dimanche 26 octobre 2014

LA DISCUSSION EST-ELLE SOURCE DE VERITE ? Version approfondie

On trouvera ici une version courte de cette leçon.

I. Introduction problématique.

Une majorité n’a pas toujours raison, loin de là ! De nombreux peuples démocratiques ont fait des choix regrettables : Hitler a ainsi suscité l’adhésion d’une majorité d’allemands. Un accord consensuel serait certainement plus proche d’une vérité. Mais l’idée vraie 1+1=2 n’est-elle qu’une idée consensuelle ? Un résultat mathématique ne paraît pas devoir faire l’objet d’une discussion. En fait peut-on penser que la discussion est source de vérité ? La vérité ne semble-t-elle pas se définir comme ce qui est indiscutable ? La discussion d’un énoncé paraît cependant nécessaire pour vérifier s’il est ou non indiscutable. La discussion permet de relever les erreurs ce qui à l’évidence peut rapprocher de la vérité.


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II. La démonstration et l’expérimentation ne prêtent guère à discussion !


1 – L’évidence indiscutable de la mathesis universalis.


Descartes dans la deuxième règle de ses Règles pour la direction de l’esprit écrit :

« Mais comme nous avons dit plus haut que, parmi les sciences faites, il n’existe que l’arithmétique et la géométrie qui soient entièrement exemptes de fausseté ou d’incertitude, pour en donner la raison exacte, remarquons que nous arrivons à la connoissance des choses par deux voies, c’est à savoir, l’expérience et la déduction. De plus, l’expérience est souvent trompeuse ; la déduction, au contraire, ou l’opération par laquelle on infère une chose d’une autre, peut ne pas se faire, si on ne l’aperçoit pas, mais n’est jamais mal faite, même par l’esprit le moins accoutumé à raisonner. Cette opération n’emprunte pas un grand secours des liens dans lesquels la dialectique embarrasse la raison humaine, en pensant la conduire ; encore bien que je sois loin de nier que ces formes ne puissent servir à d’autres usages. Ainsi, toutes les erreurs dans lesquelles peuvent tomber, je ne dis pas les animaux, mais les hommes, viennent, non d’une induction fausse, mais de ce qu’on part de certaines expériences peu comprises, ou qu’on porte des jugements hasardés et qui ne reposent sur aucune base solide.
Tout ceci démontre comment il se fait que l’arithmétique et la géométrie sont de beaucoup plus certaines que les autres sciences, puisque leur objet à elles seules est si clair et si simple, qu’elles n’ont besoin de rien supposer que l’expérience puisse révoquer en doute, et que toutes deux procèdent par un enchaînement de conséquences que la raison déduit l’une de l’autre. Aussi sont-elles les plus faciles et les plus claires de toutes les sciences, et leur objet est tel que nous le désirons ; car, à part l’inattention, il est à peine supposable qu’un homme s’y égare. Il ne faut cependant pas s’étonner que beaucoup d’esprits s’appliquent de préférence à d’autres études ou à la philosophie. En effet chacun se donne plus hardiment le droit de deviner dans un sujet obscur que dans un sujet clair, et il est bien plus facile d’avoir sur une question quelconque quelques idées vagues, que d’arriver à la vérité même sur la plus facile de toutes. De tout ceci il faut conclure, non que l’arithmétique et la géométrie soient les seules sciences qu’il faille apprendre, mais que celui qui cherche le chemin de la vérité ne doit pas s’occuper d’un objet dont il ne puisse avoir une connoissance égale à la certitude des démonstrations arithmétiques et géométriques.
 »
Tout ceci démontre comment il se fait que l’arithmétique et la géométrie sont de beaucoup plus certaines que les autres sciences, puisque leur objet à elles seules est si clair et si simple, qu’elles n’ont besoin de rien supposer que l’expérience puisse révoquer en doute, et que toutes deux procèdent par un enchaînement de conséquences que la raison déduit l’une de l’autre. Aussi sont-elles les plus faciles et les plus claires de toutes les sciences, et leur objet est tel que nous le désirons ; car, à part l’inattention, il est à peine supposable qu’un homme s’y égare. Il ne faut cependant pas s’étonner que beaucoup d’esprits s’appliquent de préférence à d’autres études ou à la philosophie. En effet chacun se donne plus hardiment le droit de deviner dans un sujet obscur que dans un sujet clair, et il est bien plus facile d’avoir sur une question quelconque quelques idées vagues, que d’arriver à la vérité même sur la plus facile de toutes. De tout ceci il faut conclure, non que l’arithmétique et la géométrie soient les seules sciences qu’il faille apprendre, mais que celui qui cherche le chemin de la vérité ne doit pas s’occuper d’un objet dont il ne puisse avoir une connoissance égale à la certitude des démonstrations arithmétiques et géométriques. »

Explication :

