dimanche 26 octobre 2014

Méthodes pour l'explication de texte philosophique : exercices et corrigés.


I – EXERCICES


1 – Exercice de lecture d’un texte.

Appliquez les étapes de lecture d’un texte philosophique au texte suivant :

« Il est de la plus grande importance d’apprendre aux enfants à travailler. L’homme est le seul animal qui soit voué au travail. Il lui faut d’abord beaucoup de préparation pour en venir à jouir de ce qui est nécessaire à sa conservation. La question de savoir si le Ciel ne se serait pas montré beaucoup plus bienveillant à notre égard, en nous offrant toutes choses déjà préparées, de telle sorte que nous n’aurions plus besoin de travailler, cette question doit certainement être résolue négativement, car il faut à l’homme des occupations, même de celles qui supposent une certaine contrainte. Il est tout aussi faux de s’imaginer que, si Adam et Ève étaient restés dans le paradis, ils n’eussent fait autre chose que demeurer assis ensemble, chanter des chants pastoraux et contempler la beauté de la nature. L’oisiveté eût fait leur tourment tout aussi bien que celui des autres hommes.
Il faut que l’homme soit occupé de telle sorte que, tout rempli du but qu’il a devant les yeux, il ne se sente pas lui-même, et le meilleur repos pour lui est celui qui suit le travail. On doit donc accoutumer l’enfant à travailler. », Kant, extrait du Traité de pédagogie, trad. De J. Barni.

2 – Exercices de clarification :

a) Clarifiez par l’exemple le texte suivant :

« La vertu est donc une disposition acquise volontaire, consistant par rapport à nous, dans la mesure, définie par la raison conformément à la conduite d’un homme réfléchi. Elle tient la juste moyenne entre deux extrémités fâcheuses, l’une par excès, l’autre par défaut. », Aristote, Ethique à Nicomaque.

b) Renforcez à l’aide d’un argument le texte suivant :


« L’État sera donc très peu stable, lorsque son salut dépendra de l’honnêteté d’un individu et que les affaires ne pourront y être bien conduites qu’à condition d’être dans des mains honnêtes. Pour qu’il puisse durer, il faut que les affaires publiques y soient ordonnées de telle sorte que ceux qui les manient, soit que la raison, soit que la passion les fasse agir, ne puissent être tentés d’être de mauvaise foi et de mal faire. […]. La liberté ou la force de l’âme est la vertu des particuliers ; mais la vertu de l’État, c’est la sécurité. », Spinoza, Traité Politique.

3 – Exercice : repérer de logique argumentative du texte suivant :

« Ainsi, pressé entre la nécessité d’observer pour se former des théories réelles et la nécessité non moins impérieuse de se créer des théories quelconques pour se livrer à des observations suivies, l’esprit humain, à sa naissance, se trouverait enfermé dans un cercle vicieux dont il n’aurait jamais eu aucun moyen de sortir, s’il ne se fût heureusement ouvert une issue naturelle par le développement spontané des conceptions théologiques, qui ont présenté un point de ralliement à ses efforts, et fourni un aliment à son activité. Tel est, indépendamment des hautes considérations sociales qui s’y rattachent et que je ne dois pas même indiquer en ce moment, le motif fondamental qui démontre la nécessité logique du caractère purement théologique de la philosophie primitive. », Auguste Comte, Cours de philosophie positive.

4 – Exercices de questionnement d’un texte :


a) - Posez des hypothèses pour expliquer l’idée principale du texte suivant :

« 28. Les hommes agissent comme les bêtes en tant que les consécutions de leurs perceptions ne se font que par le principe de la mémoire ; ressemblant aux médecins empiriques, qui ont une simple pratique sans théorie ; et nous ne sommes qu’empiriques dans les trois quarts de nos actions. Par exemple, quand on s’attend qu’il y aura jour demain, on agit en empirique, parce que cela s’est toujours fait ainsi jusqu’ici. Il n’y a que l’astronome qui le juge par raison. », Leibniz, La Monadologie.


b) Mettez en évidence une apparente contradiction dans le texte suivant, puis montrer qu’elle n’est qu’apparente :

« Pensons encore en particulier à la formation des concepts. Tout mot devient immédiatement concept par le fait qu’il ne doit pas servir justement pour l’expérience originale, unique, absolument individualisée, à laquelle il doit sa naissance, c’est à dire comme souvenir, mais qu’il doit servir en même temps pour des expériences innombrables, plus ou moins analogues, c’est à dire à strictement parler, jamais identiques et ne doit donc servir qu’à des cas différents. Tout concept naît de l’identification du non identique. », Nietzsche, Le livre du philosophe.

