I - INTRODUCTION PROBLÉMATIQUE.
Lorsque le chat botté rencontre l’ogre, il l’incite à prouver son
immense pouvoir de magicien et l’invite à se transformer en diverses
créatures. Une fois l’ogre transformé en souris, le chat botté le mange.
Ce conte montre en quoi l’idée de liberté absolue semble
auto-contradictoire : une liberté absolue si elle est absolue devrait
pouvoir s’incarner en une liberté finie or une fois cette incarnation
réussie, elle perdrait sa liberté absolue. Autrement dit, toute forme de
liberté n’est-elle pas par définition une forme de finitude ? L’idée de
liberté absolue a-t-elle un sens ?
Le paradoxe métaphysique de la liberté infinie et de la finitude peut
se décliner sur un plan éthique et moral. L’idéal de liberté infinie
n’est-il pas un idéal dangereux pour nous autres êtres humains qui
sommes caractérisés en tant qu’être par notre finitude ? Dans le domaine
technoscientifique cet idéal ne conduit-il pas à ignorer la finitude de
notre action et ne conduit-il pas à des catastrophes ? Les problèmes
écologiques contemporains ne sont pas seulement climatiques, le grand
public commence à peine à entrevoir les effets néfastes d’une
utilisation inconsidérée de la chimie. Dans le domaine politique,
vouloir incarner une liberté absolue ne revient-il pas toujours à
soumettre toutes les libertés individuelles à une seule ? Autrement dit
l’idée de liberté absolue n’est-elle pas la source même des tyrannies et
des dictatures en tout genre ?
Ne faudrait-il pas plutôt admettre que notre idée de la liberté
elle-même n’est qu’une illusion ? Comme Descartes nous avons
l’impression d’avoir une volonté infinie mais ne sommes-nous pas le
jouet de nos passions et donc de déterminations psychiques voire
matérielles ? La sagesse qui consisterait à reconnaître notre finitude
ne passerait-elle pas par la connaissance et l’acceptation de ce qui
nous détermine.
Mais l’idée de liberté absolue ne reprend-t-elle pas une légitimité
lorsque sur la voie de la sagesse nous entrons sur la voie d’une
évolution consciente de la conscience ? Le mal par excellence n’est-il
pas l’ignorance plus encore que la négation orgueilleuse de notre
finitude ? La confusion de l’ego et de la conscience s’estompe lorsqu’on
explore la conscience, est-il alors déraisonnable de s’identifier à
l’évolution d’une prise de conscience de l’univers lui-même au sein d’un
individu. Il devient alors possible de spéculer sur le paradoxe d’un
absolu qui s’incarne dans la finitude pour s’y retrouver. Dans cette
aventure où se chercherait une divinisation au sein de l’individu, la
question du mal ne nous contraint-elle pas de renoncer à l’idée de
liberté absolue entendue comme toute-puissance ?
Nous examinerons donc les dangers de la négation de la finitude de la
liberté humaine. Puis nous montrerons la sagesse d’accepter notre
finitude du point de vue global de la nature. Enfin nous spéculerons sur
la question du mal au miroir d’une liberté absolue.
II - LES DANGERS DE LA NÉGATION DE LA FINITUDE DE LA LIBERTÉ HUMAINE.
1. Les dangers de la souveraineté politique.
Face au caractère incontrôlable des autres, on peut rêver d’une
société ordonnée autour d’une seule volonté individuelle. L’idée de
souveraineté politique s’enracine selon Hannah Arendt dans cette idée
qu’il faut vaincre le caractère imprévisible des relations sociales et
politiques. L’homme politique est tenté par une action souveraine où
chaque individu sert le corps social uni dans une seule volonté. Mais
comme la constitution d’une volonté générale intégrant chaque volonté
individuelle semble utopique, il semble plus simple de soumettre toutes
les volontés individuelles à celle d’un seul. L’idéal de la souveraineté
expliquerait non seulement le fait de volontés nationales de plus en
plus égocentriquement conscientes mais aussi et surtout la tentation
dictatoriale des esprits nationalistes. La souveraineté politique est
donc la négation même des volontés individuelles dans leur droit à une
sphère privée. La souveraineté politique conduit toujours à nier les
droits de l’homme individuels.
La souveraineté politique comme idéal de liberté absolue a montré ses limites au XXe
siècle où une première guerre mondiale nationaliste a précédé une
seconde guerre mondiale impliquant des totalitarismes suivi d’une longue
période de guerre froide avec le totalitarisme communiste.