Pour Descartes l’arithmétique et la géométrie sont les seules sciences dont les raisonnements soient certains. Une déduction menée par un esprit peu habitué aux raisonnements sera toujours juste. Selon lui les raisonnements dialectiques qui mettent en jeu la discussion et le dialogue par un procédé ou un autre sont beaucoup moins fiables. L’induction est considéré comme l’un des procédés dialectiques. Elle part d’expériences et entend dégager de ces expériences des généralisations. Mais ces expériences restent confuses et cette confusion de départ conduit à des généralisations erronées.
Ce qui caractérise un élément d’un raisonnement mathématique est sa simplicité et sa clarté. Pour Descartes notre entendement quand il saisit de façon distincte et clair une idée peut en être certain. Si je me représente dans mon esprit un segment vertical de façon claire et distincte puis un autre à côté identique, je ne peux pas douter du fait que j’en saisisse alors deux. Cette expérience de l’esprit ne suppose alors rien qui ne puisse être mis en doute. Une véritable intuition claire et distincte est donc par définition indubitable : ceci est le gage de la certitude et donc de la vérité. Seule l’inattention peut susciter l’erreur en mathématiques c’est-à-dire une intuition qui perd de sa distinction en devenant confuse et de sa clarté en devenant obscure. Certes quand les intuitions se multiplient l’esprit ne peut toutes les contenir, il doit les mettre en mémoire et les relier alors par des déductions. Une figure à mille côté ne peut être saisie de façon claire et distincte en une fois : il faudra conjuguer plusieurs opérations, les mémoriser et les relier par des déductions.
Ainsi pour Descartes il faut totalement reconsidérer les sciences sur le modèle mathématique. Une mathesis universalis sera seule pour Descartes la méthode pour atteindre la vérité.

2 – L’observation et l’expérimentation brisent la discussion théorique.


Toutefois le modèle cartésien de la mathesis universalis ne répond pas du fait que la science d’aujourd’hui se bâtit à partir des faits observés et des faits expérimentés. L’activité théorique est très importante mais elle rassemble des faits, elle essaie de produire des algorithmes à partir de ce fait qui permettent d’en déduire et d’en prévoir de nouveaux. La science ne consiste pas en une somme de faits, elle serait plutôt à la recherche de formules mathématiques, de lois, de processus qui les expliquent. Une théorie est comme une synthèse tirée de l’induction que Descartes ramenait à la dialectique (une forme de discussion). 
Mais il ne faut pas confondre le procédé inductif de formation d’un énoncé scientifique en science de la nature avec ce qui caractérise une théorie scientifique. Comme Descartes le pressentait, la force déductive d’une théorie est par excellence ce qui teste la validité d’une théorie. Etant issue de l’induction, toute théorie scientifique non mathématique n’est qu’une conjecture, une approximation de la réalité qui permet à partir de conditions initiales de déduire et prévoir approximativement des conditions terminales. Plus une théorie résiste à l’expérience plus elle est fiable. Et surtout plus une théorie prête le flanc à l’expérience plus elle est falsifiable ou réfutable, plus si elle résiste, sa force théorique sera avérée. Karl Popper fait de ce critère de falsifiabilité des théories le critère de scientificité par excellence.
La discussion n’est pas alors le fait prédominant en science. C’est l’expérience et l’observation qui en dehors des sciences mathématiques semble être le critère prédominant. Si un scientifique exhibe une expérience reproductible invalidant une théorie, celle-ci devra être corrigée ou bien une autre théorie devra s’y substituer.
Par exemple, quand on s’est aperçu qu’un rayon de lumière émis depuis la terre avait la même vitesse qu’on la mesure sur terre ou de puis l’espace, il est apparu que la vitesse de la terre n’entrait pas dans le calcul. En effet cette vitesse depuis la terre est c (environ 300000km.s-1), et depuis l’espace selon la théorie de Newton elle devrait être c + ou - un facteur vitesse vt (vitesse de la terre dans l’espace). Or la vitesse constatée reste c. L’expérience de Morley-Mickelson qui a constaté ce fait a entre autre relancé la recherche scientifique d’une théorie autre que celle de Newton : ceci aboutît à la théorie de la relativité de Einstein.
La discussion scientifique est donc canalisée par des critères de vérité extérieurs à la discussion théorique et qui précèdent ou déplacent la discussion théorique. La discussion participe à la recherche de la vérité scientifique mais en fait l’induction part des faits observés ou expérimentés et d’une activité purement théorique sur le mode d’une mathesis universalis indiscutable.

3 – Il y a des normes logiques, pragmatiques et éthiques inhérentes aux conditions de possibilité d’une discussion.


Une discussion sincère suppose en fait des normes indiscutables. Ces normes sont des préambules à la discussion. Pour la cohérence d’une discussion il faut respecter la règle logique de non contradiction.
Cependant certaines normes sont performatives. Lorsque j’affirme « je mens toujours » il y a une indécidabilité de la proposition à cause de l’affirmation de toujours mentir et du fait que je propose comme vraie mon affirmation. Mais certaines normes performatives concernent l’action même de dialoguer. Habermas ou Apel parle d’une contradiction performative pragmatique, c’est-à-dire d’une contradiction entre l’énoncé et l’existence agissante de son énonciateur. Ils évoquent un Démon qui participerait à un dialogue relevant d’une quête éthique en niant l’aboutissement du dialogue à une éthique. Lorsque par exemple « il n’y a pas de discussion possible entre toi et moi » auquel on ajoute « je vais te le prouver en discutant avec toi », il sabote visiblement le dialogue en faisant des contradictions performatives.