5 – Exercice de confrontation d’un texte étudié avec un autre


a) Lisez les deux textes suivants :

• Texte 1 :


« Qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique ? La conscience s’en retire. Dans l’apprentissage d’un exercice, par exemple, nous commençons par être conscients de chacun des mouvements que nous exécutons, parce qu’il vient de nous, parce qu’il résulte d’une décision et implique un choix ; puis, à mesure que ces mouvements s’enchaînent davantage entre eux et se déterminent plus mécaniquement les uns les autres, nous dispensant ainsi de nous décider et de choisir, la conscience que nous en avons diminue et disparaît. Quels sont, d’autre part, les moments où notre conscience atteint le plus de vivacité ? Ne sont-ce pas les moments de crise intérieure, où nous hésitons entre deux ou plusieurs partis à prendre, où nous sentons que notre avenir sera ce que nous l’aurons fait ? Les variations d’intensité de notre conscience semblent donc bien correspondre à la somme plus ou moins considérable de choix ou, si vous voulez, de création, que nous distribuons sur notre conduite. Tout porte à croire qu’il en est ainsi de la conscience en général. Si conscience signifie mémoire et anticipation, c’est que conscience est synonyme de choix. », Bergson, La conscience et la vie in L’énergie spirituelle.


• Texte 2 :

« C’est une erreur de dire qu’une action que l’on sait faire se fait ensuite sans attention. Le distrait est, il me semble, un homme qui laisse courir ses actions ; mais aussi il est assez ridicule, par cette méthode en petits morceaux. L’animal n’est point distrait ; il n’est qu’étourdi. Il faut insister là-dessus. Il n’est point vrai qu’un bon cavalier monte bien sans jugement. Il n’est point vrai qu’un bon ouvrier ajuste bien sans jugement. Je dirais plutôt que le jugement ici, par la vertu de l’habitude, est obéi aussitôt, sans mouvements inutiles. Et j’ai ouï dire que la moindre idée ou réflexion de traverse précipite le gymnaste. Preuve que son corps, sans un continuel commandement, ne sait plus où aller ; s’il se raccroche, c’est d’instinct. Et je ne crois même pas que cet art de tomber sans mal, qu’ils ont si bien, soit jamais sans jugement. », Alain, Éléments de philosophie.


b) Repérez des parallèles et des différences entre les deux textes qui permettent de mieux cerner l’originalité de la position de Bergson.


6 – Exercice : repérer un réseau conceptuel dans le texte suivant :


« Ceux qui disent que les sceptiques détruisent les représentations sensibles me paraissent ne pas nous comprendre. Car nous ne renversons pas les impressions reçues par l’imagination et qui nous conduisent, comme nous l’avons dit plus haut, à un assentiment involontaire ; ces impressions sont en effet les représentations sensibles. or, quand nous cherchons si le réel est conforme à son apparence, notre enquête sceptique ne porte pas sur la représentation, mais sur l’interprétation de la représentation, ce qui ne met nullement en question la représentation sensible proprement dite. Ainsi le miel nous est représenté comme doux, nous l’admettons, car cette douceur est une donnée de la sensation ; mais quant à savoir s’il est doux dans son essence c’est là une question qui ne porte pas sur le sensible mais sur son interprétation. Les arguments que nous opposons aux représentations ne sont pas destinés à réfuter les données empiriques, mais à démontrer la témérité des dogmatiques ; si en effet la raison est trompeuse au point de nous ravir les représentations qui frappent nos propres yeux, comment ne pas se défier d’elle lorsque son objet n’est même pas sensible, en sorte de n’avoir pas la témérité de la suivre ? »,
Sextus Empiricus, Hypotyposes pyrrhoniennes, I, 19-20.


7 – Exercice : Sujet type bac général


« S’il est impossible de trouver en chaque homme une essence universelle qui serait la nature humaine, il existe pourtant une universalité humaine de condition. Ce n’est pas par hasard que les penseurs d’aujourd’hui parlent plus volontiers de la condition de l’homme que de sa nature. Par condition ils entendent avec plus ou moins de clarté l’ensemble des limites a priori qui esquissent sa situation fondamentale dans l’univers. Les situations historiques varient : l’homme peut naître esclave dans une société païenne ou seigneur féodal ou prolétaire. Ce qui ne varie pas, c’est la nécessité pour lui d’être dans le monde, d’y être au travail, d’y être au milieu d’autres et d’y être mortel... Et bien que les projets puissent être divers, au moins aucun ne me reste-t-il tout à fait étranger parce qu’ils se présentent tous comme un essai pour franchir ces limites ou pour les reculer ou pour les nier ou pour s’en accommoder. », Jean-Paul SARTRE, L’Existentialisme est un humanisme, p.67- 69 – Nagel.



La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.




• Étape 2 : Le thème du texte est le travail.

• Étape 3 : On peut repérer la thèse dans le dernier paragraphe du passage qui va de « Il faut que l’homme soit occupé » à la fin. Cette proposition synthétise le mieux le reste du texte.