Par ailleurs notre XXe siècle
commençant connaît de plus en plus malheureusement les conséquences de
l’utopie technoscientifique qui rêvait d’une souveraineté de l’action
humaine sur la nature. Descartes dans son Discours de la méthode
assignait comme tâche à la science de rendre l’homme comme maître et
possesseur de la nature. Les problèmes climatiques qui défraient la
chronique sur les médias ne sont que la partie émergée de l’impasse du
rêve de souveraineté technoscientifique. On découvre que les ondes de
nos portables, de nos systèmes wifis, etc. ont des impacts sérieux sur
notre santé. On découvre que de nombreux produits chimiques qui sont
dans nos milieux de vie n’ont guère été contrôlés quant à leurs effets
sur le corps humain : colles, vernis, peintures, produits d’entretiens
ou de beauté semblent révéler de plus en plus une toxicité niée par ceux
qui les vendent. L’usage dans l’agriculture technoscientificisée de
nitrates en excès, de nombreux herbicides et pesticides commence à avoir
des effets néfastes sur la santé publique. S’agit-il seulement là
d’abus commerciaux ? Regardons bien les technologies qui nous sont
familières comme celles du train, de la voiture ou de l’ordinateur...
Toutes ces technologies connaissent des pannes, des usures, des
accidents parfois catastrophiques. En fait comme Dominique Bourg le note
très justement, l’homme commence à comprendre que le système de la vie
terrestre qui forme actuellement le milieu de vie propice à l’homme qui a
été décrit comme une biosphère n’est pas remplaçable par une
technosphère. L’homme ne peut pas gérer un système évolutif aussi
complexe avec des moyens technoscientifiques. Lorsque je me sers de mon
ordinateur, seule une partie de mon activité est gérée consciemment par
moi, l’équilibre informatique nécessaire à mon activité m’échappe pour
la majeure partie et mon système bogue fréquemment. Un être vivant même
s’il rencontre des formes d’agression est beaucoup moins fragile, son
ordonnancement qui n’est pas le fruit d’une conception mentale est bien
plus souple et adaptatif... Car là est ce que révèle la faillite de nos
technosciences et qui nous est si difficilement acceptable : le monde
n’est pas issue d’une conscience mentale comme la métaphysique qui a vu
naître la modernité technoscientifique n’a pas hésité à la croire avec
Descartes, Spinoza ou Leibniz... Faire le deuil d’une toute puissance
technoscientifique comme nous appelle à le faire les catastrophes
écologiques majeures qui s’annoncent revient simplement à accepter la
finitude inhérente à une conscience seulement mentale incapable de
connaître la réalité par identité.
3. L’infantilisme et la voie d’enfance.
Plus globalement la faillite technoscientifique et les horreurs de la
souveraineté politique d’un contre tous mettent en jeu l’infantilisme
de l’homme. L’enfant et malheureusement l’adulte ressemblent presque
toujours à des dieux tombés dans l’oubli des moyens de leur
toute-puissance alors qu’ils ont encore la pensée de leur
toute-puissance. Quand l’enfant se heurte à la table qu’il n’a pas vu,
parce qu’il a manqué d’attention, il ne manquera pas de s’adresser à la
table négativement et bien sûr un adulte très souvent appuiera sa
démarche en dénonçant la méchante table. Ceci est caractéristique de
l’infantilisme. Tout semble possible à celui qui s’ouvre au monde de la
pensée. Un animisme primaire induit la pensée magique que tout devrait
se produire comme nous le pensons et nous le désirons. Quelque chose en
nous nie la dureté du réel, sa solidité, son inertie. Il suffirait de le
vouloir mentalement pour le pouvoir.
A la rigueur l’illusion de la souveraineté scientifique porte en son
sein son propre correctif, elle valorise le savoir avant tout. Le désir
et l’imagination sont pour la métaphysique moderne le plus bas degré de
la connaissance voire ils symbolisent l’ignorance du vulgaire. Car
l’infantilisme revient à se soumettre à la tyrannie du désir. Ainsi un
spinoziste conséquent ne dira jamais à son enfant que la table sur
laquelle il vient de se heurter est méchante. Pour lui la nature n’a
aucune intention, aucune finalité morale et s’opposer ainsi à elle
revient à s’illusionner, à la subir au lieu de s’intégrer à sa libre
nécessité.
L’infantilisme à savoir le refus de ce qui s’oppose à nos désirs est
précisément le contraire de la voie d’enfance que de nombreux sages ont
appelé de leur vœu. L’infantilisme confond le fait de pouvoir suivre le
désir et la liberté absolue. Il est souvent incapable de prendre en
compte les démentis sociaux ou même circonstanciels. Notre société de
consommation en exaltant l’argent et l’image comme pouvoir de réaliser
ses désirs ne fait que répandre de plus en plus d’infantilismes. Et
frustré, il est source d’incivilité et de délinquance mais il génère
violences verbales, dérapages comportementaux y compris chez ceux qui
ont le pouvoir de l’argent et de l’image.
La voie d’enfance remarque chez l’enfant une vertu essentielle :
celui-ci accepte sans mal que sa conscience est encore ignorante et
qu’il a tout apprendre. Il est donc prêt à faire confiance aux adultes
qui en savent plus et ont une conscience plus élaborée que la sienne. Un
enfant est clairement inscrit dans une évolution consciente de la
conscience. Son attitude rappelle ce que les admirateurs de Socrate
appelleront une docte ignorance, une attitude perpétuellement ouverte à
l’apprentissage de celui qui sait qu’il ne sait rien encore. Mais
celle-ci s’engluera dans les sphères de la conscience mentale et son
infantilisme...