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III. La discussion démocratique et la création de valeurs


1 - Transition critique : l’insuffisance culturelle des normes logiques et expérimentales.


Pour certains critiques contemporains du scepticisme comme Habermas ou Karl Oto Apel, le sceptique aura toujours une position inauthentique dans un dialogue dont l’enjeu est la constitution d’une éthique de la discussion puisqu’il niera toute forme de vérité inhérente à la discussion même si par ailleurs il participe à la discussion. Dans cette perspective on dénonce justement des versions du scepticisme qui ressembleraient de près ou de loin à quelqu’un disant : « il n’y a pas de discussion possible entre toi et moi ». Toutefois le scepticisme dont nous montrerons ici la pertinence ne s’établit pas forcément dans une position solipsiste et donc monologale, c’est-à-dire sur une position isolée et fermée au dialogue. Un scepticisme qui se veut authentique pointe pour nous la réalisation d’une étape obligée dans une démarche dialectique de discussion authentique.
Un historien ancien, Aristoclès, en rapportant la doctrine de Pyrrhon telle qu’elle est présentée par Timon écrit : 

« Quelle que soit la chose dont il s’agisse, nous dirons qu’il ne faut pas plus l’affirmer que la nier, ou bien qu’il faut l’affirmer et la nier à la fois, ou bien qu’il ne faut ni l’affirmer ni la nier. Si nous sommes dans ces dispositions, dit Timon, nous atteindrons d’abord l’aphasie, puis l’ataraxie. »

Remarque : l’ataraxie désigne une absence de trouble, d’inquiétude, de malaise quelles que soient les circonstances. L’aphasie désigne ici un silence mental positif parce qu’il ne nécessite plus d’effort, un calme que les idées ne peuvent plus troubler qu’en surface.

Pour être sceptique, il s’agit donc d’après Pyrrhon et Timon non seulement d’exercer un doute simple mais un doute redoublé. Douter du doute simple est selon nous une formulation logique du type non non A. Le sceptique en pratiquant le redoublement du doute est un dialecticien qui n’entend pas réduire non non A à A comme le font ceux qui affirment sans preuve un principe du tiers exclu : principe d’ailleurs évoqué par Apel dans le cadre d’une contradiction performative pragmatique. Douter du doute au sujet d’un bénéfice de connaissance du dialogue dialectique n’est pas pour nous une négation d’une négation de la vérité qui reconduit à la vérité intellectuelle du dialogue dialectique (non non A = A). Cette dialectique dialogale quand elle s’essaie au scepticisme qui consiste à douter authentiquement du doute permet de se détacher de nos fixations mentales apposées au devenir des apparences, elle nous permet de ne plus subir le devenir en nous arrachant aux activités mentales qui renforcent nos identifications malheureuses dans un semblant de nécessité du devenir. Le défaut de toute éthique construite intellectuellement et même d’une éthique de la discussion focalisée sur l’intellect est de se constituer en tant que normes mentales qui sont souvent sinon toujours en décalage avec le flux circonstancié des apparences.
Le Démon d’Apel n’est donc pas forcément un insensé si au fond il travaille à supplanter le principe du tiers exclu qui fait barrage à une liberté créatrice plus grande. La discussion semble alors une source paradoxale de vérité puisqu’elle relativise toutes les affirmations de vérités fondées sur le principe du tiers exclu. La discussion nous apprend que la vérité nous échappe et que nos mathématiques et nos sciences ont toujours des présupposés qui amène à relativiser leurs prétentions à la vérité.

2 – Le scepticisme apaise la discussion. La discussion démocratique est libérée de la vérité.


Mais la discussion au lieu d’être source de vérité ne serait-elle pas plutôt source de suspension du jugement prétendant à une vérité ultime ? 
La première réalisation d’une démarche dialectique authentique serait alors une forme de scepticisme. Le scepticisme est en effet profondément inhérent à une dialectique puisque pour rendre nos constructions intellectuelles, émotionnelles et sensitives problématiques, il faut en douter en leur opposant des constructions contraires possibles ou en montrant que ces constructions ne sont pas fondées.
Les mathématiques et les autres sciences parce qu’elles sont des constructions intellectuelles en rapport à des réalités plus ou moins sensibles verront leur validité relativisée. Les sceptiques aujourd’hui auront facilement des arguments pour mettre en cause la soi-disant efficacité des technosciences (voir notre leçon Le progrès a-t-il des limites ?). Leur critère de validité sont efficaces dans leur domaine de valeur mais si leur valeur est contestable, leurs critères de validité ne s’avèrent-ils pas tout simplement relatifs ?
Mais le scepticisme est-il vraiment le produit du dialogue ?
Descartes en menant le doute jusqu’au doute hyperbolique n’est pas selon nous enfermé dans un monologisme : il dialogue avec lui-même, il offre un discours où tout auditeur peut à l’écoute mener son expérience de pensée. On a dit de Descartes et du scepticisme antique qu’ils aboutissaient à des pensées solipsistes où la conscience de soi est incertaine de l’autre et du monde et qu’elle n’en retrouve jamais la certitude. Si l’agnosticisme fondamental sceptique est le résultat d’une démarche dialectique pourquoi serait-il solipsiste et monologal ?