• Étape 4 : Si on repère les divers mots de liaison et autres indications du raisonnement à partir de la grammaire et de la graphie du texte, on a :

« Il est de la plus grande importance d’apprendre aux enfants à travailler. L’homme est le seul animal qui soit voué au travail [fin de la première phrase]. Il lui faut d’abord beaucoup de préparation pour en venir à jouir de ce qui est nécessaire à sa conservation [fin de la deuxième phrase]. La question de savoir si le Ciel ne se serait pas montré beaucoup plus bienveillant à notre égard, en nous offrant toutes choses déjà préparées, de telle sorte que nous n’aurions plus besoin de travailler, cette question doit certainement être résolue négativement, car il faut à l’homme des occupations, même de celles qui supposent une certaine contrainte [fin de la troisième phrase]. Il est tout aussi faux de s’imaginer que, si Adam et Ève étaient restés dans le paradis, ils n’eussent fait autre chose que demeurer assis ensemble, chanter des chants pastoraux et contempler la beauté de la nature [fin de la quatrième phrase]. L’oisiveté eût fait leur tourment tout aussi bien que celui des autres hommes [fin de la cinquième phrase].
Il faut que l’homme soit occupé de telle sorte que, tout rempli du but qu’il a devant les yeux, il ne se sente pas lui-même, et le meilleur repos pour lui est celui qui suit le travail [fin de la sixième phrase]. On doit donc accoutumer l’enfant à travailler [fin de la septième phrase]. »

A partir de là, on peut proposer le plan suivant du point de vue formel :

• Première partie : Les deux premières phrases posent une première version de la thèse.
• Deuxième partie : Un exemple met en jeu la thèse (de la troisième à la cinquième phrase).
• Troisième partie : La conclusion qui reprend la thèse qui a été mise en jeu.

• Étape 5 : Le plan du point de vue du contenu et d’une explication linéaire rapide.

Première partie : La conception d’Emmanuel Kant montre pourquoi apprendre à travailler est un devoir moral du pédagogue. Pour lui la paresse est un péché qui heureusement est sanctionné par l’ennui. Il rappelle que l’homme est différent des autres animaux de fait même de sa nécessité de travailler. Un animal agit spontanément pour sa conservation tandis qu’un être humain doit apprendre à agir pour sa conservation. L’éducation consiste à lui transmettre par des représentations mentales un sens de l’effort en vue de sa propre conservation.
Deuxième partie : On peut remarquer que l’analyse de Kant semble s’opposer à la Genèse biblique où l’Eden, le paradis primitif est pensé comme une vie qui n’exige aucun effort pour gagner sa vie. Le devoir de gagner sa vie est un châtiment de Dieu pour un homme qui a voulu entrer dans la connaissance du bien et du mal. Kant estime pour sa part que si Adam et Eve n’avaient pas été chassés du Paradis ils auraient travaillé confrontés qu’ils auraient été à l’ennui. L’ennui pour Kant est comme une malédiction.
Troisième partie : Pour ne pas sentir l’ennui, le mieux est de ne pas se sentir soi-même : il faut que le moi soit tout entièrement consacré à un but, qu’il soit tout entier consacré à un effort qui le fait s’oublier soi-même. Pour Kant le meilleur repos n’est celui du paresseux qui bientôt s’ennuiera mais celui du travailleur qui a effectué sa tâche du mieux qu’il pouvait et doit regagner ses forces par le repos. Pour Kant le simple plaisir d’exister ne peut être obtenu par la paresse. Kant nie donc que les cyniques antiques puissent avoir été heureux sans rien faire. D’ailleurs n’avaient-ils pas une intense activité philosophique ? Selon lui il nous faut obliger les enfants à travailler tant qu’ils ne sont pas capables vraiment de s’y obligés eux-mêmes de façon autonomes, cette discipline, ce sens de l’effort est une condition nécessaire à leur bonheur même : sans sens de l’effort un enfant fera face à l’ennui, à la dépression.

• Étape 6 : Le problème et les enjeux du texte concernent la place du travail dans la société humaine.


 Plus particulièrement l’enjeu est de savoir dans quelle mesure les hommes peuvent être oisifs. Aujourd’hui notre rapport au travail des enfants est relativement partagé. Nous estimons qu’en bas âge le jeu est plus formateur. Mettre les enfants au travail est vu comme une exploitation des enfants. Le lecteur de Kant et Kant lui-même ne sont-ils pas complice faute de qualifier l’apprentissage du travail pour les enfants de ces exploitations scandaleuses des enfants ?


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CORRIGE DE L’EXERCICE 2



a) Clarifiez par l’exemple le texte suivant :


« La vertu est donc une disposition acquise volontaire, consistant par rapport à nous, dans la mesure, définie par la raison conformément à la conduite d’un homme réfléchi. Elle tient la juste moyenne entre deux extrémités fâcheuses, l’une par excès, l’autre par défaut. », Aristote, Ethique à Nicomaque.


Explication : Pour Aristote il n’y a pas de vertu innée qui serait par exemple le fruit d’un bon caractère reçu dès la naissance. Pour lui la vertu met toujours en jeu l’action conforme à la raison. Par exemple, un caractère penche toujours excessivement d’un côté soit par défaut soit par excès, il faut le rééquilibrer. La vertu met en jeu la réflexion qui permet de viser la juste moyenne en au moins deux déséquilibres complémentaires.

Exemple illustrant le passage : Le courage par exemple n’est ni la témérité qui est un goût du risque excessif, mais ni une conduite timorée qui est un excès de prudence. Le courage n’est donc pas l’absence de peur qui entraîne un défaut de prudence, ni non plus un défaut de goût du risque. La vertu est donc un chemin entre deux défauts ou deux excès.


b) Renforcez à l’aide d’un argument le texte suivant :

« L’État sera donc très peu stable, lorsque son salut dépendra de l’honnêteté d’un individu et que les affaires ne pourront y être bien conduites qu’à condition d’être dans des mains honnêtes. Pour qu’il puisse durer, il faut que les affaires publiques y soient ordonnées de telle sorte que ceux qui les manient, soit que la raison, soit que la passion les fasse agir, ne puissent être tentés d’être de mauvaise foi et de mal faire. […]. La liberté ou la force de l’âme est la vertu des particuliers ; mais la vertu de l’État, c’est la sécurité. », Spinoza, Traité Politique.