III - L’ACCEPTATION DE LA NECESSITE ET LA LIBERTE TOTALE D’AUTODETERMINATION DE LA NATURE.
1. Accepter la finitude de notre être : « Accepter ce qui est ici et maintenant ».
Les ambitions de liberté souveraine ou absolue sont des négations
malheureuses de notre finitude. Les sagesses de l’antiquité ou de
l’Advaïta Védanta nous invitent à renoncer à un contrôle à jamais
illusoire de la réalité par notre personne. Comme nous invite à le
constater Epictète, il y a à l’évidence ce qui dépend absolument de nous
et ce qui n’en dépend pas.
A vrai dire si notre santé mentale nous le permet, si notre ego est
assez fort, nos représentations mentales dépendent absolument de nous.
En effet ce que pense autrui nous échappe et même si nous sommes le
puissant dictateur qui puisse être nous n’aurons jamais la main mise sur
toutes les pensées. Mais notre corps lui-même échappe à notre vigilance
mentale car même si notre pensée s’appuie sur des technosciences sans
précédent, comme nous l’avons montré précédemment l’inconscience
matérielle se glissera et il y aura panne, accident et donc encore
triomphe de la mort.
Comme le remarquait justement Spinoza nous sommes tout sauf « un
empire dans un empire ». Nous ne sommes pas en dehors de la nature, nous
en sommes une simple partie qui subit toutes ses lois. Refuser les lois
de la nature et les phénomènes qu’elles génèrent revient juste à la
subir comme quelque chose de négatif. Dire non à une situation revient à
ne plus être en harmonie avec notre propre nature. Dire non à ce qui
est revient à développer une forme ou l’autre d’affection émotionnelle à
base de tristesse (pour Spinoza une baisse de notre puissance d’action
s’accompagne d’abord de tristesse), de haine (pour Kodo Sawaki avoir une
préférence, s’adonner au choix implique une émotion de haine)...
On verra là de la résignation. Non car pour agir lucidement pour agir
harmonieusement, il nous faut toujours accepter la situation avec sang
froid. Le médecin qui veut sauver son patient n’a pas le temps de
s’apitoyer sur le mal qui ronge la vie de son patient, il n’a pas le
temps de décrier la nature. Il cherche à la comprendre et dans cette
compréhension, elle lui révèle parfois comment agir pour le salut de son
patient.
Pour comprendre il ne faut pas juger émotionnellement. L’homme
attaché à son point de vue égocentrique dénoncera comme inintéressante
une vie dénuée d’émotion. En fait l’égocentrisme fondamental affectionne
le drame malgré ses dénégations. Il dramatise même ses succès qu’il
n’arrive pas à regarder simplement. Le dépassement de l’émotion
n’interdit pas une intelligence du cœur. La finesse du sentiment qui au
contraire sert une plus grande lucidité et compréhension. Une émotion
est égocentrique, tout devient relatif à sont point de vue égocentrique,
familial, ethnique, national, civilisationnel, anthropocentrique... Le
sentiment est ce qui émerge en lieu et place de l’émotion dans une
conscience de plus en plus universelle et cosmique.
2. La sagesse implique une prise de conscience individuelle d’une auto-détermination cosmique.
La sagesse consiste donc à élargir sa conscience limitée à une
conscience égocentrique jusqu’à un commencement de conscience cosmique.
La personnalité du sage n’est pas effacée mais elle devient l’expression
de plus en plus consciente du cosmos. Certaines sagesses bouddhistes
(le zen soto) ou védantistes (swami Prajnanpad et ses disciples)
lorsqu’elles affirment que l’homme est comme une vague qui a oubliée
qu’elle était aussi l’océan pointent une expérience très proche de celle
qu’ont en vue les stoïciens ou Spinoza.
Alors du point d’une telle conscience il n’y a plus le paradoxe d’une
liberté absolue qui se renierait en s’incarnant sous une forme finie. La
nature est liberté absolue de s’incarner en n’importe quelle forme
finie sans pour autant perdre sa liberté absolue. La multitude des êtres
et des comportements dit au fond l’absolue liberté de la conscience de
la nature. Dans la conscience du sage qui une expression individualisée
plus ou moins profonde de la nature il y a une émergence de la
conscience cosmique de la nature elle-même. Et dans le champ de
conscience du sage qui est une expression de la conscience de la nature
elle-même l’insecte, le fou, le criminel ou le disciple de la sagesse
sont le fait même de la liberté absolue de la nature. Ainsi lorsque
l’homme sur le chemin de la sagesse reconnaît combien il est le jouet
des forces de la nature, combien ce fait est harmonieux même si il
implique que sa personne n’a aucune liberté propre alors aussi paradoxal
que cela semble il se découvre comme une expression de la liberté
absolue de la nature qui en lui prend conscience d’elle-même. La sagesse
s’avère alors la conscience d’une auto-détermination de la nature par
l’entremise de la personne. Le sage incarne la liberté absolue de la
nature, son auto-détermination.
