On peut consulter en cliquant ici une leçon beaucoup plus détaillée sur la notion de travail.
Débat n°1 : En quoi le travail différencie l’homme de l’animal ? (aspect du rapport entre nature et culture)
1 - Pourquoi une abeille ne travaille pas ? Le travail est une activité culturelle.
Il est vrai qu’une abeille construit sa ruche ce qui nécessite des
formes d’opération de transformations qui rappellent les techniques de
constructions humaines. De même il y a une répartition des tâches au
sein de la ruche qui rappelle la répartition des tâches au sein d’une
entreprise. Cependant une abeille agit déterminée par un instinct qui
est le fruit d’un processus évolutif biologique. Quand un ouvrier humain
agit pour produire une maison ou des objets manufacturés comme Marx le
remarque il utilise des plans qui peuvent varier. L’homme travaille et
use de techniques car il est capable de penser virtuellement ses actions
avant de les mettre en œuvre. Le travail qui suppose des techniques est
donc une activité caractérisant un être de culture.
2 - Y a-t-il des sociétés humaines sans travail ?
Cependant si on peut dire qu’un être qui travaille est un être de
culture et non plus seulement un être de nature, peut-on affirmer que là
où il y a de la culture, il y a systématiquement du travail ? Ne
parle-t-on pas parfois de société sans travail ? Certaines tribus
d’Amazonie avant qu’elles ne rencontrent des cultures occidentalisées ne
vivaient-elles pas sans travail ? Certes pendant 2 ou 3 heures chacun
assure la subsistance du groupe mais cela représente-il un travail ?
D’un point de vue on pourrait répondre non car si on suit les marxistes
le travail vise entre autre à faire évoluer la technique et à devenir le
maître et possesseur de la nature. A vrai dire ces tribus qui n’ont pas
fait le saut propre à l’âge néolithique n’ont pas de velléités à
transformer la nature. Leurs techniques sont liées à une vie en osmose
avec la nature telle qu’elle se donne et non à un désir de l’aménager,
de la cultiver. Si le plan est le critère déterminant pour définir une
activité comme un travail alors on travaille dans ces tribus mais si on
insiste sur la transformation de la nature et sur le progrès alors on ne
travaille pas vraiment dans ces tribus.
L’interprétation de la Bible pose un dilemme du même ordre. Adam et
Eve travaillaient-ils au paradis oui ou non ? Le travail est-il
simplement le châtiment de devoir transformer la nature pour gagner sa
vie ? Si on pense que Adam et Eve réfléchissaient au paradis pour se
nourrir eux et leur famille même si tout était à leur disposition alors
déjà ils travaillaient. La malédiction divine concerne alors seulement la
pénibilité du travail et la nécessité de transformer une nature devenue
ingrate. Ce mythe rend compte des changements de nature du travail entre
un groupe humain vivant dans une jungle équatoriale ou tropicale
luxuriante et un groupe humain confronté à des saisons plus ou moins
difficiles.
3 - L’homme dépassera son animalité quand il ne devra plus travailler pour vivre.
Nos progrès technoscientifiques s’ils caractérisent au plus haut
point le travail humain peuvent nous libérer de la malédiction de la
pénibilité du travail.
L’homme contrairement à l’animal ressent la pénibilité d’une tâche
qui doit toujours être recommencée dès lors qu’on en connaît toutes les
exigences et qu’on a les techniques pour l’accomplir. A vrai dire
l’intelligence humaine est frustrée par la répétition d’une tâche où
elle ne peut guère progresser mais seulement s’appliquer.
Nous pourrions maintenant nous libérer de toutes ces tâches
répétitives car nous sommes capables de construire des machines
motorisées avec des circuits intégrés les rendant capables d’une
intelligence condamnée à la répétition. Nous pouvons maintenant dépasser
l’animalité en formant des sociétés où enfin personne n’aurait plus à
travailler pour gagner sa vie. Cette révolution sociale et
technoscientifique est aujourd’hui possible, nous pouvons établir l’idée
d’un Revenu Minimum d’Existence pour tous et réduire le travail
nécessaire et obligatoire à notre survie à un minimum.
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On peut consulter en cliquant ici une leçon beaucoup plus détaillée sur la notion de travail.
Débat n°2 : Le travail nous libère-t-il ou faut-il s’en libérer ?
1 - La dialectique du maître et de l’esclave.
a - l’argumentation de Hegel.