Explication : L’État est une organisation d’exercice du pouvoir. L’État pour Spinoza dans l’idéal doit être au service du peuple, son pouvoir doit servir le peuple et non ceux qui sont à sa tête. Mais faut-il garantir le bon fonctionnement de l’État en escomptant qu’à sa tête il y aura des gens honnêtes. Faut-il attendre de trouver un homme vertueux pour que l’État remplisse bien sa mission ? Spinoza estime qu’une telle attente peut être illusoire : il veut mieux organiser l’État de telle sorte que ceux qui sont à sa tête soient contraints de bien faire qu’ils soient animés par la vertu de raison ou par les vices des passions. Pour Spinoza, la liberté ou la force d’âme qui sont les caractéristiques de la sagesse ou des bonnes mœurs ne doivent pas être l’affaire de l’État. L’affaire de l’État doit être la sécurité qui protège les gens contre les excès des vices de la passion et qui permet à ceux qui cherchent la sagesse de la chercher en paix et librement. L’État doit être organisé pour sécuriser la liberté des individus les uns vis-à-vis des autres.
Un argument pour renforcer la thèse du texte : Dans une démocratie pour assurer la sécurité des citoyens par rapport à l’État, ainsi on peut procéder à une séparation des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires. Nos démocraties ne comptent pas tant sur l’honnêteté de nos dirigeants que sur l’efficacité de contre pouvoirs institutionnalisés. Même un homme politique non vertueux sera amené dans l’exercice du pouvoir à ne pas dépasser certaines bornes : car il reste lui-même en dessous des lois, son poste reste soumis à l’élection, etc.


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CORRIGE DE L’EXERCICE 3


Exercice : repérer de logique argumentative du texte suivant :

« Ainsi, pressé entre la nécessité d’observer pour se former des théories réelles et la nécessité non moins impérieuse de se créer des théories quelconques pour se livrer à des observations suivies, l’esprit humain, à sa naissance, se trouverait enfermé dans un cercle vicieux dont il n’aurait jamais eu aucun moyen de sortir, s’il ne se fût heureusement ouvert une issue naturelle par le développement spontané des conceptions théologiques, qui ont présenté un point de ralliement à ses efforts, et fourni un aliment à son activité. Tel est, indépendamment des hautes considérations sociales qui s’y rattachent et que je ne dois pas même indiquer en ce moment, le motif fondamental qui démontre la nécessité logique du caractère purement théologique de la philosophie primitive. », Auguste Comte, Cours de philosophie positive.


Explication sommaire : La philosophie positiviste d’Auguste Comte se réclame de la science et de la seule qualité scientifique des théories. Mais il lui faut expliquer pourquoi l’humanité est si longtemps restée attachée à des théories théologiques comme celles des mythes pour expliquer le monde. Auguste Comte souligne donc l’interdépendance de l’observation et de la théorie : sans observation l’activité théorique ne peut se mettre en œuvre mais activité théorique, l’observateur ne saura pas orienter son regard. Selon auguste Comte, la pensée théologique est la plus appropriée pour produire une activité théorique sans donnée approfondie de l’expérience. Auguste Comte estime que les conceptions théologiques ont donc une telle source outre leur évidente importance du point de vue sociologique dans les organisations humaines.
La logique argumentative du texte : ce texte s’ouvre donc sur la présentation d’un cercle vicieux : pour théoriser il faut des données de l’observation mais pour observer il faut être guidé par des cadres théoriques.
La suite du texte exposera donc en quoi la démarche théologique résout cet apparent cercle vicieux : les conceptions théologiques offrent un cadre d’observation théorique et en même temps elles intègrent des faits dans une perspective théorique. 
La dernière phrase propose alors une conclusion récapitulative.


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CORRIGE DE L’EXERCICE 4


Questionnement d’un texte :

a) - Posez des hypothèses pour expliquer l’idée principale du texte suivant :

« 28. Les hommes agissent comme les bêtes en tant que les consécutions de leurs perceptions ne se font que par le principe de la mémoire ; ressemblant aux médecins empiriques, qui ont une simple pratique sans théorie ; et nous ne sommes qu’empiriques dans les trois quarts de nos actions. Par exemple, quand on s’attend qu’il y aura jour demain, on agit en empirique, parce que cela s’est toujours fait ainsi jusqu’ici. Il n’y a que l’astronome qui le juge par raison. », Leibniz, La Monadologie.


Hypothèse 1 : On peut estimer qu’il y a ici une reprise du débat entre l’approche empiriste et l’approche rationaliste. Descartes était un rationaliste qui estimait qu’il y avait en nous des idées innées et même un bon sens inné en tout homme lui donnant accès à une méthode de connaissance. Locke compare lui l’esprit humain à une table rase sur lequel les impressions sensibles laissent des traces que la réflexion transforme en connaissance. Leibniz semblerait ici esquisser un compromis puisqu’il reconnaît que la plupart du temps nous sommes des empiristes et que nous sommes rarement des êtres qui jugent par raison au-delà de l’expérience. Le compromis de Leibniz est cependant plutôt en faveur des rationalistes puisque l’empirisme est jugé comparable à l’intelligence des bêtes.