3. Contingence souveraine et indéterminisme scientifique.
Toutefois la liberté absolue dont il est question reste fort ambigüe.
La nature par exemple chez Spinoza est libre nécessité mais elle ne
peut modifier sa nécessité éternelle. Certes si la nature n’est pas
contrainte d’agir à cause d’une force extérieure à elle, elle est libre
en un sens. Mais que vaut une liberté qui nous permet que d’être que ce
qu’on est ? A vrai dire si on introduit une dose de hasard pour que la
nature puisse être autre qu’elle n’est, ne change-t-on pas alors de
vision du monde ? L’acceptation de ce qui est comme une nécessité ne
pourra plus être suffisante pour être pleinement en harmonie avec la
nature. Il faudra aussi apprendre à agir selon le jeu de la contingence
souveraine de la nature. La science de l’évolution des espèces qui met
en valeur un jeu de hasard et de nécessité ou bien la mécanique
quantique qui postule une forme d’indéterminisme propre à la nature
semble nous obliger à considérer ce point de vue. Devenir conscient du
jeu de la nécessité et de la contingence de la nature n’est-ce pas alors
devenir comme conscient de l’évolution de la conscience de la nature au
fil de ses individualisations. La liberté dont il est question est
alors une liberté créatrice. La contingence semble comme une
transcendance au sein de l’immanence de la nécessité.
A vrai dire celui qui se contentera de l’acceptation positive de ce
qui est risque de manquer la contingence et donc la dimension évolutive
de la nature voire inconsciemment il la refusera. Les sagesses antiques
et orientales ont ainsi souvent regarder le monde manifesté comme très
éloigné de la nature qui manifeste. Le temps et l’espace seront vus
comme des illusions qui empêchent de voir la réalité sous les espèces de
l’éternité.
La pensée spinoziste semble ne pas tomber dans une opposition de la
nature naturante, la nature qui manifeste et de la nature naturée, la
nature manifestée. Il semble aussi éviter une opposition du temps et de
l’éternité en esquissant ce que certains comme Raimon Panikkar nomme une
tempiternité, la découverte de l’éternité de l’instant. Cependant
Spinoza n’a-t-il pas intégré des valeurs judéo-chrétiennes à ses
conceptions philosophiques ? La linéarisation du temps à l’encontre d’un
temps cyclique, la recherche de la justice ne sont-elles pas des
valeurs judéo-chrétiennes reprises par Spinoza même si elles
apparaissent dans ses conceptions infiniment transformées ? Au fond les
penseurs allemands comme Schelling ou Hegel n’ont-ils pas simplement
continués le dialogue entre l’approche spinoziste, les valeurs
judéo-chrétiennes et ainsi n’ont-ils pas donné les premières ébauches
d’une philosophie de l’évolution consciente de conscience ?
IV - LIBERTE DIVINE ABSOLUE OU HUMILITE DIVINE DE LA DIVINISATION ?
1. Le mal conduit-il à renoncer spéculativement à une la divinité toute puissante ?
a. L’échec des Théodicées et des philosophies de l’histoire après Auschwitz est-il définitif ?
Les catastrophes totalitaires ont mis à mal les philosophies de
l’histoire modernes issues de Hegel. Mais elles ont aussi mis à mal
l’idée d’une nature toute puissante dont nous pourrions être
l’individualisation d’une évolution consciente de la conscience.
N’est-ce pas au fond l’échec massif d’un tel projet de la nature qui se
révèle à Auschwitz ? Auschwitz n’a pas vu seulement des innocents
disparaître condamnant définitivement la figure d’un dieu simultanément
aimant et tout-puissant.
Auschwitz infirme l’idée qu’une liberté absolue puisse avoir un sens :
Auschwitz a vu tant d’artistes, de penseurs et même de sages dont la vie
rayonnante fût gâchée pour l’humanité et donc apparemment pour une
conscience de la nature créatrice. Auschwitz ou plus tard Hiroshima sont
des figures de la destruction qui rendent donc infiniment fragile
l’idée que la nature soutient à travers l’homme une individualisation
d’une évolution consciente de la conscience. Toutefois Hans Jonas dans Le concept de Dieu après Auschwitz
nous donne peut-être une solution spéculative : Dieu ou la nature n’est
pas tout-puissant au niveau de la vie humaine car c’est là où son
évolution se joue. Citons ce que Hans Jonas appelle son mythe :
« Au commencement, par un choix insondable, le fond divin de l’Être décida de se livrer au hasard, au risque, à la diversité infinie du devenir. Et cela entièrement : la divinité, engagée dans l’aventure de l’espace et du temps, ne voulut rien retenir de soi ; il ne subsiste d’elle aucune partie préservée, immunisée, en état de diriger, de corriger, finalement de garantir depuis l’au-delà l’oblique formation de son destin au sein de la création. L’esprit moderne repose sur cette immanence absolue. »
Ainsi l’aventure évolutive de la nature à mi-chemin entre
l’infiniment petit et l’infiniment grand est peut-être précisément
l’aventure humaine. C’est à travers les yeux de la sagesse humaine que
la nature voit ses propres erreurs et tentent de poursuivre son aventure
en dépassant ce qui en elle la menace d’une impasse. Le mythe de Hans
Jonas a donc le mérite de redonner une pertinence à notre idée d’une
évolution consciente de la conscience qui se jouerait en l’homme. Il
montre que l’homme est le seul responsable de la réussite ou de l’échec
de cette vocation : il n’y a que lui pour réaliser cette potentialité de
sa conscience. C’est à lui de tirer de la liberté créatrice ce qui
pourra assurer à l’homme le succès de cette aventure.
