libérateur, il se rend complice à travers le service qu’il rend. Aujourd’hui en plein développement de notre secteur tertiaire la question est de poids. L’aide soignante dans un hôpital a des tâches en apparence peu créatrice mais au moins elle est sure de concourir au bien être des malades. Un caissier dans une banque aura beaucoup moins cette certitude aujourd’hui...
Une fois acquise la certitude de la valeur du service qu’il rend, un chercheur spirituel peut découvrir une évolution de la conscience possible derrière une tâche en apparence peu créatrice dans l’immédiat. Premièrement, il peut en effet découvrir que ce n’est pas lui qui effectue cette tâche : sa pensée parasite le fait de balayer que son corps effectue de lui-même une fois la technique apprise. A vrai dire même un créateur découvre qu’il ne pense pas mais que dans une certaine disposition d’esprit vient une certaine pensée et certains gestes créateurs.
Deuxièmement, il peut découvrir aussi qu’il peut sacrifier tout désir de reconnaissance inhérent à son travail car la conscience qui se découvre à travers la perfection de sa tâche montre comme une intelligence cosmique ou transcendante qui seule importe. D’ailleurs un grand créateur sait que seulement les générations à venir trouveront dans leur œuvre de quoi nourrir leur propre conscience car le grand créateur en créant a ressenti cette conscience plus évoluée. Celui qui fait un travail réduit à un service peut aussi ressentir cela quand il apprend à se déposséder de son effort. Quand il travaillera sans sentiment d’effort autre que corporel, il ressentira une conscience plus large que sa conscience égocentrique, il se sentira comme un instrument entre les mains de cette conscience plus large.

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