Hypothèse 2 : Entre l’empiriste et le rationaliste, il n’y a pas seulement ici un compromis. L’empiriste dans ce passage même comme l’astronome s’intéresse aux astres. Comme jusqu’ici le jour a toujours succédé à la nuit et la nuit au jour, l’empiriste peut en inférer par habitude l’idée qu’une loi de l’univers consiste dans cette succession. Ceci est par excellence ce qu’on nomme l’induction. Si tous les corbeaux que j’ai vus jusqu’ici avaient le bec noir, je peux en induire que tous les corbeaux ont le bec noir. Contrairement à ce pensent les philosophes empiristes l’astronome n’élabore pas une théorie essentiellement par induction, mais il peut par raison déduire des faits.

Hypothèse 3 : Certes la théorie de Newton comme la plupart des mathématisations des phénomènes physiques ne portent pas traces de la démarche inductive qui parfois a pu contribuer à les établir. A un certain niveau une théorie scientifique est essentiellement déductive. Mais comment éviter qu’elles ne demeurent des conjectures ? Il faudrait en déduire toute la réalité pour être assuré de sa validité. Il peut toujours se présenter après tout un contre-exemple à ces théories : pour Karl Popper, c’est là d’ailleurs un critère caractérisant la valeur scientifique d’une théorie. Plus une théorie pourra être mise à l’épreuve et plus il y résistera plus sa scientificité sera assurée. Leibniz estime lui apparemment qu’il ne faut pas sous-estimer le caractère métaphysique des théories dans leur élaboration. Il y a dans notre pratique de la raison un accès à une connaissance qui ne part seulement de l’expérience. Après tout cette connaissance métaphysique peut être plus ou moins complète elle semble capable seule de nous permettre d’anticiper l’expérience.


b) Mettez en évidence une apparente contradiction dans le texte suivant, puis montrer qu’elle n’est qu’apparente :

« Pensons encore en particulier à la formation des concepts. Tout mot devient immédiatement concept par le fait qu’il ne doit pas servir justement pour l’expérience originale, unique, absolument individualisée, à laquelle il doit sa naissance, c’est à dire comme souvenir, mais qu’il doit servir en même temps pour des expériences innombrables, plus ou moins analogues, c’est à dire à strictement parler, jamais identiques et ne doit donc servir qu’à des cas différents. Tout concept naît de l’identification du non identique. », Nietzsche, Le livre du philosophe.


La contradiction apparente : N’y a-t-il pas ici une contradiction performative dans ce passage de Nietzsche ? Autrement dit n’y a-t-il pas une contradiction entre ce que Nietzsche affirme et le fait de l’affirmer ? En effet, Nietzsche affirme que les concepts manquent toujours l’originalité de toute expérience, il affirme sont toujours inadéquates pour dire l’expérience. Or n’utilisent-ils pas les mots lui-même pour nous expliquer la limite du langage ?

Réponse : Nietzsche toutefois ici se sert d’un autre ressort du langage qui est justement l’interrogation et la critique. Les mots qu’il utilise ne permettent pas de dire l’originalité de telle expérience mais ils permettent de douter de nos descriptions de l’expérience. En décrivant la limite du langage inhérente aux mots qui nient l’originalité de l’expérience ne parvient-il pas à dépasser cette limite des mots en utilisant les mots eux-mêmes ? Tout concept naîtrait de l’identification de ce qui est en fait non identique, comment expliquer alors que les mots nous permettent d’identifier l’originalité de chaque expérience ? Nietzsche oppose la mémoire filtrée par les mots, les analogies et la vie qui en tant que telle à chaque instant se renouvelle sans qu’on puisse mettre précisément son renouvellement en mot. Pointer ce renouvellement ou l’originalité de chaque expérience par les mots ne peut procéder que par la critique d’une faiblesse inhérente aux mots.


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CORRIGE DE L’EXERCICE 5

a) Lisez les deux textes suivants :

• Texte 1 :

« Qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique ? La conscience s’en retire. Dans l’apprentissage d’un exercice, par exemple, nous commençons par être conscients de chacun des mouvements que nous exécutons, parce qu’il vient de nous, parce qu’il résulte d’une décision et implique un choix ; puis, à mesure que ces mouvements s’enchaînent davantage entre eux et se déterminent plus mécaniquement les uns les autres, nous dispensant ainsi de nous décider et de choisir, la conscience que nous en avons diminue et disparaît. Quels sont, d’autre part, les moments où notre conscience atteint le plus de vivacité ? Ne sont-ce pas les moments de crise intérieure, où nous hésitons entre deux ou plusieurs partis à prendre, où nous sentons que notre avenir sera ce que nous l’aurons fait ? Les variations d’intensité de notre conscience semblent donc bien correspondre à la somme plus ou moins considérable de choix ou, si vous voulez, de création, que nous distribuons sur notre conduite. Tout porte à croire qu’il en est ainsi de la conscience en général. Si conscience signifie mémoire et anticipation, c’est que conscience est synonyme de choix. », Bergson, La conscience et la vie in L’énergie spirituelle.


