MÉTHODES DE LA DISSERTATION : EXEMPLE, EXERCICE.
I. EXEMPLE DE DISSERTATION REDIGEE
Voici un exemple rédigé de dissertation qui vous montrera les articulations ici signalées entre crochets à respecter dans sa rédaction.
Le sujet de cette dissertation est : « Y a-t-il des opinions intolérables ? »
[motivation ou exemple introduisant le sujet] Il est courant de voir des propagateurs de la xénophobie accuser les autres d’intolérance. Se demander :[citation littérale du sujet] « Y a-t-il des opinions intolérables ? » nous met devant un dilemme. [exposé de la problématique] En déclarant qu’il y de l’intolérable, est-ce que nous ne sommes pas intolérant ? Mais si nous laissons toutes les opinions s’exprimer, celles qui défendent la mise en œuvre d’une société intolérante ne risquent-elles pas de l’emporter ? Ceci est le paradoxe de la tolérance pointé par K. Popper. Mais on peut se demandant aussi si toute opinion parce qu’elle est avant tout une conviction, n’est pas porteuse d’intolérance pour ce qui la met en cause. Enfin, du point de vue de quelqu’un qui posséderait la vérité sur un sujet, toute opinion à ce sujet ne serait-elle pas intolérable dans la mesure où la conviction propre à l’opinion s’oppose aux critères de validités rationnels propres à la vérité ? Mais alors ne serait-ce pas la vérité de l’intolérance contre celle propre aux convictions de l’opinion ? [annonce du plan]Nous devrons nous demander dans un premier temps si la vérité ne rend pas toute opinion intolérable puisque toute opinion refuse de se soumettre à des critères de validité ? Dans un deuxième temps, si la vérité n’implique pas l’intolérance, quel rapport sain envisager entre les convictions de l’opinion et les critères de validité de la vérité ? Enfin si on laisse un espace libre où toute opinion peut se dire, jusqu’où tolérer les opinions défendant l’intolérance ?
[argument 1 de la première partie ] Un scientifique sait que certaines opinions ne résistent pas aux critères de validité expérimentaux. Même si toute vérité scientifique est provisoire, il n’en reste pas moins que certaines opinions sont fausses. Par exemple croire et affirmer que l’humanité est apparue en 6 jours est scientifiquement faux. La vérité scientifique ne tolère pas l’ignorance.
[argument 2 de la première partie] Nous parlons ici de vérité objective mais les règles de conduite produites dans notre esprit, nos valorisations sont aussi liées à des critères de validité. Il y a par exemple peu d’authenticité de notre part à vivre nos expériences centré sur nous-même alors que nous condamnons l’égocentrisme. La racine de notre égoïsme ne subsistera-t-elle pas tant que nous vivrons en personnalisant notre expérience ? Ceux qui s’approchent de cette vérité, peuvent-ils supporter les opinions qui font la promotion du narcissisme, c’est-à-dire d’une attitude où tout est centré sur soi, sa famille, son clan, son pays, sa religion ?
[transition critique introduisant la deuxième partie] La vérité sait que l’opinion nie l’expérimentation ou la réalisation intérieure de ce qui est authentique. Seule la vérité est tolérable dans l’esprit de celui qui se libère des opinions toutes égocentriques mais cette intolérance vis-à-vis de toute opinion doit-elle entraîner l’intolérance vis-à-vis des personnes qui restent inauthentiquement attachées à leurs opinions égocentriques ?
[argument 1 de la deuxième partie]
Tolérer n’est pas forcément encourager mais laisser être. Le primate
qui s’est mis à penser pour la première fois a-t-il méprisé ses
congénères incapables d’accomplir la même opération ? Non, il était tout
simplement d’une autre espèce, mieux doté pour vivre. Celui qui est
plus conscient regarde avec tristesse voire avec compassion ceux qui le
sont moins. Il supporte le poids d’une ignorance où lui-même se tenait
précédemment.[argument 2 de la deuxième partie] Il
laisse les autres être ce qu’ils sont tant qu’ils lui permettent
d’exister. Une opinion intolérante est tolérable en droit tant qu’elle
ne produit pas l’intolérance en fait. « Tout peut se dire », comme le
dit Raoul Vaneigem (philosophe belge contemporain) mais bien sûr pas se
faire.
[transition critique introduisant la troisième partie] Mais n’y a-t-il pas un impensé ? Une insulte n’est pas seulement une parole mais aussi un acte. La parole peut agir et faire agir. Tolérer le discours xénophobe ne risque t-il de nous en faire les complices ?
[transition critique introduisant la troisième partie] Mais n’y a-t-il pas un impensé ? Une insulte n’est pas seulement une parole mais aussi un acte. La parole peut agir et faire agir. Tolérer le discours xénophobe ne risque t-il de nous en faire les complices ?