b. Les racines chrétiennes du Dieu humble et la réponse responsable à la question du mal.
A vrai dire le mythe de Hans Jonas a de fortes résonances
chrétiennes. Le concept théologique de kénose met en effet en avant
l’idée que Dieu en Jésus-Christ s’est fait homme et que dans cette
incarnation il n’a rien retenu, comme le dit Saint-Paul, du rang qui
l’égalait à Dieu. La question du mal taraude précisément une foi qui
accorde à la personne humaine une importance centrale. Comment Dieu qui
se serait fait homme et qui aurait vaincu la mort et dont le message a
affirmé que la vocation de l’homme était l’amour du prochain identique à
l’amour même de Dieu peut-il laisser tant d’innocents tués ainsi ? Le
chrétien est invité à sonder le mystère même de la mort de celui qu’elle
tient pour Dieu fait homme : dans sa sagesse infinie et son amour du
prochain il n’a connu aucun secours lorsqu’il a été condamné à la
crucifixion. Le christianisme des Evangiles ne donne aucune
réponse de l’ordre de la connaissance intellectuelle au mal même si ses
penseurs depuis Origène ont régulièrement tenté de le faire. Seul
l’amour, l’agapè qui se donne à l’autre et qui pour nous reste un mystère est présenté comme ce qui brisera le mal qui en soi reste mystérieux.
La réponse peut paraître simpliste et imparable tant elle est bardée de
mystères. Mais si quelqu’un connaissait vraiment la cause du mal il
pourrait le vaincre. Et si l’amour est la réponse au mal quelqu’un qui
connaîtrait vraiment ce qu’est l’amour saurait vraiment ce qu’est le mal
et pourrait le vaincre. Qu’on soit chrétien ou non n’est pas ici la
question, la question est : accordons-nous une valeur infinie aux
personnes ? Si nous accordons une telle valeur à la personne humaine,
alors la question qui doit être fondamentale est comment pouvons-nous la
libérer absolument du mal ? La question du sens de l’idée de liberté
absolue devient donc alors la question de savoir si nous pouvons nous
libérer absolument du mal. Le chrétien s’il affirme que son Dieu vaincra
le mal par l’amour en transmettant le témoignage d’une victoire sur la
mort de Jésus-Christ nous dit d’adhérer à son espoir mais nous moins
souvent comment comprendre et développer ce qu’il pointe comme le
mystère de l’amour. En général cela ressemble à une imprécation ou une
exhortation mais rien de plus transparaît sinon parfois le dogmatisme et
le sectarisme religieux qui affirme sa vérité exclusive et supérieure à
toutes les autres.
Trop souvent l’affirmation de la divinité de Jésus-Christ sert à
dédouaner celui qui s’affirme chrétien de suivre Jésus-Christ qui
pourtant cite les psaumes de David pour dire de chacun : « vous êtes les
fils de Dieu » lorsqu’on l’accuse de manquer d’humilité en s’affirmant
comme Fils de Dieu.
Hans Jonas évoque l’humilité de Dieu pour expliquer le mal mais il ne
répond pas à la question de savoir quel est le lien entre l’humilité
divine et la proposition de divinisation qu’il nous fait et qui semble
attachée à la pratique de l’amour. Faut-il voir là une religiosité
illusoire ? Ou alors n’y a-t-il pas là encore en dehors des catégories
religieuses un savoir possible qui ne peut se réduire aux limites d’une
croyance tenace mais sans fondement sur une expérience spirituelle
authentique ?
Imaginons donc de nouveau une liberté absolue mais non pas centrée
sur l’universel comme chez Spinoza mais sur l’individuel. Imaginons une
liberté absolue qui contrairement au scénario de Hans Jonas ne perdrait
pas son pouvoir non pas en tant que toute-puissance affichée mais en
tant que horizon où tout demeure possible. Autrement dit elle ne
perdrait pas son pouvoir divin au cœur de la finitude grâce à un pouvoir
de divinisation.
Pour une telle liberté absolue, tout serait donc toujours possible.
Elle pourrait réaliser une multiplicité infinie d’état d’être sans
perdre l’unité qui serait à son principe.