Pour Hegel, il y a des conflits entre esprits humains et au sein de
l’esprit humain pour la reconnaissance. Tel homme veut être reconnu plus
que tel autre : car être reconnu revient à vouloir que l’autre désire
ce que nous désirons qu’il désire. Il y a alors des luttes à mort pour
la reconnaissance. Celui qui est prêt à donner sa vie dans ce but
l’emporte souvent et l’autre n’a plus qu’à se soumettre à devenir
l’esclave. Évidemment le désir de se libérer du travail de subsistance
induit que l’autre fasse le travail afin se subvenir à nos besoins et de
nous assurer le confort. Le travail dans cette optique de la
dialectique du maître et de l’esclave est donc toujours une aliénation
négative où l’un se donne à l’autre car il a préférer survivre
qu’obtenir la reconnaissance par la lutte à mort.
Mais le travail de l’esclave peu à peu rend le maître dépendant. Le
maître pourrait se débarrasser de son esclave mais le travail de son
esclave ne disparaîtrait pas. L’esclave a trouvé un moyen de
reconnaissance qui transcende sa disparition en tant qu’individu :
l’œuvre. Le maître est encore plus dépendant de l’œuvre de son esclave
que de son esclave lui-même.
Le maître est donc gagner par le processus de reconnaissance par le
travail et l’œuvre qu’a développé l’esclave. Ils entrent alors dans une
relation d’égalité.
b - débat sur son interprétation historique.
Le propos de Hegel a une valeur historique. Dans l’antiquité
gréco-romaine se sont développées des sociétés esclavagistes et à vrai
dire, sous des modes plus ou moins variés, elles se sont perpétuées en
occident jusqu’à la fin du 19e siècle.
Ainsi le travail a longtemps été une activité d’esclave. La guerre,
la politique, le sport, la pensée ou la recherche spirituelle étaient
des activités nobles. Certains pensent que le mot travail vient du mot
latin tripalium qui désigne un instrument de torture ou un joug,
un système qui s’adapte autour du cou, des épaules voir sur la tête pour
qu’un homme porte des charges très lourdes. On voit que Hegel dans sa
dialectique du maître et de l’esclave ne procède pas tout à fait à une
distinction semblable en terme d’activités. L’œuvre est ainsi rapproché
du travail selon Hegel alors que l’antiquité les a opposés comme Hannah
Arendt le montre dans La condition de l’homme moderne.
Cependant Hegel rend compte du fait que historiquement le travail est
devenu une valeur de l’élite sociale et que précisément au moment où
les élites ont valorisé le travail, la valeur de l’égale dignité de tout
homme a eu de plus en plus d’écho. Il suffirait de réaménager la
dialectique du maître et de l’esclave en incluant un conflit sur la
valeur de certaines activités par rapport à d’autres pour vraiment
donner raison à Hegel.
c - sa valeur psychologique.
Toutefois il serait réducteur d’interpréter la dialectique du maître
et de l’esclave d’un seul point de vue historique, elle a du point de
vue même de Hegel une valeur psychologique prise dans le sens d’une
phénoménologie (l’étude des processus des phénomènes) de l’esprit
humain. Nous sommes chaque individu le maître et l’esclave.
Nous pensons que la partie la plus noble de nous-même est celle qui
est capable de vaincre la peur de la mort. Ce sont des valeurs
guerrières qui en nous figurent à nos propres yeux ce qui doit mener
notre esprit pour être satisfait de soi. L’enfant comme Henri Wallon l’a
montré passe par une période où il dit « Non ! » pour se sentir reconnu
même si en lui d’autres éléments lui feront dire « Oui. » peu après.
Mais à long terme, c’est par le travail et nos œuvres que nous assurons à
notre propres yeux une auto-satisfaction. La dialectique de la
reconnaissance est donc un conflit interne entre notre dimension
guerrière paresseuse et notre dimension travailleuse plus humble. Mais
au final nous avons besoin de ces deux pôles pour vraiment unir travail
et reconnaissance devenue légitime.
L’œuvre pour vraiment se constituer doit faire appel à des valeurs guerrières.
2 - Pour un travail créateur (l’œuvre) ; contre le travail au service de la consommation.
a - La malédiction du travail dans l’antiquité.
Hegel nous donne bien à voir la dévalorisation de certaines activités
jugées dignes d’un esclave et Hannah Arendt nous a bien montré que
certaines activités sont jugées nobles et vraiment dignes d’un homme
libre. Mais la synthèse que Hegel nous propose manque peut-être la
pénibilité inhérente aux tâches d’esclave. Ce que perçoit sans doute
mieux Hannah Arendt. Un travail digne d’un être humain est celui qui
permet de faire œuvre plutôt que celui qui permet simplement de
subsister. Le travail chez Hegel libère du conflit de la reconnaissance
mais il faudrait se libérer du travail pénible car indigne de notre
conscience humaine et de ses possibilités.
b - La révolution technoscientifique, crise écologique et nécessité d’un travail créateur.
i - Le robot et le Revenu Minimum d’Existence.