Premièrement la méthode sceptique dans une discussion permet une émancipation des préjugés et des autorités dogmatiques qui au fond travaillent à la rendre inauthentique. Mis en face de leur inauthenticité ceux qui tiennent à leurs préjugés et à leur autorité dogmatique risquent de vouloir user de violence pour se préserver. Un authentique exercice du scepticisme même s’il a pour but de le dépasser ne fera pas usage de violence quand la discussion lui sera désavantageuse. S’il a à utiliser lui-même la violence ce sera face aux ennemis de la discussion : face à un nazi, et plus généralement face à un fanatique religieux ou idéologique, un discours de vérité cherchant à le convaincre d’une autre vérité est sans effet, il faut davantage le persuader en le touchant émotionnellement soit par la douceur, soit par la force d’un sens du pouvoir partagé démocratiquement.

Deuxièmement, si on confond conscience et ego, certes, l’attitude sceptique peut entraîner une forme de solipsisme mais si la conscience qui doute, doute authentiquement tout autant de l’ego, de l’autre et du monde, où est alors le solipsisme ? La conscience elle-même comme théâtre de soi, de l’autre et du monde mis en doute, où est le solipsisme ? Enfin pour le sceptique le doute est aussi fort que l’assentiment donc être sceptique signifie être agnostique quant à la réalité ultime de l’apparence d’une rencontre entre moi, l’autre et le monde. Ainsi pour ceux qui font usage d’un scepticisme authentique le solipsisme est inhérent à toute interprétation égocentrique de la conscience qui au fond est le pire obstacle à l’authenticité de la discussion. Reconnaissons-le nos démocraties butent sur ce solipsisme égocentrique qui les conduisent à la Ploutocratie (au pouvoir des valeurs d’enrichissement).

Pour un sceptique, l’apparence d’unité de la rencontre entre moi, l’autre et le monde subsiste quand la multiplicité des points de vue s’est épuisée dans le dialogue dialectique. Cette unité de la rencontre qui seule subsiste n’a aucune portée gnoséologique : elle est juste apaisée par la suspension du jugement caractéristique de la dialectique sceptique. Elle est apaisée car aucun point de vue n’est privilégié dans la conscience que ce soit le mien, l’autre ou celui de l’expérience du monde. Il n’y a plus d’individualisme égocentrique, d’altérité transcendante nous soumettant à une vérité dogmatique ou encore de scientisme privilégiant aveuglément l’approche technoscientifique de l’expérience du monde.
Mais cette unité de la rencontre qui suspend le jugement est-elle apte à susciter une action commune ? Ne faut-il pas au moins s’accorder intellectuellement et affectivement sur un contenu pour agir ensemble ? A vrai dire le scepticisme ne voit pas d’autre action à accomplir que celle de la suspension du jugement qui intrinsèquement apporte la paix commune vis-à-vis de la pluralité infinie des valeurs, du jeu indéfini des émotions et des sensations. Mais alors le scepticisme ne conduit-il pas en effet à nier qu’une partie de nous même fictive appartient et interagit sur la qualité d’ensemble d’évolution du monde humain ? Même si nous avions l’expérience en profondeur de la suspension du jugement, une partie de nous même si elle est fictive reste impliquée dans la qualité d’élaboration d’un sens culturel commun qu’il soit familial, clanique, ethnique, civilisationnel ou aujourd’hui mondial et qu’il s’élabore mentalement, affectivement et sensitivement.

3 – La discussion est création de valorisations collectives.


Le scepticisme le plus cohérent et le plus authentique entend dépasser le cadre du mental discursif qui se fixe dans des vérités partielles. Il faut déconstruire les prétentions du mental discursif pour faciliter son dépassement dans la perspective d’une vie intuitive créatrice qui seule maintiendra le mental dans une vigueur créatrice libre de tout dogmatisme. La notion de vérité y compris sur le plan moral a toujours tendance à fermer le dialogue, à fixer des limites, à finalement nier la prééminence d’une éthique créatrice. Le scepticisme ne sera donc pas envisagé ici seulement comme un défi à relever dans le cadre d’une quête commune de vérité. Une quête de vérité seulement mentale c’est-à-dire seulement intellectuelle fait éprouver le besoin d’une justification intellectuelle à l’encontre du scepticisme sans vraiment le prendre au sérieux. Ici le scepticisme est plutôt vu comme ce qui nous oblige à assumer notre authenticité créatrice individuelle et collective par delà toute limitation intellectuelle. Mais à vrai dire notre attitude sceptique est-elle de fond en comble sceptique dès lors qu’elle se revendique d’une éthique créatrice ? Ne sera-t-elle alors qu’une forme élaborée de relativisme qui se fonde sur un agnosticisme à l’égard de l’existence de vérités indiscutables dans le domaine des valeurs et prône la création de valeurs fortes toujours soumises à discussion ? Ou bien si on considère la force créatrice comme une forme d’intelligence intuitive transformant les apparences, faut-il pressentir un mode d’être au-delà de l’intelligence intellectuelle qui y relativise la prétention intellectuelle à la vérité tout en l’inspirant la conscience limitée à l’intellect à s’élever vers lui ? 
Quoi qu’il en soit nous mettre sérieusement à considérer l’apport positif du scepticisme nous aura amener à considérer le pressentiment d’une intelligence intuitive créatrice qui selon nous peut seule amener une solution aux problèmes moraux et politiques.