Elle pourrait réaliser cet univers et tout ce qui existe sans perdre de
vue la conscience de sa propre unité. Autrement dit, elle pourrait
s’incarner sous la forme d’un être humain marqué par la finitude sans se
perdre elle-même dans son pouvoir de divinisation.
A travers deux êtres humains, la relation qu’ils forment, elle
s’exprime dans son unité qu’ils se fassent du bien ou du mal de leurs
propres points de vue finis mais retrouver son pouvoir de divinisation
implique que l’un au moins embrasse l’unité au point où il se sent
l’unique unité aussi présente au cœur de l’autre. L’amour semble donc de
ce point de vue le seul horizon possible de divinisation pour une
liberté absolue qui s’est incarnée complètement dans un être humain
marqué par la finitude.
L’univers est alors un jeu possible de la liberté avec elle-même qui s’auto-limite dans des formes multiples.
Dans le cas de l’homme, cette Unicité de liberté absolue peut
s’entrapercevoir d’abord seulement comme « Idée », idée intellectuelle
mais aussi idée directrice, idéal et aspiration du cœur... Elle commence
alors à devenir consciente d’elle-même de son absoluité infinie à
travers une de ses expressions finies. L’amour compris comme
retrouvailles dans l’âme de l’unité primordiale dont elle émane signifie
aussi retrouvailles de cette même unité qui aspire à elle-même enfouie
au fond de chaque cœur, au fond de chaque âme qui tente d’y croître dans
la lumière de l’étincelle primordiale d’unité où elle prend source.
Cette Unicité en l’homme s’aperçoit en premier lieu comme un idéal,
une aspiration, une foi d’une forme finie à une divinisation par
l’amour.
Comment cet Un pourrait-il être liberté infinie première et Unique
devenir multiple sinon à travers une individualisation multiple de
lui-même capable de se retrouver dans le mouvement d’amour de la
conscience de lui-même ?
L’évolution de l’univers serait alors non seulement un jeu de la
liberté absolue avec elle-même se masquant dans des êtres limités voire
déterminés mais aussi le simple devenir multiple de la liberté absolue
qui en son essence est une et se recherche du sein de sa propre
démultiplication. La liberté absolue serait en train de se démultiplier
elle-même à travers de multiples individualités sans même renoncer à son
absoluité elle-même. L’Un absolument libre se démultiplierait sans
perdre son absolue liberté dans son Multiple.
La multiplicité serait l’expression d’infinies possibilités à ceci
prêt que cette expression imprévisible ressemblerait à du hasard aveugle
du point de vue d’un être fini qui ignorerait sa propre nature. D’autre
part, en tant qu’unicité absolue, il y a une forme de nécessité de
l’Être. L’inexistence absolue est certes une possibilité de l’Être d’une
liberté absolue mais à travers l’une de ses formes de conscience
individualisée. L’Être de la liberté absolue ne peut pas s’annihiler en tant que tel.
Par le jeu de l’Un et du Multiple on comprend le mouvement du hasard
et de la nécessité du point de vue fini qui est le nôtre. On évoque
parfois l’image d’un fleuve chaotique formant par hasard la nécessité de
son propre écoulement en creusant son lit. Mais pourquoi le fleuve
chaotique des possibilités ne détruit-il pas au final ses berges et ne
dissipe-t-il pas soudain ses nécessités ? Pourquoi la mer chaotique de
la réalité primitive contenant toutes les possibilités, cette liberté
absolue impersonnelle s’est-elle muée en un fleuve du hasard et de la
nécessité dont l’évolution a produit des êtres personnels conscients ?
En fait l’Un ne peut se nier dans sa Multiplicité, il est à lui-même
sa propre nécessité qui coordonne et harmonise ses contingences qui pour
nous sont d’abord des hasards. Car ce qui se démultiplie se démultiplie
dans l’Un lui-même, dans l’Être de l’Un lui-même et ce qui se
démultiplie dans la démultiplication s’érige en écho harmonieux de cette
Unité principielle. Le Multiple ne forme pas un pur chaos car il est
toujours en train de s’organiser harmonieusement en unités reflets
collectifs de l’Un.
La nécessité principielle est l’intériorité de L’Un, l’intériorité de
l’absolue liberté qui jouit de ce qu’elle est au sein d’elle-même,
disposant certains de ses possibles dans le développement virtuel
qu’offre ce que nous appelons un univers. Le hasard premier ou plutôt la
contingence principielle est la capacité de l’Un de se démultiplier au
sein de lui-même.
Cependant en s’incarnant sous la forme humaine, en s’apercevant
potentiellement en l’homme sous la forme d’un idéal, l’Un s’est réalisé
potentiellement comme finalité évolutive par excellence. Il appartient à
l’Un en l’homme, à ce mouvement d’individualisation en lui d’entrer
dans une évolution consciente de la conscience de l’Un. Cet idéal de
l’Un en l’homme, c’est-à-dire cette entrée dans un mouvement
d’individualisation consciente de la conscience de l’Un est proprement
un chemin de divinisation et donc d’acquisition de la liberté absolue
dont l’essence est l’amour.