Explication - résumé rapide de la thèse : Pour Bergson, plus nos actions mettent en jeu des choix et plus profondément des intuitions créatrices plus elles sont conscientes. A l’inverse, plus nos actes sont des habitudes, des automatismes, plus ils semblent déterminés et inconscients. A vrai dire les lois déterministes sont toujours inconscientes.


• Texte 2 :


« C’est une erreur de dire qu’une action que l’on sait faire se fait ensuite sans attention. Le distrait est, il me semble, un homme qui laisse courir ses actions ; mais aussi il est assez ridicule, par cette méthode en petits morceaux. L’animal n’est point distrait ; il n’est qu’étourdi. Il faut insister là-dessus. Il n’est point vrai qu’un bon cavalier monte bien sans jugement. Il n’est point vrai qu’un bon ouvrier ajuste bien sans jugement. Je dirais plutôt que le jugement ici, par la vertu de l’habitude, est obéi aussitôt, sans mouvements inutiles. Et j’ai ouï dire que la moindre idée ou réflexion de traverse précipite le gymnaste. Preuve que son corps, sans un continuel commandement, ne sait plus où aller ; s’il se raccroche, c’est d’instinct. Et je ne crois même pas que cet art de tomber sans mal, qu’ils ont si bien, soit jamais sans jugement. », Alain, Élément de philosophie, p.240, folio essais.


Explication - résumé rapide de la thèse : Alain considère le problème de l’action du point de vue humain. Il oppose l’attention à la distraction. Des habitudes et des automatismes chez l’homme ont beau être acquis, ils peuvent échouer dans leur réalisation si insuffisamment d’attention leur sont consacrés. Le gymnaste qui pense à autre chose qu’à son enchaînement occasionnera sa chute.


b) Parallèles et des différences entre les deux textes qui permettent de mieux cerner l’originalité de la position de Bergson.


Ces textes d’Alain et de Bergson considèrent la question de l’action exercée jusqu’à ce qu’elle devienne une habitude. On pourrait voir entre ces deux textes une franche opposition quant à la place de la conscience dans l’action exercée jusqu’à ce qu’elle soit habituelle ou automatique. Pour Bergson, la conscience se retire de telles actions. Par exemple, lorsque nous apprenons à conduire, dans les premiers temps nous devons effectuer consciemment les gestes qui nous permettront de changer de vitesse ou de freiner. Il nous est alors difficile de nous concentrer sur la route, les directions à prendre et simultanément sur les pieds qui doivent intervenir eux sur les pédales et la main qui doit faire usage du levier de vitesse ou du frein à main. Quand les changements de vitesses ou les freinages s’effectuent automatiquement notre puissance de choix consciente peut plus facilement se concentrer sur la route. Alain pense plutôt au gymnaste. Certes par son entraînement il a acquis des enchaînements jusqu’à ce qu’ils deviennent automatiques. Mais la conscience ne peut pas totalement s’en retirer car ces automatismes pour s’accomplir exigent une qualité d’attention. Cette attention consiste précisément à chasser la distraction : c’est-à-dire la possibilité qu’un mécanisme concurrent s’y mêle et ne fausse l’enchaînement. Quand le gymnaste chute il doit souvent effectuer des gestes qui vont à l’encontre des réflexes instinctifs. Les gestes qu’ils a appris pour ne pas se faire lors de ses chutes s’opposent parfois aux automatismes instinctifs : s’il est distrait, les deux séries de gestes se juxtaposeront ou l’automatisme instinctif l’emportera et il se fera mal. 
Toutefois le contre-exemple d’Alain ruine-t-il l’approche de Bergson ? Ce qui nécessite de l’attention est-il véritablement un automatisme ? Notre exemple de la conduite prouve qu’un automatisme véritable nous permet de totalement détourner notre attention. Ce que Alain appelle l’instinct est alors indistinct d’un automatisme véritable. Le gymnaste ne fait-il pas face à une crise intérieure lorsqu’il participe à une compétition ? Ne fait-il pas face au choix soit de penser à la victoire ou à la défaite soit de se concentrer totalement sur la qualité parfaite de ce qu’il est en train de faire ? Un tireur à l’arc par exemple a acquis tout un ensemble d’automatisme pour laisser se décocher sa flèche sans interférer sur sa course. Il ne peut ignorer que la qualité de son tir est déterminante. Un automatisme parfait est-il seulement un automatisme ? Ce grain de perfection n’est-il pas l’œuvre d’une conscience qui vaut transcender l’automatisme dans un geste inspiré par une intuition créatrice.