4 - Transition :


Cette intuition créatrice révélée par la dialectique est-elle relative ou puise-t-elle à une source de vérité au-delà de la réflexion mentale ?


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IV. Dialectique et inspiration.


1 – La dialectique comme approche dialogale de la vérité éthique.


Prendre au sérieux une approche dialogale de la vérité c’est-à-dire une approche où prime la rencontre entre mon monde, celui d’autrui, et au-delà peut-être de l’univers où nos mondes se déploient, implique de prendre au sérieux l’égale dignité de l’un et du multiple. La rencontre ne peut se réaliser sans l’acceptation d’une unité qui lui serait inhérente. Même si le dialogue qui se tiendra au cours de la rencontre ne constitue pas une perspective unique, la rencontre matérialise l’éminente possibilité de faire coexister dans une perspective unique des perspectives diverses voire contradictoires. La rencontre est donc antérieure au dialogue, elle constitue un potentiel dialogal, elle est dialogale avant même de prendre la forme du dialogue car au fond la rencontre implique une forme de relation même si elle est apparemment souvent contraire au dialogue. Cette unité pressentie dans l’acceptation du jeu même de la rencontre dialogale même si elle n’est pas dialoguée exige un nécessaire effort de celui qui a pris l’engagement philosophique. La rencontre parce qu’elle est dialogale permet toujours une dialectique interne à mon point de vue où tacitement celui-ci intègre autant qu’il se peut celui de l’autre même si la rencontre ne prend pas la forme d’un dialogue avec cet autre. L’approche dialectique interne que nous nommerons intradialectique se constitue en quelque sorte à partir d’une intériorisation du dialogue dialectique tel que Platon l’envisageait après avoir connu Socrate. L’intradialectique consiste à reconstituer par la pensée et le sentiment le point de vue de l’autre et de le confronter au mien. Il s’agit de nourrir intellectuellement les deux points de vue et de découvrir le problème à partir duquel ils se constituent dans leur différence voire leur opposition. Mais là où le dialecticien oblige l’autre à la forme dialectique du dialogue, l’intradialecticien privilégie une approche dialogale qui est prête à relativiser la qualité du dialogue du point de vue de la qualité de la rencontre.
Même le sceptique ou le relativiste ont une conception de la qualité du dialogue, ils adhérent à une éthique de l’authenticité même s’ils relativisent de façon paradoxale par la suite. Selon nous à la suite de Socrate et de Platon il y a une éthique propre à la dialectique qui peut être regardée comme une vérité issue du sens de la qualité du dialogue.
Dans le Gorgias, 458c Socrate affirme :

« Si donc tu es un homme de ma sorte, je t’interrogerai volontiers ; sinon, je m’en tiendrai là. De quelle sorte suis je donc ? Je suis de ceux qui ont plaisir à être réfutés, s’ils disent quelque chose de faux, et qui ont plaisir aussi à réfuter les autres, quand ils avancent quelque chose d’inexact, mais qui n’aiment pas moins à être réfutés qu’à réfuter. Je tiens en effet qu’il y a plus à gagner à être réfuté, parce qu’il est bien plus avantageux d’être soi-même délivré du plus grand des maux que d’en délivrer autrui ; car, à mon avis, il n’y a pour l’homme rien de si funeste que d’avoir une opinion fausse sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui. Si donc tu m’affirmes être dans les mêmes dispositions que moi, causons ; si au contraire tu es d’avis qu’il faut en rester là, restons y et finissons la discussion. »