3. L’origine de l’ignorance de notre nature.
a - L’ignorance et donc l’échec de la divinisation implique toujours un défaut d’amour.
Notre spéculation métaphysique permettrait de concilier finitude et liberté absolue.
Mais comment permettrait-elle d’échapper aux dangers de la négation
de la finitude ? N’est-ce pas un visage défiguré de l’amour qui se
poursuit à travers les négations illusoires de la finitude ? La figure
de l’Un et du multiple n’est-elle pas au fond celle qui au final anime
l’idée de souveraineté politique ou bien encore l’idée de ramener le
divers du réel à des équations pour le maîtriser
technoscientifiquement ?
L’amour serait donc le mouvement d’unification et d’individualisation
du multiple vers l’Un et le mouvement de l’Un vers le multiple mais
aussi ce qui entraîne les pires destructions quand il se déforme dans la
vie humaine. La souveraineté politique en convoitant la liberté absolue
le fait au profit d’un seul et/ou au mépris de chacun : la convoitise
de la liberté absolue d’abord pour soi est un amour défiguré. Seule une
société qui serait autant individualiste que solidaire c’est-à-dire
parfaitement anarchiste incarnerait la liberté absolue de L’Un.
La souveraineté technoscientifique est mythique car le divers du
multiple ne peut pas être réduit à une formule. Une liberté absolue
présupposerait une conscience intime de l’un et du multiple dans tous
les aspects sa procession et son ascension et pas seulement des ébauches
d’intuition créatrices ou des sentiments d’auto-détermination. La
souveraineté technoscientifique est peut-être inconsistante car au fond
la technoscience développe insuffisamment d’amour sur le plan de la
conscience subjective qui serait la condition nécessaire d’une
connaissance par identité de l’Un et du multiple. L’amour de la
connaissance reste un piètre amour et donc une figure amoindrie de la
liberté absolue tant qu’il ne transforme pas la qualité subjective du
connaisseur sur tous ses plans.
b - Comment l’Un peut-il mal s’aimer par l’homme et en l’homme ?
Mais si notre spéculation métaphysique a une quelconque pertinence,
comment expliquer notre ignorance puisqu’au fond nous serions des
reflets multiples de l’Un ?
Hans Jonas dans Evolution et liberté affirme du « parallélisme
psychophysique de Spinoza [et] son échec devant la rareté cosmique de
l’esprit ». Notre spéculation affirme le contraire d’une rareté cosmique
de l’esprit. Hans Jonas plus loin affirme « la faiblesse de toute
métaphysique de la réussite [comme] une méconnaissance de l’audace
divine dans la Création ». Il cite Etty Hillesum gazée à Auschwitz en
1943 :
« Oui, mon Dieu, tu ne sembles pas pouvoir changer beaucoup les circonstances... Je n’exige aucun compte de toi, c’est toi qui plus tard nous demanderas des comptes. Et presque à chaque battement de cœur, je vois plus clairement que tu ne peux nous aider, mais que c’est nous qui devons t’aider, c’est nous qui jusqu’au dernier devons défendre ta demeure au-dedans de nous. »
Tout d’abord si Hans Jonas admet ce qui lui semble une rareté de
l’Esprit dans l’univers, il lui semble inévitable de reconnaître une
forme d’Eros servant d’impulsion évolutive au cœur de la matière. Cette
rareté de l’Esprit dont il parle provient d’un regard sur l’univers
éduqué par la science. Et cet Eros, cette impulsion évolutive est ce
qu’il discerne intellectuellement à partir d’un regard éduqué par la
science. Si quelqu’un discernait cet Eros non pas intellectuellement
mais dans le mouvement même de l’évolution de sa propre conscience, ne
verrait-il pas là bien plus qu’un élan vital, qu’une impulsion
créatrice ? Ne serait-ce pas l’amour de l’Un pour lui-même qu’il
commencerait à discerner en toute chose ? Au lieu de regarder un morceau
de fer comme un objet quantifiable qui par on ne sait hasard peut
participer sous une autre forme à la vie, ne pouvons-nous pas ressentir à
son toucher comme une vibration modifiant de notre champ de
conscience de même qu’un autre rencontré modifie la teneur du champ de
conscience où nous nous tenons ? Ce n’est donc pas plus tard que nous
aurons des comptes à rendre, ce serait se surestimait encore. Car au
fond si le fer et donc la matière s’inscrivent eux-aussi dans le champ
de conscience de l’univers appelés à servir et prolonger nos plans de
conscience où l’individualisation est plus prononcée, sommes-nous assuré
d’être le sommet de l’univers ?
Satprem (Bernard Enginger), un disciple du philosophe indien
Aurobindo a connu lui aussi l’expérience des camps de concentration.