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CORRIGE DE L’EXERCICE 6

Repérer un réseau conceptuel dans le texte suivant :

« Ceux qui disent que les sceptiques détruisent les représentations sensibles me paraissent ne pas nous comprendre. Car nous ne renversons pas les impressions reçues par l’imagination et qui nous conduisent, comme nous l’avons dit plus haut, à un assentiment involontaire ; ces impressions sont en effet les représentations sensibles. or, quand nous cherchons si le réel est conforme à son apparence, notre enquête sceptique ne porte pas sur la représentation, mais sur l’interprétation de la représentation, ce qui ne met nullement en question la représentation sensible proprement dite. Ainsi le miel nous est représenté comme doux, nous l’admettons, car cette douceur est une donnée de la sensation ; mais quant à savoir s’il est doux dans son essence c’est là une question qui ne porte pas sur le sensible mais sur son interprétation. Les arguments que nous opposons aux représentations ne sont pas destinés à réfuter les données empiriques, mais à démontrer la témérité des dogmatiques ; si en effet la raison est trompeuse au point de nous ravir les représentations qui frappent nos propres yeux, comment ne pas se défier d’elle lorsque son objet n’est même pas sensible, en sorte de n’avoir pas la témérité de la suivre ? », Sextus Empiricus, Hypotyposes pyrrhoniennes, I, 19-20.

Explication : voir notre leçon Y a-t-il une vérité en dehors de l’expérience ?

Le réseau conceptuel à l’œuvre dans ce texte :
Un concept central de ce texte est la notion de représentation sensible. Les représentations sensibles sont une forme d’impression de l’esprit.
Les impressions reçues par l’imagination sont des idées de la raison comme des représentations sensibles. Ce sont des impressions dans le sens où elles semblent renvoyer à quelque chose qui les a imprimés en nous sans qu’on puisse en être certain. Le fait de parler de représentation en ce qui concerne les représentations sensibles veut amplifier l’ambiguïté du concept d’impression.
Le réel est sensé exister en dehors de notre esprit et faire apparaître en nous à travers nos sens une image ressemblante. Les sceptiques en parlant d’apparence veulent signifier une nouvelle fois une ambiguïté qu’on ne peut pas trancher : ce qui apparaît est-il une simple illusion qui ne renvoie à rien d’existant ou révèle-t-il une réalité ? L’empirie des apparences n’est pas mise en cause par les sceptiques mais son interprétation dogmatique qui en inférence une réalité et une vérité à propos de cette réalité.
Ainsi c’est le concept même de raison qui va faire l’objet de la mise entre parenthèses sceptique (épochè en grec). C’est elle qui sert le dogmatique dans l’affirmation de la vérité de la réalité. Mais en fait les idées de la raison sont des apparences dans la conscience : ce sont des représentations encore plus nébuleuses que les représentations sensibles. La mise entre parenthèse ou épochè sceptique est ici un concept implicite.


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CORRIGE DE L’EXERCICE 7

Cet exemple d’explication d’un texte philosophique type bac en terminale générale est élaboré et développé à partir d’un commentaire de Joseph Llapasset sur le site web Philagora :

[Introduction] 

[Le thème] Dans ce texte Sartre refuse au nom de la liberté la notion de nature humaine. 
[La thèse] Sartre refuse donc ici l’idée d’une humanité inscrite dans une essence, donnée à la naissance. Pour l’auteur il faut parler plutôt de condition universelle de l’homme. 
[Le plan du texte étudié] Cette thèse en deux temps constitue la première partie du texte. Dans une deuxième partie, Sartre analyse cette universalité de condition selon deux points de vue successifs. 
D’un point de vue objectif, la condition humaine ne tient pas à des situations historiques particulières mais à une situation universelle dans la mesure où tout homme rencontre des limites comme le travail, autrui, la mort…
Sur le plan subjectif chaque homme par son projet tente d’assumer ses limites en les refusant, les acceptant ou les dépassant, ce qui fonde une intersubjectivité et donc une compréhension d’autrui toujours possible. 
[Le problème et les enjeux] L’existentialisme est une réflexion sur l’existence humaine qui pour Sartre est avant tout liberté. Pour l’homme, « l’existence précède l’essence », car une personnalité n’est pas construite sur un modèle dessiné d’avance et pour un but précis car c’est moi qui choisit de m’engager dans telle entreprise. Ce n’est pas que Sartre nie les conditions contraignantes de l’existence humaine, mais il répond à Spinoza qui affirmait que l’homme est déterminé par ce qui l’entoure.