Socrate disait dans ce même texte de Platon qu’il est difficile, dans un dialogue, de définir les termes d‘un sujet de discussion. Cette difficulté vient du fait comme l’induit ce passage que chacun à tendance à penser de manière conservatrice. On s’accroche à notre univers de pensées, on écarte tous ce qui pourrait le modifier. Pour Socrate, il y a conclusion d’une discussion philosophique si les participants se sont mutuellement instruits. Socrate, implicitement, dénonce la volonté de rester ignorant. La qualité d’un dialogue philosophique dépend donc aussi de la qualité émotionnelle du dialogue. En effet la grande difficulté d’un tel dialogue est l’irruption d’émotions personnelles touchant à la représentation de nous-même. Plus particulièrement ici, cette difficulté émotionnelle concerne la reconnaissance de nos erreurs et de notre ignorance. Comme un dialogue met en jeu l’image de soi, il semble que la discussion éveille souvent en nous la volonté de vaincre l’autre. Pour Socrate, il est essentiel, dans un dialogue philosophique, de distinguer la critique des faits et des gestes d’une personne, de la critique directe de la personne. Le dialogue ne préjuge pas de ce qu’il va permettre de découvrir et en même temps, pour qu’un dialogue réussisse, il faut que chacun des participants soit capable d’une tranquillité d’esprit quoi qu’il arrive.
Le dialogue dialectique délivre de l’erreur des gens dont l’éthique leur permet de reconnaître leurs erreurs. En ce sens le dialogue est bien source de vérité. Le dialogue ne nous donne peut-être pas la vérité comme l’estiment les sceptiques et les relativistes mais non parce que la vérité est inexistante mais parce que le plan mental ne peut être que l’instrument de la vérité. Si notre approche est juste, l’instrument peut être amendé, corrigé, sur le plan mental la vérité s’approche par rejet de l’erreur même si ultimement sur ce plan elle est inatteignable.
Mais l’approche socratique et platonicienne du dialogue ne manque-t-elle pas ce qu’on lit dans L'œuvre de Tchouang Tseu chapitre 19 :

« Sounn-hiou étant allé trouver maître Pien k’ing, lui tint ce discours étrange : « On m’a fait injustement la réputation, d’un propre à rien, d’un mauvais citoyen. Or si mes terres ne rapportent pas, c’est que les années ont été mauvaises ; si je n’ai rien fait pour mon prince, c’est que l’occasion m’a manqué. Et voilà qu’on ne veut plus de moi, ni au village, ni en ville. O ciel ! Qu’ai je fait pour qu’un pareil destin me soit échu ? ! » « Le sur homme, dit maître Pien, s’oublie, au point de ne pas savoir s’il a ou non des viscères et des sens. Il se tient en dehors de la poussière et de la boue de ce monde, loin des affaires des hommes. Il agit sans viser au succès, et gouverne sans vouloir dominer. Est ce ainsi que vous vous êtes conduit ? N’avez vous pas plutôt fait montre de vos connaissances, au point d’offusquer les ignorants ? N’avez vous pas fait étalage de votre supériorité, et cherché à briller, jusqu’à éclipser le soleil et la lune, vous aliénant ainsi tout le monde ? Et après cela, vous vous en prenez au ciel ! Le ciel ne vous a t il pas donné tout ce qui vous convient, un corps bien conformé, une durée de vie normale, et le reste ? N’est ce pas au ciel que vous devez, de n’être ni sourd, ni aveugle, ni boiteux, comme tant d’autres ? De quel droit vous en prenez vous au ciel ? Allez votre chemin ! » Quand Sounn-hiou fut sorti, maître Pien s’assit, se recueillit, leva les yeux au ciel et soupira. « Qu’avez vous, maître ? demandèrent ses disciples. » Maître Pien dit : « J’ai parlé à Sounn-hiou des qualités du sur homme. C’est trop fort pour lui. Il en perdra peut être la tête. » « Soyez tranquille, maître, dirent les disciples. Sounn-hiou a, ou raison, ou tort. S’il a raison, il s’en apercevra, et ce que vous lui avez dit ne lui fera aucune impression fâcheuse. S’il a tort, ce que vous lui avez dit le tourmentant, il reviendra pour en apprendre davantage, ce qui lui sera profitable. » « J’ai eu tort quand même, dit maître Pien. Il ne faut pas dire à un homme ce qu’on comprend soi même, si lui n’est pas capable de le comprendre... Jadis le prince de Lou fit des offrandes et donna un concert à un oiseau de mer qui s’était abattu aux portes de sa ville. L’oiseau mourut de faim, de soif et de terreur. Le prince aurait dû le traiter, non pas à sa manière, mais à la manière des oiseaux ; alors le résultat aurait été différent, favorable et pas fatal. J’ai agi comme le prince de Lou, en parlant du sur homme à ce Sounn-hiou.. Conduire une souris avec char et chevaux, donner à une caille un concert de cloches et de tambours, c’est épouvanter ces petites créatures. Je dois avoir affolé Sounn-hiou. »