Dans Sept jours en Inde il explique à Frédéric de Towarnicki ce que cette « expérience » lui a apporté :
« Mais enfin, tout cela a brisé... m’a brisé, m’a nettoyé merveilleusement - affreusement, mais merveilleusement. Parce que j’aurais mis combein d’années à me dépouiller de tout ce revêtement social, familial, intellectuel, culturel, tout ce qu’on m’avait mis sur le dos pendant vingt ans ? Vingt ans d’éducation occidentale.Eh bien, tout ce qu’on m’avait mis sur le dos a été brisé, moi y compris (ce que je croyais être moi).C’était une espèce de néant.Surtout ça : ce que je croyais être moi.Je croyais que c’était beaucoup de musique, de la poésie, de ceci de cela, et puis tout cela, c’était cassé. Cassé devant une espèce de substance humaine qui tout d’un coup découvrait la mort, la peur, l’horrible chose humaine, et qui se disait : mais quoi, quoi, quoi, qu’est-ce... ? N’est-ce pas, à ce moment de l’existence, il n’y aplus de barrières entre l’homme qui fait mal et celui qui le subit. Il n’y a pas l’homme de la Gestapo et la victime de la Gestapo, ou les SS et le prisonnier : il y a une espèce d’horreur dans laquelle on est. Il n’y a pas d’AUTRES, n’est-ce pas. On est totalement dans l’horreur. L’horreur, ce ne sont pas les autres : on est dedans.Alors, ça a été... ça a brisé d’une façon si... si radicale tout ce que je pouvais être, ou tout ce que je croyais être, que tout d’un coup j’ai été précipité dans... mais dans la seule chose qui restait : dans ma peau.Oui, tout d’un coup, ça a fait une joie extraordinaire. Tout d’un coup, j’ai été au-dessus de tout ça, je dirais presque « riant ». Comme si, tout d’un coup, de cette dévastation, j’émergeais dans un lieu qui était... qui était « royal ». Je n’étais plus prisonnier ; je n’étais plus attaqué ; je n’étais plus... »
Satprem témoigne d’une autre interprétation possible des camps de
concentration. Elle ne rend pas obsolète celle de Hans Jonas qui
s’appuie tout de même sur « l’expérience » d’Etty Hillesum mais elle la
transcende. Les camps de concentrations ne traduisent pas seulement le
fait que l’évolution se joue dans l’aventure humaine et que l’homme en
est responsable en tant que lui seul peut porter le projet divin. Pour
Satprem, ils traduisent le fait que l’amour qui anime le mouvement
évolutif s’il n’est pas rendu conscient se cherche de façon défigurée
malgré l’homme et par son mal même. L’homme qui pourrait être le héros
d’une évolution consciente de la conscience lorsqu’il se détourne de sa
vocation n’en continue pas moins à servir l’élan d’amour mais de manière
défigurée telle que des circonstances arrachent alors le besoin d’une
autre manière d’être, le besoin de regarder son humanité comme un néant
qu’il s’agit de dépasser.
Concentrés que nous sommes sur notre humanité et nos soucis d’êtres
humains, notre amour se défigure, nous manquons l’opportunité de faire
un pas vers notre liberté absolue. Mais comme nous n’en sommes pas moins
une tentative d’individualisation matérielle de l’Un et de la liberté
absolue, celle-ci continue à rester active dans le jeu universel des
interactions humaines. Des conditions d’étouffement sont donc en train
de se créer parce que au fond nous aimons le drame, notre humanité
dramatise elle-même sa situation préférant plutôt périr que laisser le
sommet de la création à une forme de conscience plus élaborée. Et
heureusement dans ces conditions d’étouffements l’amour de la vie
l’emporte sur l’amour anthropocentrique de notre humanité bestiale la
vraie vocation de l’homme commence alors à se retrouver : « l’homme est
un être de transition » dans le mouvement évolutif où le divin se
démultiplie en lui-même.
V - Conclusion.
Nos spéculations sur une liberté absolue nous amènent d’abord à
admettre notre finitude. L’infantilisme humain qui prétend à une liberté
absolue aboutit aux pires tyrannies ou aux catastrophes de notre
technoscience prométhéenne. Suivre nos désir n’est en aucune façon la
réalisation d’une liberté absolue. Ce qui nous sépare d’un sens vrai de
la liberté absolue est le caractère ignorant de nos amours. Pour
s’approcher d’une liberté absolue, il nous faut un amour vrai qui nous
permette de retrouver notre Moi unique sous notre petit moi, notre Moi
unique derrière tous ceux qui sont rencontrés et même derrière les
choses matérielles qui se manifestent comme notre univers.
L’ogre doté de pouvoir magique est mangé par le chat mais au fond la
liberté absolue sous la figure humble du chat a vaincu une autre figure
de la liberté absolue sous la forme d’un ogre qui à cause de ses
pouvoirs avait oublié ce qui lui restait de finitude. Ainsi la pierre
rejetée par les bâtisseurs prétentieux de l’ordre social peut devenir
demain la pierre d’angle de l’évolution future car elle saura saisir
l’intelligence de l’amour qui seul divinise et donc confère une
véritable liberté absolue.
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