[Explication linéaire] [Premier temps de la première partie] L’affirmation d’une absence de Définition ou d’essence de l’homme ouvre ce texte. Jean Paul Sartre commence par une prise de position très affirmée contre l’idée qu’il existerait une nature humaine, c’est-à-dire une essence de l’homme, une définition éternelle de l’homme dont ce dernier ne pourrait pas sortir et qui le contraindrait à vivre d’une seule façon possible. Sartre s’oppose catégoriquement à cette idée en partant du principe qu’« il est impossible de trouver en chaque homme une essence universelle qui serait la nature humaine, ». Sartre pense que nous n’avons pas de possibilité de trouver une définition de ce qui fait qu’un être humain est un être humain. Bien entendu on peut le définir d’un point de vue biologique, on peut le définir du point de vue de normes culturelles communes à toutes les cultures. Mais ceci ne permettra pas de le caractériser du point de vue de son humanité : rien ne le distingue à ce niveau des animaux qui se définissent du point de vue biologique et qui ont parfois des normes comportementales qui ne sont pas innées mais transmises et acquises par des apprentissages. Pour Sartre ce qui caractérise l’homme est qu’il n’est pas définissable parce qu’il est libre de se définir lui-même par des choix et donc qu’il est libre de redéfinir autrement la culture qu’on lui avait transmise. Notre existence d’être libre relativise notre essence corporelle animale voire nos schémas culturels les plus universels : comme le dit Sartre « l’existence précède l’essence ». Cependant il ne remet pas pour autant en cause l’idée qu’il puisse y avoir une universalité humaine, mais selon lui cette universalité réside dans la condition de l’homme et non dans sa nature. C’est cette notion de condition qu’il va définir dans le second moment du texte. [Deuxième temps de la première partie] Par « condition de l’homme » il faut entendre nous dit Sartre : « l’ensemble des limites a priori qui esquissent sa situation fondamentale dans l’univers. », cela ne signifie pas que la liberté de l’homme est limitée, mais que cette condition définit le contexte dans lequel cette liberté va pouvoir s’exercer. Pour Sartre, l’homme n’a pas de nature. Sa conscience est libre de toute nature. Pour Sartre, la conscience ne peut pas exister en-dehors d’un corps, et donc en-dehors d’un monde matériel (on voit donc la nécessité pour lui d’être dans le monde). Il y a alors un paradoxe : d’un côté, la conscience est libre de toute identité sociale individuelle, intellectuelle, culturelle (on peut changer de culture, d’idées, de sexe, etc.), mais de l’autre côté : la conscience hérite à chaque instant du monde dans lequel ma conscience s’est constituée. On peut donc avoir l’impression d’être jeté au monde, d’être confronté à une situation qu’on n’a pas choisie ou qu’on avait choisie alors qu’on était un autre. Sartre reproche aux personnes de dire « mais c’est ma nature d’être comme ça : d’être paresseux » alors qu’en fait, personne n’est paresseux pour Sartre puisqu’il s’agit d’une décision. On peut être paresseux mais il faut l’assumer comme un choix. 
[Premier temps de la deuxième partie] Sartre illustre dans le moment suivant du texte cette définition en décrivant plusieurs types de situations dans lesquelles un homme peut se trouver et en fonction desquelles il va devoir se positionner. Ainsi si « Les situations historiques varient », la manière dont le sujet va se comporter dans un contexte donné ne sera pas déterminée par celui-ci, mais dépendra de son seul choix. Je ne choisis pas de « naître esclave dans une société païenne ou seigneur féodal ou prolétaire. », mais je suis responsable de la manière dont je vais vivre ma condition historique et sociale. [Mise en contraste du texte avec d’autres points de vue philosophiques] Ainsi d’une part, il admet comme Spinoza « que tout homme est « en situation » ». Il a un corps, un passé, des obstacles devant lui qui le conditionnent. Mais d’autre part, Sartre réaffirme contre Spinoza que c’est l’homme qui librement confère à la situation son sens. Par exemple, une situation devient intolérable pour des gens qui se sentent opprimés par elle et ils se révoltent librement contre elle. Cette situation n’est peut-être pas intolérable en soi, dit-il, mais elle le devient parce que l’homme lui a conféré ce sens par son projet de liberté alors que un autre homme pourrait, avec un autre projet, considérer cette même situation comme bénéfique. Les chrétiens n’invitaient jamais leurs esclaves à se révolter mais les invitaient à bien faire leur travail d’esclave pour devenir un bon chrétien qui irait au paradis. En projetant mes intentions sur ma situation actuelle « c’est moi qui librement transforme celle-ci en moyens d’action ». Plus l’homme vit dans une situation tragique et difficile, plus il éprouve le besoin de « s’en sortir », et il cherche les moyens de le faire. [Deuxième temps de la deuxième partie] Ce qui fait l’universalité de cette condition pointe aussi la dimension subjective de la condition humaine C’est pourquoi Sartre conclut ce texte en insistant sur ce qui fait l’universalité de l’humanité, ce ne sont pas des caractéristiques innées que tous le hommes posséderaient par nature, mais le fait qu’ils soient tous plongés dans un monde dans lequel ils doivent accomplir leur existence comme projet. Ce que je suis n’est pas défini à l’avance par une nature quelconque, mais résulte de la manière dont je choisis d’affronter le monde, les limites inhérentes à ma condition ne sont pas infranchissables, ma liberté me permet de « franchir ces limites », de « les reculer ou [...] les nier » ou de m’« en accommoder ». Ce sont donc mes décisions qui donnent sens aux situations.

[Conclusion] On peut voir finalement émerger ici un réseau de concepts qui définit assez bien l’existentialisme. Le concept d’Essence est ici nié au sujet de l’homme : « il est impossible de trouver en chaque homme une essence universelle qui serait la nature humaine ». Mais s’y substitue le concept de condition : « il existe pourtant une universalité humaine de condition ». La condition humaine Celui de projet « bien que les projets puissent être divers » répond à la nécessité d’être au monde et donc d’être en situation : comprendre que c’est le projet d’un être libre qui donne une signification aux relations humaines montre comment le projet n’est qu’une manière humaine de répondre aux limites d’une situation et surtout comment le projet philosophique qui prend la liberté pour objet devient l’affaire de tous, il est le projet exemplaire par excellence.


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