Maître Pien à l’évidence prend conscience qu’il a blessé l’autre inutilement, qu’il n’aurait pas dû le soumettre à sa vindicte dialectique. Socrate quant à lui prend le risque de blesser l’ego de Gorgias en témoignant de son combat contre son propre ego. Jamais à vrai dire Platon et Socrate n’envisagent l’approche dialogale de Maître Pien.
L’intradialecticien enthousiaste doit apprendre à se méfier de son goût pour le dialogue dialectique oublieux qu’il risque d’être de sa propre émergence au sein d’un tissu historique de rencontres. Il y a une inopportunité du dialogue dialectique lors de certaines rencontres et un certain dosage d’intensité nécessaire du dialogue dialectique lorsqu’il a lieu afin de ne pas blesser inutilement un ego. Car même si l’insularité narcissique de l’ego est le point de départ il y a aussi dans l’ego quelque chose d’une dynamique qui dans le futur le transcendera et qu’il ne faut pas léser en blessant l’ego. A vrai dire,  cette dynamique dans l’ego qui transcendera peut-être l’ego insulaire et narcissique peut s’ouvrir autrement que par la raison raisonante à un plus grand souci de justesse dans la rencontre : il y a des émotions, des attentions ou même des sensations qui peuvent lui donner de plus en plus de force sans que l’ego en surface ne s’en rende compte. Cependant quand cette dynamique devient consciente elle prend forcément une dimension mentale intradialectique.
Cette correction de la méthode dialectique semble encore justifier le fait que la vérité est un mode d’être : le mental qui procède par des représentations qui ne cessent d’emprunter à la fiction ne peut et ne doit être qu’un instrument. La dialectique doit donc être une intradialectique qui instrumente la discussion et la dialectique au service d’un mode d’être. Le mental par la dialectique doit renoncer à posséder la vérité et chercher à la servir en se cherchant à se soumettre à son mode d’être.
Cette intradialectique me permettra de repérer mes préjugés, mais aussi ce que la dialectique oublie souvent, à savoir mes préférences émotionnelles, mes réticences sensorimotrices à l’égard de l’autre. Si elle parvient au nœud relationnel en jeu dans cette rencontre, elle pourra m’ouvrir à une nouvelle approche mentale, affective voire sensorimotrice. Si elle pointe en moi un nœud relationnel, elle m’ouvrira à un renouvellement de mon point de vue. L’unité sous-jacente à la rencontre sera ainsi intensifiée intradialectiquement en dépit de la pluralité des perspectives et accouchera peut-être d’une unité d’être plus forte car devenue plus concrète, plus unifiante au sein d’un point de vue renouvelée sur elle. Au cas où cet accouchement à une intelligence mentale, affective voire sensorimotrice renouvelée de la rencontre n’a pas lieu, l’effort intradialectique, s’il est mené authentiquement, me permettra au moins d’apercevoir dans le devenir de cette rencontre une harmonie qui nous échappe encore à moi et à l’autre et qui seule manifestée manifestera plus profondément l’unité de l’être en devenir de cette rencontre. 
Si l’autre se pose définitivement comme ennemi, il s’agira dans la perspective philosophique d’intégrer en moi sa perspective qui se pose en ennemie, d’entrapercevoir un nouveau point de vue où cet ennemi et moi-même pourrions être en harmonie dans la rencontre. A vrai dire plus l’autre nous semblera difficile, plus l’autre nous semblera rétif, plus nous avons de chance de progresser dans l’art dialogal. Si l’autre m’agresse, il faudra peut-être lui signifier son agression, la questionner, essayer de dénouer la confusion relationnelle qui explique cette agressivité quitte à apercevoir notre part dans cette confusion : éviter le conflit ouvert revient bien souvent à trahir toute approche dialogale. La condescendance, l’indifférence et le mépris sont donc les attitudes les plus contraires à l’approche dialogale. Assumer honnêtement notre réaction émotionnelle pointera notre net refus du point de vue différent et stimulera notre démarche intradialectique voire une action pleinement dialogale et non plus une réaction émotionnelle mécanique. Le conflit n’est donc pas en ce sens le contraire du dialogue puisqu’il est plus dialogal qu’un déni de la relation : il y a une façon dialogale de s’affronter violemment à l’autre. Car au fond dans l’unité de la rencontre il n’y a qu’une source du mouvement et souvent le personnage de l’agresseur comme le personnage de la victime l’oublient : ils se ferment alors l’un et l’autre à une force inhérente de réconciliation et d’effacement de l’injustice passée. L’unité de l’être de la rencontre peut rester toujours aussi éclatant au cœur du conflit dans une démarche intradialectique intégrale : la guerre, la violence peuvent malgré tout demeurer un dialogue par d’autres moyens si et seulement si nous parvenons à dépasser toute positionnement de vainqueur et de vaincu, si l’établissement d’une harmonie plus haute de l’unité de l’être de la rencontre en reste l’enjeu. Il y a ainsi des vaincus de l’histoire dont la quête devra bien être réactualisée pour que se manifeste dans une harmonie terrestre l’unité de l’être. Il y a ainsi des victoires qui s’avèrent des défaites en profondeur au moment où les vainqueurs ou les héritiers s’aperçoivent que l’esprit des vaincus manifestait un devenir harmonieux nécessaire à la manifestation terrestre de l’unité de l’être de la rencontre.
Mais au-delà des enjeux éthiques du dialogue, pour Socrate, qui avait l’habitude d’entrer en dialogue avec n’importe qui, il s’agissait aussi d’interroger les opinions de ses interlocuteurs et de leur faire expérimenter qu’elles faisaient inexorablement problème. L’intradialectique est donc une attitude intérieure qui montre qu’on peut toujours poser à nos opinions même les plus spirituelles des questions dénonçant leur certitude aveugle : ce qui est en jeu est une évolution de nos facultés mentales, affectives voire sensorimotrices. Du point de vue intradialectique, nous ne pouvons posséder toute la vérité en affirmant dans le même temps que l’autre y serait étranger ; l’attitude de l’autre est un fait de vérité, sa manière de vivre et de penser dit quelque chose de vrai sur l’unité de l’être de la rencontre en devenir. Pour l’intradialectique, toutes nos opinions, toutes nos constructions intellectuelles mais aussi toutes nos émotions, nos sensations doivent à un moment ou l’autre devenir problématiques, car c’est lorsque quelqu’un reconnaît le caractère problématique de ses positionnements mentaux, affectifs et sensitifs qu’il peut réellement voir s’ouvrir son esprit.