La technoscience dessine cette solution. Nous sommes en mesure
d’avoir des machines motorisées assez intelligentes pour accomplir les
tâches pénibles. Mais il faudra se battre pour ce faire car le travail
est encore aujourd’hui socialement le moyen de gagner le droit de
consommer à travers un salaire. Les gens pour avoir ce salaire seraient
prêt parfois à lutter contre robotisation : il faut donc que cette
robotisation dégage une richesse partagée. Pour vraiment mettre fin à la
pénibilité du travail, il nous faut donc défendre un principe de
justice où l’enrichissement du plus riche doit impliquer un
enrichissement du plus pauvre. Un Revenu Minimum d’Existence serait un
moyen de vraiment lutter contre la pénibilité du travail : on ne
travaillerait vraiment que pour des tâches digne de ce nom sans la
contrainte de subsister. En Chine les ouvriers qui gagnent quelques
euros par jour entraînent chez nous l’appauvrissement des ouvriers et ne
font que justifier l’injustice de la répartition des richesses. Ces
ouvriers chinois voyant leur salaire augmenté subissent désormais la
concurrence d’autres mains d’œuvres plus corvéables. Le jour où tous les
ouvriers gagneront plus, leur patron robotiseront les usines et dès
lors la question que nous soulevons sera évidente pour tout le monde.
Politiquement il serait temps qu’un parti politique internationaliste la
prenne vraiment en charge...
ii - Crise écologique et travail créateur.
Mais n’y a-t-il pas aujourd’hui pour notre économie un problème
d’énergie et de matières premières qui met en danger semble-t-il notre
conception basé sur le progrès technologique ? Mais réfléchissons :
face à la rareté des matières premières et aux pollutions que génère
notre économie, il faudrait enfin fabriquer des autos, des frigidaires,
des téléviseurs, etc. qui durent. Or cette durabilité des produits
entraîne elle aussi moins de travail pénible car répétitif jusqu’à
l’abrutissement et davantage de travail créatif.
Ainsi nous rejoignons des penseurs politiques comme André Gorz qui avait pressenti le lien entre le problème de la justice sociale, du travail et de l’écologie.
3 - Le travail comme évolution spirituelle consciente de la conscience.
Au fond dans une discussion sur la libération et le travail met en
jeu l’évolution de la conscience humaine. Emmanuel Mounier disait que le
travail travaille autant à faire un homme qu’une chose. Certes encore
faut-il que le travail ne soit pas une aliénation de la dignité humaine.
Nous avons peut-être supprimé l’esclavage mais celui dont les
conditions de travail se dégrade en même temps que son pouvoir d’achat
n’a-t-il pas le sentiment d’être exploité dès lors qu’il constate un
enrichissement dont il ne bénéficie pas ?
Le travail n’a-t-il donc de valeur spirituelle que s’il est vraiment
libérateur de conscience créatrice. Le travail lié à un service a une
valeur spirituelle même s’il s’agit d’une tâche moins créatrice qu’une
autre en apparence. Mais un travail de service qui sert de valet à
l’injustice est tout sauf libérateur, il se rend complice à travers le
service qu’il rend. Aujourd’hui en plein développement de notre secteur
tertiaire la question est de poids. L’aide soignante dans un hôpital a
des tâches en apparence peu créatrice mais au moins elle est sure de
concourir au bien être des malades. Un caissier dans une banque aura
beaucoup moins cette certitude aujourd’hui...
Une fois acquise la certitude de la valeur du service qu’il rend, un
chercheur spirituel peut découvrir une évolution de la conscience
possible derrière une tâche en apparence peu créatrice dans l’immédiat.
Premièrement, il peut en effet découvrir que ce n’est pas lui qui
effectue cette tâche : sa pensée parasite le fait de balayer que son
corps effectue de lui-même une fois la technique apprise. A vrai dire
même un créateur découvre qu’il ne pense pas mais que dans une certaine
disposition d’esprit vient une certaine pensée et certains gestes
créateurs.
Deuxièmement, il peut découvrir aussi qu’il peut sacrifier tout désir de
reconnaissance inhérent à son travail car la conscience qui se découvre
à travers la perfection de sa tâche montre comme une intelligence
cosmique ou transcendante qui seule importe. D’ailleurs un grand
créateur sait que seulement les générations à venir trouveront dans leur
œuvre de quoi nourrir leur propre conscience car le grand créateur en
créant a ressenti cette conscience plus évoluée. Celui qui fait un
travail réduit à un service peut aussi ressentir cela quand il apprend à
se déposséder de son effort. Quand il travaillera sans sentiment
d’effort autre que corporel, il ressentira une conscience plus large que
sa conscience égocentrique, il se sentira comme un instrument entre les
mains de cette conscience plus large.
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