[argument 1 de la troisième partie]
Comme le souligne Comte Sponville la tolérance est une vertu non un
droit. Le xénophobe n’a pas à exiger qu’on le tolère, on tolère déjà son
existence et son inauthenticité. La vertu de tolérance doit avoir en
vue le droit à la liberté d’expression. La Tolérance doit servir la
liberté de conscience même si celle-ci se trompe comme le souligne
Voltaire. Ainsi si des actes et des paroles menacent ces droits, nous
devons y être intolérant.[argument 2 de la troisième partie] La nécessité de faire des lois pour limiter les agissements de ceux qui la menacent traduit notre fragilité politique. [argument 3 de la troisième partie]Faire
des lois cependant ne suffit pas, il faut que nous œuvrions à une
mentalité plus authentique et donc moins centrée sur ses intérêts
individuels. Les intolérants recrutent parmi les laissés pour compte de
notre sociétés.
[conclusion de la dissertation] Pour la vérité, toute opinion est finalement égocentrique et donc seulement tolérable comme on tolère avec compassion notre ignorance passée. La vérité pour exister a aussi besoin d’un espace où elle est tolérée. Elle trouve dans la défense de la liberté d’expression et de la liberté de conscience la parfaite défense de son droit à être et le sens profond de sa vertu de tolérance. [facultatif : ouverture à un nouvel enjeu par une question mais qui ne montre pas qu’on a omis de traiter un aspect essentiel du sujet] Reste maintenant à se demander plus précisément ce qu’est la vérité.
2- Remarques sur le traitement du sujet
• Pour passer de la problématisation à la rédaction de l’introduction, la méthode de la contradiction problématique a été privilégiée. Comme vous l’avez remarqué l’analyse problématique du terme « opinion » auquel on a opposé l’antonyme « vérité » nous a permis d’élaborer une seconde contradiction problématique. Le plan découle naturellement de la problématique.
• A propos du développement Il est évident que la connaissance d’arguments philosophiques empruntés à un cours, à des auteurs est nécessaire. Le repère philosophique « en fait/en droit » est ici par exemple d’un usage capital.
• A propos de l’ouverture Elle est facultative car souvent elle trahit le fait qu’un aspect essentiel du sujet n’a pas été traité.
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II. EXERCICES
1- Exercices sur les arguments
Vous pouvez forger vos propres arguments mais savez-vous repérer la force d’un argument ?Voici un exercice pour faire le point. Classez les
arguments suivants de la force argumentative la plus faible à la plus
forte : [1]- Ce qui est rare se paie cher, or l’amour est rare, donc
l’amour se paie cher. [2]- Si chacun cherche son intérêt, il enrichira
les autres pour s’enrichir encore plus. [3]- Socrate est un homme or les
hommes sont mortels donc Socrate l’est. [4]- D’après le philosophe
Kant, nous sommes libres. [5]- « La Beauté sauvera le monde » car
l’émerveillement ouvre l’esprit.
2- Exercice pour éviter le plan « oui », « non », « peut-être », etc.
3- Exercices pour ne pas admettre de préjugés
a) Dans les sujets suivants repérer au moins un préjugé : [1]- La vie donne t-elle aux plus forts le droit d’exploiter les plus faibles ? [2]- Le progrès doit-il nous faire perdre le souvenir du passé ? [3]- L’économie en produisant la richesse génère-t-elle le bonheur ? [4]- Faut-il accepter son destin ? b) Repérer le préjugé du sujet suivant et proposer une idée de transition vers un traitement plus subtil : « Peut-on connaître les lois de la nature ? »4- Exercices sur les contradictions problématiques
a) Pour chaque sujet de cette liste, proposez une contradiction problématique, montrez la vigueur des paradoxes pour les sujets où c’est possible : [1]- « Une guerre peut-elle être juste ? » ; [2]- « Y a-t-il des vérités inconscientes ? » ; [3]- « Un objet peut-il être à la fois beau et utile ? ».b) Le sujet « Peut-on rejeter la philosophie ? » masque une contradiction problématique : nous faire discourir philosophiquement sur le rejet d’un discours philosophique nous oblige à répondre que le rejet du discours philosophique est impossible. Partant de cette contradiction, proposez un paradoxe vivant qui donne une réponse au sujet ?
5- Exercice d’analyse problématique (l’usage d’un dictionnaire est conseillé !
Proposez une analyse problématique des sujets suivants puis un plan : [1]- Peut-on fonder le droit sur la nature ? ; [2]- La liberté a-t-elle une histoire ?6- Exercice sur l’usage simultané des techniques de problématisation
a) Les différentes techniques de problématisation. Les techniques vues précédemment ne fonctionnent peut-être pas sur tout sujet mais il faut les essayer. Essayez les techniques une à une sur le sujet : « Peut-on échapper au malheur ? ». b) Proposez à partir de là un plan. c) Rédigez une introduction problématique.++++
III. CORRIGES DES EXERCICES
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