2 – Les grandes intuitions sont le fruit d’une forme d’intradialectique.


Là où jusqu’ici nous parlions d’intuition créatrice, Socrate et Platon évoquent une possibilité du dialogue comme rencontre avec un monde de formes intelligibles et au-delà encore avec une unité de l’être du devenir psychique (on en trouvera une description détaillée dans notre cours sur l’art à propos de l’extrait du Banquet de Platon). Quelque chose d’une expérience psychique des formes intelligibles existe peut-être quand la pratique dialectique est très avancée. Certes les discours de Socrate et Platon entre autres ne sont peut-être ici encore qu’une description intellectuelle et donc une interprétation limitée de la forme d’ouverture d’esprit qui a lieu à un stade avancée de cette pratique : leur interprétation limitée traduirait d’ailleurs en un sens le caractère limitée de leur propre expérience d’ouverture à une conscience psychique que nous pouvons qualifier sans la trahir de surmentale. 

On peut toujours légitimement d’un point de vue intellectuel et scientifique discuter l’interprétation de ces expériences psychiques surmentales en termes de formes intelligibles non matérielles car nous savons que la matière ne nous est pas toujours sensible. On peut par exemple préférer ramener ces expériences psychiques surmentales à des expériences fugitives d’intuitions qui se produisent parfois dans notre espace cérébrale lorsqu’on se confronte longtemps à un problème ; on peut ainsi repenser ces expériences psychiques surmentales comme un travail cérébral inconscient qui se cristalliserait d’un coup consciemment. Le scepticisme inconséquent du matérialiste intransigeant montrera toujours qu’un tel propos essayant de suggérer une réalité psychique surmentale est une illusion bon marché qui cherche à promouvoir un quelconque fumeux arrière monde même si le discours promotionnel est prêt à parler de monde conscient énergétique au lieu d’arrière monde pour le rendre pseudo-scientifiquement matériel. Ce faisant, ce scepticisme matérialiste risque de refuser ainsi tout dialogue consistant avec ceux qui témoignent d’une telle expérience, même s’il peut par ailleurs pointer de façon éclairante les imperfections de leurs arguments améliorant ainsi leur qualité dialectique. Car au fond sans voir que l’idée d’une réalité psychique surmentale affirme l’existence d’une faiblesse inhérente à toute argumentation et à toute interprétation seulement mentale, il manquera toujours l’essentiel. Nous l’invitons à partir plutôt en direction d’une suspension radicale du jugement propre selon nous à un scepticisme authentique . Un scepticisme de la suspension radicale du jugement fera l’expérience consciente des limites du mental ce qui prédispose davantage à faire une éventuelle expérience psychique surmentale. Un tel sceptique est plus apte à s’étonner soudain avec nous du lien et de la coïncidence entre une qualité d’inspiration intuitive nourrissant nos fictions intellectuelles et son efficacité apparente sur les plans affectifs, sensitifs voire physiques bien que condamnée sur le plan intellectuel à n’être que fictions plus ou moins éclairantes. 
Ainsi les questions légitimes d’interprétations sur le plan intellectuel ne doivent jamais nous éloigner du fait qu’une qualité psychique surmentale d’expérience d’ouverture d’esprit rompt avec la conscience intellectuelle usuelle. Pour en discuter, il nous semble qu’il faut avant tout devenir des praticiens de plus en plus avancés de la dialectique que ce soit dans les domaines intellectuels comme en témoignent d’éminents scientifiques qui racontent avoir vécu l’apparition de vision intuitive résolvant des difficultés insolubles par la raison raisonante usuelle, dans le champ artistique où la question de l’inspiration et du génie se ressent souvent même en tant qu’amateur, dans le champ affectif comme en témoignent divers chercheurs spirituels voire dans le domaine sensorimoteur comme en témoignent certains sportifs ou pratiquants d’arts martiaux externes ou internes.

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V. Conclusion.

En fait la vérité sur le plan mental reste un discours. Or tout discours présuppose un dialogue. Le langage humain se forme et se transmet sous la forme du dialogue. Le raisonnement même solitaire peut être considéré comme une dialogue authentique avec soi-même. Certes il y a des faits indiscutables, indubitables mais seules la critique et la discussion peuvent mener à le dire. Qui dira d’ailleurs que notre science expérimentale n’est pas une façon de poser nos questions à la réalité, de la faire parler en quelque sorte… 
Mais à vrai dire le dialogue en tant que tel n’est peut-être pas la source de vérité mais une condition fondamentale pour l’homme de la laisser s’exprimer par l’inspiration dans sa conscience…

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